L’Afrique enchantée… de danser !

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Le Festival Africolor s’achèvera par un de ces bals, de plus en plus populaires, qu’enjaillent les « jumeaux domino » de la plus africanophile des émissions de radio.

Soro Solo et Vladimir Cagnolari, garçons charmeurs, efflanqués, enthousiastes, goguenards et volubiles, fêtent les dix ans de leur rencontre à Abidjan. En 2001 Solo, star super-pro mais marginalisée à la RTI (1re radio ivoirienne) à cause de son franc-parler et de ses origines sahéliennes, anime une émission musicale et une matinale iconoclaste : « Le Grognon ». Vlad, reconverti pigiste à RFI après une maîtrise d’ethnologie à Madagascar, envisage un reportage sur le reggae ivoirien, dont Solo en le spécialiste absolu…
Duettistes virtuoses des ondes
Entre le Franco-Rital et le Sénoufo, le coup de foudre est instantané. Un an après, menacé par les escadrons de la mort gbagboïstes, Solo est bombardé à Paris où il obtient le statut de réfugié politique. Devenus inséparables, les deux compères habitent la même cour, « à l’africaine », dans le XXe arrondissement de Paris. En 2006, ils lancent ensemble sur France Inter « l’Afrique enchantée » (1). D’abord quotidienne, à l’essai pour l’été, l’émission deviendra, grâce à son succès, hebdomadaire sur toute l’année, rendez-vous prioritaire des amoureux de l’Afrique. Malgré l’horaire « pas évident » – le dimanche à 17 heures – elle franchit vite le cap des 500 000 auditeurs : succès phénoménal pour cet ovni radiophonique qui arrive à tenir en haleine un public « 90 % blanc hexagonal » sur la pensée d’un écrivain africain (récemment, Cheikh Anta Diop, Hampaté Bâ…), le sort des albinos ou des prisonniers, ou bien (pour les trois prochaines émissions) la condition de la femme africaine.
Le sujet le plus aride se révèle luxuriant grâce au bagou, à l’humour décalé et au tennis verbal de ces duettistes virtuoses de la complicité ; grâce aussi à un épatant programme musical, qui réconcilie les générations : ces mélomanes veinards profitent à fond des archives sonores africaines de Radio-France, les plus riches du monde…
Un bal pour enjailler
L’ambiance enjouée de l’Afrique enchantée ne pouvait rester confinée dans un studio du XVI°. Solo et Vlad rêvaient de se lancer dans l’aventure du « clubbing ». « Sans l’argent, comment on va faire ? », se lamentait Solo. « Pendant des mois on a joué au loto, en vain, alors on s’est lancé en misant et partageant nos petites économies. Notre idée était de monter un groupe capable de jouer tout le répertoire de danse de l’Afrique mais aussi des diasporas (funk, reggae, salsa, etc.).«  Bingo : le frère de Vlad, Christophe Cagnolari est chef d’orchestre, adepte du « sound painting », technique gestuelle révolutionnaire qui permet de diriger les musiciens au doigt et à l’œil tout en leur laissant une extrême liberté. Ainsi naissent les redoutables Mercenaires de l’Ambiance, un orchestre euro-panafricain qui met vraiment le feu. Le Cabaret Sauvage de La Villette donne un grand coup de pouce et accueille les premiers Bals de l’Afrique enchantée…
À Paris, le succès n’est pas flagrant ; en province et en outremer, il sera fulgurant : parfois plus de 2000 entrées. Le partenariat de France Inter (et d’Africultures) ne suffit pas à l’expliquer. L’émission, puis les bals, semblent avoir réveillé au fond de l’oreille de la France diverse un vrai « désir d’Afrique », tandis que s’estompe péniblement une vision misérable mal digérée par la tripe postcoloniale.
L’Afrique enchantée et combattante vient aussi de publier sa première compilation musicale, copieuse, délectable et initiatique (2).
Il est naturel que le grand frère Africolor (23e festival) confie son finale aux frères jumeaux de l’Afrique enchantée… surtout que pour fêter les 5 ans de l’émission, les Mercenaires de l’Ambiance accueillent deux invincibles invités : l’indomptable Amazone de Guinée Sayon Bamba et l’Ancien combattant congolais Zao ! Africolor, dont le programme est plus inventif que jamais, arrive à tenir tête à toutes les tracasseries imbéciles qu’inventent nos bureaucrates pour nous empêcher d’accueillir dignement les artistes africains…
La lutte continue. Vinceremos !

1. Le dimanche à 17 heures sur France Inter : FM 87.8
2. « L’Afrique enchantée, ticket d’entrée », 2 CD RCA Victor/Sony Music
Article également publié dans Afriscope n° 23, novembre-décembre 2011///Article N° : 10529

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Les images de l'article
© Africolor festival
Soro Solo, la Nièce Hortense et Vlad, le 31 juillet dernier au Bal de l'Afrique Enchanté lors du festival Africajarc © Julien Borel





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