Fiche Spectacle
Théâtre
THéâTRE
Fulgurant (le)
Pays concerné : Haïti
Contributeur(s) : Mimi Barthélémy, Elodie Barthélémy, Emmanuel Plassard, Jean-Paul Auboux
Date : 01 Novembre 2006
Durée : 70

Français

Le spectacle
Création de Mimi Barthélemy, épopée mythologique afro-caribéenne
Écrit, conté et chanté par Mimi Barthélemy
Durée: 1 H 10
Mise en scène : Emmanuel Plassard
Arrangement musical du chant « Atibon Legba » : Amos Coulanges
Dramaturgie musicale : Jean Paul Auboux
Scénographie : Élodie Barthélemy
Création lumières : Élodie Barthélemy et Jean-Marc Antoine


Synopsis

Le spectacle est composé de deux contes d’origine afro-caribéenne introduits et accompagnés tout au long par un chant dédié à Legba « lwa » vodou, détenteur des clés de la spiritualité.
Le conte de Loraj Kale et de Dife Flanbo est le récit de l’affrontement de deux taureaux de générations différentes. Dife Flanbo, le vieux taureau despotique et sanguinaire, extermine les nouveaux nés et tue les mâles. Il règne sur les génisses dont il abuse et qu’il réduit en esclavage. Loraj Kale, un jeune veau sauvé par sa mère et aguerri par ses soins, affrontera Dife Flanbo pour libérer sa terre de l’arbitraire. Il deviendra le lwa Toro, vénéré par les siens.
Uafi le fulgurant est envoyé sur terre par les dieux afin de lutter contre le dérèglement ambiant. Ce personnage hors du commun est soumis à de nombreuses épreuves sur terre, dans les cieux, au fond des mers et aux enfers avant de prendre sa vraie dimension céleste, celle de Chango, dieu de la foudre, de l’orage et du tonnerre. En faisant gronder le tonnerre Chango fait souvenir aux hommes qu’il convient de respecter l’ordre du monde.
Ces deux récits sont intimement liés, leurs héros se ressemblent. Leur quête et leur devenir sont proche, même si Uafi, le fulgurant dépassera de loin le taureau Loraj Kale qui lui aura servi d’exemple.


A propos du Fulgurant…

« C’est en 1965 que je découvre le conte des taureaux dans le recueil de l’anthropologue haïtien, Rémy Bastien. Après avoir lu différentes versions afro caribéennes, de cette histoire qui me passionnait tant, j’ai fini par écrire ma propre version en 1998.
J’étais frappée dans ce combat mené entre un vieux et un jeune taureau, par la pertinence de ce conflit de générations; je l’étais également par le rôle subversif de cette mère qui marronne et initie son fils à la révolte. J’appréciais que le jeune taureau, formé par sa mère, élimine le vieux taureau despotique et dès lors réaffirme et réintroduise sur son île, les valeurs de courage, de justice et de solidarité abolies par l’arbitraire.
Je découvris dans les années 1990 à la Bibliothèque de la Caraïbe de Basse -Terre, le conte cubain dans un recueil de l’anthropologue Lydia Cabrera. Ce conte présentait la même problématique que le précédent mais dans le monde des Hommes et avec une dimension plus cosmique et plus spirituelle.
En 2003, à la suite de journées, consacrées à l’Épopée, à Vendôme, où j’avais conté l’affrontement des taureaux Dife Flanbo et Loraj Kale, je me mis à écrire un récit dans lequel j’imbriquais les deux contes haïtien et cubain. Comme ces deux contes se ressemblaient sous des aspects, morphologique, géographique et ethnique, je les ai mis en miroir dans un seul récit.
Ce récit était animé par un souffle épique et douloureux; celui de la grande traversée de nos ancêtres d’Afrique, bois d’ébènes déportées vers le continent américain lors du commerce triangulaire.
Ce récit était également traversé par le souffle épique des esclaves de Saint-Domingue s’insurgeant contre les colons. Il avait le souffle de Toussaint Louverture, de Dessalines et de nos héros combattant pour l’indépendance de leur nouvelle terre. C’est avec ce souffle hors du commun qu’ils ont conquis leur liberté contre la France napoléonienne de l’époque. C’est pourquoi j’ai situé ce récit dans le contexte du microcosme haïtien, montrant, de plus, la place de la démesure tout au long de cette histoire grandiose.
Cette démesure haïtienne, (dans la tragédie et plus rarement dans l’autre sens), est à l’image de celle qui existe dans toute la Caraïbe et qui donne à cette région du monde sa dimension épique
Dans ce récit, les valeurs fondamentales que nous transmette la tradition orale populaire d’Haïti et de la Caraïbe sont à l’honneur: respect des ancêtres, des parents et de la famille, respect de la nature, respect de la parole donnée, de la spiritualité, de la vaillance, de la dignité, de l’honnêteté et de la solidarité. Ces valeurs fondamentales semblent avoir été écartées, oubliées, violées à l’heure où le brigandage et le chaos règne en Haïti. C’est pourquoi ce récit se charge d’en rappeler la grandeur et les bienfaits. »
Mimi Barthélémy

« La terre d’Haïti est une terre volcanique, mais les volcans qu’on y rencontre sont très particuliers puisqu’ils racontent des histoires extraordinaires en chantant avec une voix ensorceleuse. Et pour faire bonne mesure, derrière leurs blessures, ils nous offrent un sourire aussi grand que leur coeur, ce qui n’est pas peu dire dans le cas de Mimi Barthélemy !
Mais tout cela n’est pas très étonnant car, paraît-il, en Haïti, les taureaux sont plus grands que les montagnes, et d’un coup de corne ils décrochent les étoiles dans le ciel quand ils ne s’amusent pas à tirer la queue des comètes dans leur parade amoureuse et épique.
On voit qu’il y a là tous les ingrédients pour passionner un musicien dont le travail consistera surtout à canaliser ces flots d’énergies saturés d’épices, de tendresse, de révolte et d’humour. Il faudra veiller à bien équilibrer le cru et le cuit, le croquant et le tendre, les combats, la guerre et bien sûr l’amour. Et lorsque tous ces ingrédients ont atteint la bonne température*, disons leur vitesse de libération, comme on pouvait s’y attendre, la quête de soi est au rendez-vous, par-delà la mort, à travers des chemins magiques rythmés par l’ancestrale mémoire du coeur.
Un coeur qui n’a souvent que la musique et sa propre histoire pour réordonner le chaos du monde, dessiner le futur et apaiser ses souffrances.
Veiller à ne pas laisser déborder le Bumba »
Jean-Paul Auboux, dramaturgie musicale

« Il s’agira de rendre sur scène la dimension épique d’un texte nourri de la tradition caribéenne, emprunt d’un syncrétisme de religion chrétienne et vaudou. Tout en gardant la magie du conte et des chants, ce récit devra prendre toute sa dimension sociale et politique ; comme un mage pèlerin s’arrêtant pour faire partager sa parole, la comédienne sera tour à tour complice de son public ou habitée par la force symbolique de son récit.
Le traitement de la lumière permettra d’accentuer les passages de la comédienne de l’ombre à la lumière rythmant ainsi les étapes successives. L’utilisation d’ombres portées verticales viendra accentuer la part mystique de cette épopée reliant la terre au ciel. »
Emmanuel Plassard, Mise en scène

« Concevoir la lumière pour le Fulgurant c’est comme rechercher la couleur d’un rêve :
Ténébreux, clos et sanglant, en son début,
Fantastique voyage par la suite,
Qui nous mène de l’Enfer, somme toute chaleureux,
Aux ombrages bienfaisants de la frondaison des arbres d’une île de la Caraïbe,
Pour atteindre l’immensité inquiétante de l’espace intergalactique,
Puis s’enfoncer dans d’hallucinants abysses marins,
Et enfin s’élever à nouveau.
Jean Marc Antoine a modelé et modulé la lumière aux couleurs que je poursuivais, avec un tel doigté, qu’il parvient à faire advenir le rêve sur scène, comme en son lieu familier. « 
Élodie Barthélemy, scénographie

Presse

« Cette magnifique aède du peuple d’Haïti survole les continents et les siècles pour raconter la pauvre situation des Hommes que nous sommes. À partir d’histoires venues de cette île éternellement souffrante qui subit aujourd’hui encore les séquelles de l’esclavage et du mépris de l’Homme pour l’Homme, elle nous parle de nous, d’une voix immémoriale, dans l’urgence d’un temps de crise et peut-être mortelle.
Un fabuleux monde symbolique, chargé d’éléments joyeux et furieux, d’anges de chimères et de monstres, armé de la vitalité de l’Afrique et de douce magie caraïbe. Un univers en vie, remis en vie par le souffle, porté par l’écho universel d’une légende que chacun entend, scandé par une voix unique, puissante ou murmurante, bourrée à craquer d’humour et de la force incroyable de l’amour.
Un commentaire lyrique et impitoyable qui replace l’histoire des injustices d’aujourd’hui dans le grand temps des Hommes, celui dont l’oralité porte l’écho dans le grand temps du conte, du temps où la parole agissait.
Un commentaire lyrique et impitoyable sur cette vie contemporaine ou la stupidité des vanités humaines se fracasse contre la volonté de la nature, ses démons et ses dieux, contre l’immémoriale sagesse, le sens profond de l’existence. « 
Nicolas Roméas, Directeur de la rédaction de la revue Cassandre, Automne 2005

« Elle apparaît dans son costume rouille et violine aux reflets chatoyants, belle comme un coucher de soleil haïtien. A la seconde même, l’air semble se charger de ferveur. Posément elle s’assied sur son tabouret et, les yeux clos, les mains jointes, chante en créole une incantation d’une voix profonde, gospélisante. Cette seule mise en place suffit pour évoquer en nous la souffrance et la spiritualité … Nous sommes déjà soulevés quelque part ailleurs, dans le monde de l’universelle douleur.
Ce que suit, Mesdames, Messieurs, la Société, c’est un souffle épique d’une ampleur … wagnérienne (pardon pour le choc de cultures.) L’affrontement entre le jeune taureau Loraj Kalé et le cruel Die Flambo est d’une telle violence, d’une telle cruauté, d’une telle démesure que seules les valeurs de courage et de justice qui l’anime peuvent les justifier. Qui n’a pas vu Mimi Barthélémy pousser le cri de la guerre de sa voix de stentor en se frappant la poitrine ne sait rien du mot révolte. Et qui ne l’a pas vu gratter la terre de sa babouche dorée ne sait rien des taureaux non plus. Voilà qui est dit.
C’est que la Dame, toute habitée qu’elle soit pour l’histoire tragique du peuple du monde afro caribéen, fait aussi dans l’évocation malicieuse, et dans le chant suave. Quelle voix magnifique ! Deux notes et nous sommes dans les îles où l’on chante pour oublier le malheur.
Comment décrire ce que nous avons vu hier soir ? Y a-t-il des mots assez justes pour saluer la femme qui sait être Uafi le puissant, Haïti, Cuba et les esclaves de Saint-Domingue, rien que par sa seule présence, sa voix et son bâton ?
Y a-t-il des locutions pour remercier l’artiste exigeante qui ose l’épopée, genre difficile s’il en est ? A bien y réfléchir, on doit pouvoir trouver… Bravo. Ou pour faire djeune : Respect. »
Véronique Serer, rédactrice de Sésame, la Gazette du Festival du conte des Alpes Maritimes, Juillet 2006
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