Rencontre avec René Philombe (1)

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Au moment ou il était déjà bien fatigué par la vie et la maladie, René Philombe nous avait accordé cette interview, qui est demeurée inédite.
C’était en 1998, à BATCHENGA

L’APEC vit-elle encore ?
Oui et non. L’association vit encore parce qu’elle a été reconstituée par des universitaires qui ne l’animent pas comme il faut. Alors qu’à notre époque nous n’étions qu’un groupe de huit personnes nous avons réussi à créer quelque chose qui a pu réunir les poètes et les écrivains. A notre époque, il n’y avait pas autant de potentialités que l’équipa actuelle. Nous étions sans voiture, nous avions un bagage intellectuel nettement au dessous du niveau universitaire. Aujourd’hui l’APEC est peuplée de professeurs d’universités qui ont des voitures, qui sont riches, mais qui ne rendent pas visible l’action de l’association. Voilà pourquoi je dis que l’APEC ne vit plus. Sinon on sentirait sa présence. Or on ne sent absolument rien.
Qui a créé l’APEC ?
Je viens de vous dire que c’était un groupe de huit camerounais dont je faisais partie qui avait créé cette association en 1960. Le but de l’association était de rassembler tous ceux qui aiment la chose culturelle et de promouvoir le développement de notre culture et de notre littérature de façon générale. J’ai été secrétaire général de 1960 à 1980 lorsque j’ai démissionné pour faire autre chose.
Quels ont été les grands moments de l’association ?
C’est d’abord les années 1964-1965-1966. A cette époque là, le CCF nous réservait la salle presque gratuitement. On allait faire des récitals presque chaque mois. C’était très régulier, des récitals de poésie, des représentations théâtrales…La chose avait pris une telle ampleur que l’APEC faisait parler d’elle au-delà de nos frontières. En 1966, nous avons élaboré une anthologie que nous avons envoyée qu Festival des Arts nègres de Dakar. Moi-même je n’ai plus une seule copie de cette anthologie qui est aujourd’hui complètement épuisé parce qu’on l’avait beaucoup acheté au Festival
Qui éditait les publications de l’APEC ?
L’APEC avait sa propre maison d’édition. Je vous ai parlé de l’anthologie des poètes et écrivains camerounais. Il faut y ajouter des fascicules qu’on y publiait. La chose avait contribué à beaucoup populariser notre littérature. Le nom de l’APEC était en vedette, on en parlait partout. Le gouvernement nous donnait très peu de subventions. On avait reçu deux fois des subventions de M.Ahidjo. Je me rappelle que c’était environ cent miles francs. Avec cet argent, nous avons fait une anthologie en 1961. Avec le Président Biya, je pense que nous avons reçu trois cent cinquante mille. On en a profité pour relever l’APEC qui était déjà tombée. Par la suite, je m’étais replié dans mon village parce qu’il n’y avait plus personne pour encourager le développement de l’APEC. Il y avait une autre publication qui n’était pas celle de l’APEC. C’était la revue Abbia.
La rencontre avec L. Kesteloot… parlons-en.
L. Kesteloot était une personne très affable, qui m’a énormément marqué ; je puis dire qu’elle était l’un des plus grands promoteurs de la littérature camerounaise, avec un certain Fonlon Bernard qui s’était procuré son adhésion à ‘APEC. Malgré son âge, nous appelions Kesteloot  » Maman « , malgré son âge, et ce de manière très affectueuse. Elle a publié, aux éditions CLE, Neuf Poètes camerounais, Anthologie dans laquelle l’APEC était amplement représentée.
Quels furent les rapports de l’APEC avec des écrivains tels Mongo Beti, Ferdinand Oyono, Francis Bebey ?
Nous avions écrit à tous ces écrivains, qui se trouvaient alors à l’étranger ; Mongo Beti nous a donné son adhésion, mais compte tenu de sa position quelque peu délicate, il ne pouvait adhérer à l’APEC de manière active. Néanmoins, il a donné son adhésion par écrit. Quant à Ferdinand Oyono, il nous a envoyé des lettres de remerciement ; c’était tout ! Mveng n’était pas de l’APEC, mais il nous encourageait tout de même. À cette époque-là, nous subissions le mépris de beaucoup de nos compatriotes, qui disaient :  » Des non-universitaires qui se permettent de parler de la littérature camerounaise, quel scandale ! « . Le premier universitaire à se joindre à nous était Fonlon Bernard, qui enseignait à l’Université. Il a prouvé aux gens que la littérature n’est pas forcément associée aux diplômes, que ce qui compte le plus, ce n’est pas l’Université, mais le talent.
Est-ce que l’APEC a souffert de problèmes relatifs à l’appartenance ethnique  de ses membres?
Non ! Non ! L’APEC ignorait complètement de telles idéologies. Vous savez, j’appartiens à l’ethnie Beti, mais bien de jeunes m’appelaient  » Papa « , des jeunes qui appartenaient à d’autres ethnies : Douala, Bamiléké nordistes… nous n’avions pas de problèmes tribaux, nous étions loin d’y penser.
Patrice Kayo et vous avez très sévèrement jugé l’écriture poétique de Louis Marie Pouka. Pourquoi ?
Je ne vais pas parler de Kayo ; j’ai porté critique à Pouka à cause du fait qu’il s’était coincé dans le classicisme, une école littéraire déjà démodée. Je lui recommandais de revenir à sa propre personnalité et d’écrire en tant que camerounais, et non pas comme Victor Hugo. Il a copieusement imité Victor Hugo, ce qui m’a poussé à rédiger un article contre lui. L’école littéraire à laquelle s’assimilait Pouka était le Parnasse ; il a plagié Victor Hugo à tel point que je fus choqué. De mon côté, j’ai commencé à lire ces écrivains, que j’avoue même avoir plagié à mon tour, mais finalement, je me suis frayé ma propre voie. Pouka souhaitait que tout le monde écrive comme lui, que tous s’attèlent à l’école du vers classique. Il existe un poème de Victor Hugo, Océan et noce, qu’il avait plagié de façon plate. Cela m’avait choqué.
Certains ont pensé que dans sa poésie, Mveng avait confondu le Christianisme à la négritude. Qu’en dites-vous ?
Mveng était libre d’écrire comme il le souhaitait ; c’était un grand et philosophe, tout autant qu’il était un chercheur avéré. Il était donc normal que sa poésie porte la marque du Christianisme. Je trouve ça normal, vous savez ; c’est comme avec mes poèmes : quand les gens les lisent, ils y voient un peu de communisme. Pour être franc, je dois vous dire que je flirtais avec les partis communistes français et ceux de l’URSS. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les poèmes de Mveng s’inspirent du catholicisme. Mais il a adopté un hermétisme que je ne partage nullement. La visée de l’écriture est que le lecteur puisse comprendre ce qu’on dit. Quand on s’enferme dans un hermétisme pareil au sien, je crois qu’il est inutile d’écrire.
En dehors du théâtre, quelle était la place qui était réservée à la poésie ?
Tous les genres étaient cultivés, mais vous savez que le genre romanesque demande beaucoup de moyens, l’édition d’une pièce de théâtre nécessite de grands financements. Avec la poésie, il suffisait d’une petite plaquette, la poésie était beaucoup plus populaire ; tout le monde croyait que la poésie avait plus d’importance que les autres genres. Mais n’empêche, nous cultivions tous les genres.
Y a t-il souvent eu des détournements d’argent dans l’APEC ?
Je ne crois pas. Le peu d’argent qu’on nous donnait était gardé dans un compte. Néanmoins, il y a eu des problèmes du fait que certains présidents n’apportaient pas assez de transparence dans la gestion de nos fonds qui étaient misérables. Mais il n’y avait pas eu de problèmes financiers à proprement parler dans la gestion financière.
Patrice Kayo et Ghonda Nounga soutiennent que l’APEC était une association nationale. Qu’entendez-vous par association nationale quand vous parlez de l’APEC ?
Une association nationale comme un parti politique est une formation qui a des antennes sur toute l’étendue du territoire. Nous avions des représentations à Douala, Bafoussam, dans l’Extrême Nord et à l’Est. En dehors de Douala et de Bafoussam, les autres antennes ne fonctionnaient pas comme il fallait. C’était vraiment une association nationale. Il n’y avait pas d’association pareille à l’APEC. C’était une association nationale et unique, et tous les écrivains s’adressaient à nous.
Comment étaient les rapports APEC / Public ?
Il faut remarquer deux niveaux de publics : au niveau universitaire, on nous méprisait. Les universitaires considéraient comme scandale le fait que les fondateurs de l’APEC ne fussent pas des gens qui avaient franchi l’Université. Moi je suis autodidacte ; Pouka, qui était le plus grand de tous, n’était pas universitaire. Seul un membre avait le Bac, les autres étaient titulaires de diplômes élémentaires. À ce niveau, les rapports étaient faits de mépris à notre égard. Le grand public, quant à lui, ne comprenait pas grand-chose. Vous savez qu’ici, on ne considère que le côté matériel de la vie, les gens oublient le côté intellectuel. Au départ, nous nous sommes dits qu’il fallait développer le Cameroun. Le développement se situe à plusieurs dimensions. Il y a la dimension économique et matérielle, visible, palpable, tout comme il existe une autre, spirituelle, culturelle. Notre choix se portait sur la dimension culturelle du développement national. L’affaire a fait beaucoup de bruits, il y avait un journal béninois où un certain Paulin disait que le Cameroun est le quartier latin de l’Afrique. Nous faisions beaucoup parler de nous en Afrique francophone. Le public qui s’intéressait à nous était celui de l’Université, mais comme je l’ai dit, cette attention ne visait qu’à nous mépriser. Le premier universitaire qui soit venu mettre fin à ce tabou était Fonlon. Il avait été à Londres où il avait fait de grandes études universitaires. C’est lui qui avait brisé ce tabou-là, pour montrer aux gens que la littérature, ce n’est pas le diplôme. Un jour, un certain Melone Thomas m’a avoué qu’il était incapable de faire ce que nous faisions, bien qu’il ait été à l’Université ; il m’a dit :  » Je suis un grand professeur de lettres françaises, mais je reconnais que ce n’est pas le diplôme qui écrit, c’est le talent, le génie. Si vous avez le talent, si vous avez le don d’écriture, vous pouvez produire de grandes œuvres.
Et Kayo ? N’était-ce pas un universitaire ?
Non, Kayo n’était pas universitaire. Il était professeur d’un collège missionnaire (je crois) à Bafoussam. D’abord, il avait fait le petit séminaire, et il est entré à l’université à une époque où l’APEC était déjà mise sur pied. Il était entré à l’Université par un concours spécial réservé à ceux qui n’avaient pas le Bac.
L’APEC et l’ancien gouvernement. Les rapports ?
Les rapports étaient cordiaux au départ, mais basés sur certaines illusions. Le gouvernement s’était fait des illusions en pensant que l’APEC était un instrument qui allait chanter ses louanges, ses honneurs, qu’elle ferrait du griotisme en sa faveur, mais il s’est vite rendu compte de son erreur. De ce fait, chaque fois que nous demandions des subventions, nos demandes étaient classées. Au départ, on nous avait même classé parmi les associations d’utilité publique, mais finalement, ils s’étaient rendus compte de leur erreur. Nous avions maintenu notre liberté de penser et d’écrire, jusqu’à la fin de mon mandat, tout au moins. Durant les vingt ans de service que j’ai passés à l’APEC, j’avais tenu à ce que notre liberté d’expression soit maintenue.
Il paraît que vous avez rencontré M. Ahidjo…
Oui. C’était à l’époque où je m’apprêtais à rentrer au village. Je commençais à trouver la vie de la ville invivable. Je n’avais pas beaucoup d’enfants à cette époque-là. En 1975, il m’avait envoyé une mercedès, à ma grande surprise. J’étais allé à son invitation. Au cours de la conversation, il m’avait demandé s’il était possible que je sois la caisse de résonance de la politique. Il avait donné l’exemple du journal égyptien Al Arap. J’avais e un sursaut, et je lui avais dit que j’allais réfléchir. Il m’a accordé le temps nécessaire pour cela ; c’était un homme d’une grande simplicité. Alors que je l’attaquais en plate-couture et ouvertement, il m’avait dit qu’il était au courant du fait que j’étais régulièrement emprisonné, et des conditions difficiles qui étaient les miennes. Je fus surpris !  » C’est vous qui avez ordonné qu’on m’arrête,  »  » Non, avait-il répondu, je ne savais même pas que vous aviez été arrêté. C’est en lisant un rapport vous concernant que j’ai su que vous aviez été emprisonné « . J’avais en effet été enfermé dix fois ! Et le fait qu’il m’ait reçu avait déclanché un grand scandale national. Il m’avait demandé s’il m’était possible de travailler à nouveau, alors que je venais de rejoindre mon village, ce à quoi je lui répondais que la construction de ma maison était une priorité qui me tenait à cœur, et qui m’obligeait à séjourner dans mon village. Nous nous étions séparés. Cinq mois après, un blanc qui s’occupait des personnes handicapées vint me porter une lettre du ministère de la culture. Philippe Mataga –je crois- que j’étais nommé agent du CREPLA (centre régional pour la promotion de la littérature en Afrique) au nom du président de la République. Il y eut fête dans mon village. Je commençais donc à travailler en 1967, année au cours de laquelle je fus invité trois fois. Mon séjour en Amérique consistait à donner des conférences dans les Universités.
Et les rapports entre l’APEC et le nouveau régime. De quelle nature sont-ils ?
Je ne peux rien dire à ce propos, puisque je n’étais plus membre de l’APEC. Je sais qu’ils ont quelque peu changé de politique. Nous, nous étions durs, très durs. Nos articles, nos poèmes, nos pièces de théâtre étaient sévères. Généralement, on critiquait les actions du gouvernement : le chômage, les détournements impunis… J’ai fait une pièce de théâtre qui a d’abord été condamné en France par la police et au Cameroun par la suite. Nous avions programmé la représentation de cette pièce à Bafoussam ; le préfet de cette époque était sorti avant la fin de la représentation (rire). A Yaoundé, nous avions joué une fois, mais la deuxième fois, nous avions chassé les gens, et la policé était même intervenue. Le public était pourtant immense, au C.C.F. nous avions chassé tout le monde, alors que les billets avaient déjà été payés. Mais actuellement, il semble que l’équipe de l’APEC est reçue par de grands ministres, mais cela n’est pas établi.
Qu’est-ce qui est à l’origine de l’hibernation actuelle de l’APEC ?
Le manque de dynamisme de nos dirigeants ! Dans une association, comme dans un parti politique ou culturel, rien ne peut marcher quand les dirigeants manquent de dynamisme. Ils ont pourtant tout ce qu’il faut pour faire fonctionner l’APEC. Ils ont des voitures. Ce qui n’était pas le cas à notre époque. Quand j’ai été recruté à la sûreté, j’avais pris soin d’acheter une 2 chevaux, qui nous aidait beaucoup. Aujourd’hui, des profs d’Université ont des véhicules à leur service, ce qui n’était pas le cas à notre époque, où nous fallait trouver assez d’argent pour emprunter un taxi, ce qui n’était pas très évident. Les apécistes d’aujourd’hui ont de l’argent, des voitures, bref, des situations stables. Pouka, notre doyen, était un magistrat en retraite. Je n’ai pas peur de dire que les fondateurs de l’APEC étaient misérables, mais nous avions une volonté et des projets d’évolution dont nous étions fiers. Aujourd’hui, ils ont des moyens d’éditer des livres et de se rapprocher du gouvernement pour solliciter certaines faveurs et subventions. Une fois, j’ai appris qu’on leur a donné une subvention de cinq millions, ce qui était inconcevable à notre époque. Nous avions reçu une seule fois un million ; c’était en 1980, quand nous faisions notre congrès. C’était grâce à un ami que l’APEC avait reçu ce million, un ami qui n’est plus, de nos jours. S’était Sengat Kuo.
Y a-t-il un fait qui n’a pas été évoqué au sujet de l’APEC et qui peut l’être maintenant ?
J’appartiens à plusieurs associations littéraires étrangères. Entre autres, je suis membre de l’Association des Gens de Lettre, en France ; là, il y a des gens dynamiques, qui savent ce qu’ils veulent, qui savent aimer ce qu’il font. Le métier d’écrivain exige la passion et l’amour des belles lettres. Nous aurions beaucoup de choses si nous avions les moyens de les réaliser. Nous avions souhaité que l’APEC ait un département d’Histoire, un département de philosophie, un département de lettres classiques, de lettres modernes, de lettres modernes, de lettres anciennes, un département de langues nationales et de recherches scientifiques, mais ce programme n’a jamais été réalisé. Nous n’avions même pas un local. Un peu partout pourtant, à Dakar par exemple, il existe une maison des écrivains sénégalais. Idem pour le Gabon, le Nigeria et bien d’autres pays. Ceux qui nous gouvernaient ne trouvaient pas nécessaires que nous ayons un local, une voiture ou de l’argent en banque. Avec des moyens, nous aurions pu donner plus de couleurs à notre littérature, de même que nous aurions pu aider le gouvernement à organiser certains plans nationaux. Par exemple, à la suite d’une demande que j’avais faite à Ahidjo, on avait crée le Centre Culturel National, et, à chaque fois que nous nous réunissions, il nous était accordé un petit perdiem. Il serait très avantageux pour le Cameroun de créer des structures similaires. Mais le Centre Culturel National n’avait duré qu’un an et demi, et on n’en avait plus parlé.
Aujourd’hui, comment voyez-vous l’avenir de la littérature camerounaise ?
Le Cameroun regorge de beaucoup de talents. Je déplore cependant le fait qu’ils ne soient pas encouragés à la juste mesure de leur talent. Il n’existe de bourse de la littérature qu’on pourrait accorder aux écrivains qui ont fait leurs preuves. Ça se fait dans d’autres pays. Je déplore également que les écrivains ne s’entendent pas sur les termes de leurs propres missions d’écrivains ; ils ne savent pas exactement ce qu’est une mission d’écrivain. L’écrivain est un homme à part. un citoyen du monde, comme l’avait dit Hugo, l’écrivain est citoyen du monde.
Je déplore également le mépris que certains écrivains qui se disent être plus talentueux affichent à l’égard des écrivains en herbe ou des mauvais écrivains. Avant de commencer à écrire, j’ai la littérature française, qui comporte de bons et de mauvais écrivains. Tous ces écrivains sont encouragés, sans distinction. Je pense surtout aux 17e et 18e Siècle, et même au temps actuel. À l’Association La Société des gens de Lettres de France, on m’envoie certains livres que je ne trouve pas dignes d’êtres écrits par des français. Mais tous ces gens sont respectés. Ici, le mépris pullule. On ne pourra jamais avoir de bons écrivains uniquement, dans notre pays. Nous avons très peu d’intérêt pour notre littérature. Nous voulons lire ce qui se passe en France. C’est une mentalité qui n’avance pas les choses.
Et vous, vous n’avez pas un plan personnel pour la relance de la littérature camerounaise ?
La relève dépend d’abord des moyens. S’il y avait de l’argent, je formerais un cercle. Ici, à Batschenga, je suis en train de lancer un cercle avec quelques intellos. Nous ne ferons sûrement pas grand-chose, mais nous y croyons. J’ai commencé à écrire alors que j’étais à l’école. Au village, on nous contait des histoires que je traduisais. C’est comme ça que j’ai appris à écrire.
Il faut beaucoup de moyens pour relever la littérature camerounaise ; je créerais alors une société des gens de lettres, comme en France, où on pourrait faire éditer des livres, organiser des séminaires, des voyages à l’étranger. Voyez, je connais l’Amérique, la France, l’Allemagne, alors que jamais je n’ai visité le Gabon ou le Nigeria, qui sont pourtant des pays frontaliers au mien. C’est inconcevable ! Un jour, Alioune Diop est venu me chercher chez moi. Par sa visite, le fondateur de Présence africaine m’a encouragé. Après sa mort survenue quelque temps seulement après ladite visite, sa femme m’a dit qu’il lui avait beaucoup parlé de moi. De son vivant, il avait tenu à m’inviter en France. Malheureusement, il est mort avant. Il voulait me conduire à Dakar, car je me plaignais de ma mauvaise connaissance de pays africains autres que le Cameroun. À l’intérieur du Cameroun, il faut de l’argent pour promouvoir le tourisme. Un écrivain qui voyage gagne en inspiration. En bref, il faudrait disposer d’une somme d’environ cinquante millions de Fcfa pour relever la littérature camerounaise. Sur le plan de la forme, il y a de très grands écrivains au Cameroun. Il y en a qui viennent me voir, ceux qui sont en herbe ; beaucoup viennent me présenter leurs manuscrits. Il y en a un qui vient de faire publier un recueil de poèmes. Ce n’est pas un écrivain parfait, mais il peut faire beaucoup mieux. Il a des chances de peaufiner son écriture, et il faudra pour ça, entre autres, qu’il voyage.

1. D’autres travaux réalisés par Jean-Claude Awono sur Philombe ont été publiés dans le mensuel Patrimoine de Marcellin Vounda Etoa///Article N° : 4192

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