Fiche Spectacle
Théâtre
THéâTRE
Sozaboy (Pétit Minitaire)
Ken Saro-Wiwa
Livre concerné : Sozaboy (Pétit Minitaire)
Contributeur(s) : Hassane Kassi Kouyaté, Stéphanie Loïk, D’ Kabal (de)

Français

De Ken Saro-Wiwa
Roman écrit en « anglais pourri » (NIGERIA)
Traduit par Samuel Millogo et Amadou Bissiri
Publié aux Editions ACTES SUD, collection Afriques
Réédition Babel

Adaptation scénique et mise en scène : Stéphanie Loïk

Avec Hassane Kassi Kouyaté
et D’de Kabal (slameur)

Lumières et régie générale : Gilles Bouscarle
Conception musicale : Jacques Labarrière
Assistant mise en scène : Igor Oberg


A propos de sozaboy

Sozaboy met en scène un adolescent de quatorze-quinze ans, doué d’un appétit sans pareil, d’une faconde et d’un regard naïf impayables. Pour le prestige de l’uniforme, mais aussi pour son malheur, il va s’engager dans l’armée. Sans savoir pour qui il va combattre, ni contre quel ennemi, ni pour défendre quelle cause, Méné se retrouve emporté par le courant d’une guerre (celle du Biafra). Après trois années d’épreuves qui vont le broyer, il aura perdu sa mère, son épouse, sa maison, son village, jusqu’à son image, puisqu’on le prendra pour un fantôme. Reste la vie et le regard étonnant qu’il porte sur elle.

Sozaboy est l’un des grands chefs-d’œuvre de la littérature africaine. Ce roman tient sa force de la langue choisie par Ken Saro-Wiwa « un anglais pourri », mélange de pidgin, d’anglais dégradé ou idiomatique, d’emprunts aux langues nigérianes et de créations dont la traduction française rend parfaitement compte.
Originale et bouleversante, voici l’une des plus efficaces dénonciations de la guerre et de ses folies.

L’auteur, Ken Saro-Wiwa, s’abstient de tout commentaire, de toute explication, de tout jugement : comme dans un texte théâtral, dans un long monologue, il délègue totalement à son personnage le regard et la parole sur ce terrible conflit, auquel celui-ci ne comprend pas grand-chose. Aussi Pétit minitaire a la dimension d’une figure humaine et particulièrement pathétique : il n’est pas en état de prendre distance par rapport aux événements qu’il vit dans son corps. Il les vit avec son cœur de fils aimant, parti contre le gré de sa mère, avec son cœur d’amoureux de sa toute jeune femme Agnès, restée au village.
Enfin, il les vit et il les rapporte à partir de la langue qui est la sienne.
Ce que Ken Saro-Wiwa compose, c’est bien la tragédie de la dépossession de soi, de son destin, et surtout des siens. Jamais Sozaboy n’apparaît comme partie prenante dans ce conflit. Il n’est pas concerné par ces enjeux politiques dont il n’a apparemment aucune conscience.
Jusqu’au bout il a voulu croire en son avenir auprès d’Agnès et de sa mère, jusqu’au bout, il a rejeté (héroïquement, innocemment) la tentation du désespoir.
Tragédie d’un monde sans dieu car, ici, le sacrifice n’a pas de sens et donc n’a rien de sublime.
Il demeure obscur et absurde.
Comme dans la tragédie antique, les dés sont pourtant jetés dès la première phrase :

Quand même, chacun était heureux à Doukana d’abord.

Et comme dans une tragédie, le héros est soumis, impuissant à l’accomplissement progressif de la prophétie.

Note d’intention

Il y a quelques années, je rencontrai Hassane Kouyaté qui jouait « Le lien du sang » d’Athol Fugard à l’Espace Kiron et j’eus envie de travailler avec lui, d’inventer un projet qui parlerait de l’Afrique, des enfants et des guerres.

Hassane est un grand acteur, un acteur d’exception, non seulement conteur, musicien, diseur, danseur, mais aussi un être humain dont la générosité et le besoin de faire partager son histoire et la nôtre m’ont séduite.
Nous devions travailler ensemble sur un texte de Lionel Spycher, « 9 mm », mais ce ne fût pas possible.

Alors le temps passa et Hassane me fit découvrir Sozaboy (Pétit minitaire) et nous avons décidé de faire cette aventure ensemble (je le mettrais en scène), d’adapter ce roman extraordinaire mais de ne pas en faire seulement un monologue, d’ajouter à la voix, au corps, au chant du narrateur Hassane Kouyaté, la voix, le corps, le chant d’un slameur, D’de Kabal, voix elle aussi extraordinaire, un poète, un musicien qui traduit, à travers l’univers du slam, le monde qui nous entoure.

Hassane Kouyaté est africain, D’de Kabal est français.

Tous deux, avec leur culture, leur langue, sont des guerriers.
Ils se battent pour un monde meilleur, un monde où la guerre ne pourrait plus exister, où l’être humain pourrait être unique, vivant, joyeux, heureux, EN VIE.

Ces deux voix se mêleront à la musique, musique de là-bas, musique d’ici. Hassane est un griot, il conte, il chante, danse, joue des instruments de musique. D’est un slameur-poète, il joue, chante et sa voix est son instrument.


Ce ne sera donc pas un spectacle sur la mort, mais une ode à la vie, car l’amour peut faire « rester vivant ».

Méné, le pétit minitaire, aime sa femme, sa maman, et cela le fera survivre, passer les épreuves, même les plus terribles (il croit).
Les mots, la musique, l’espace et la lumière raconteront, je l’espère, ce voyage « indicible ».

Le voyage se fera entre les rires et les larmes, même si, malheureusement, il faudra nous rappeler que les barbaries sont encore possibles partout et que l’ignorance et la bêtise peuvent mener à toutes les inepties, « les saloperies » où l’Humain est souvent broyé, noyé. Mais qu’aussi, s’il porte dans son cœur l’amour, dans sa tête l’intelligence, il peut survivre, vivre et lutter, que rien n’est inéluctable.

Voilà ce que nous allons essayer de raconter à partir de ce texte magnifique et le faire partager à des publics.

Ce que nous allons tenter de dire, c’est que l’homme est multiple, plein de ressources, vivant, jour après jour.

Etre enfant en afrique


Aujourd’hui l’enfance change de façon très rapide et très radicale partout dans le monde, même dans les pays les plus riches et qui se disent les plus développés.
Mais c’est dans les régions les plus pauvres et les plus politiquement instables, comme beaucoup de pays d’Afrique, que ces changements prennent les formes les plus spectaculaires et semblent les symptômes d’une véritable mutation sociale.

Bouleversées et décalées, les représentations de l’enfance, instables et fortement ambivalentes, deviennent les signes brouillés d’un monde inquiétant.

Dans le même temps, aux enfants-victimes des grandes catastrophes contemporaines – déplacements de populations, famines, guerres, sida, etc – s’opposent les enfants-bourreaux, sauf que ce sont parfois les mêmes. Aux enfants gâtés s’opposent les enfants des rues.
Des enfants sont vendus comme esclaves, d’autres recrutés comme soldats et ceux-ci peuvent prendre le pouvoir ou aider à le prendre, comme le peuvent aussi ces enfants-sorciers que leurs parents redoutent.

L’enfance est devenue un état indéfinissable, sans frontières fixes, où tous les stéréotypes sont ébranlés, toutes les valeurs remises en question. Il est devenu difficile de chanter, comme pouvait le faire encore Senghor, la magie du royaume de l’enfance.

Mais il est permis d’espérer que de ces bouillonnements naisse un monde nouveau.

« Nous sommes les victimes des exploitations et des abus de tous genres. Nous sommes les enfants de la rue. Nous sommes les enfants de la guerre. Nous sommes les orphelins du sida. Nous sommes les victimes et nos voix n’ont pas été entendues. »
« Il faut que cela cesse. Nous allons écrire pour témoigner ».

Quand la littérature africaine des dernières décennies prend l’enfance pour objet et l’enfant pour héros, ou même pour narrateur, elle dresse plutôt un sombre tableau de l’enfance.

Entre Sozaboy de Ken Saro-Wiwa et Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma, deux romans dont les héros-narrateurs sont des enfants ou de très jeunes gens engagés comme soldats dans des conflits qui ne les concernent pas, la comparaison est intéressante.
Ce sont deux romans aux prises avec l’histoire, mais de façon très différente.

Dans Sozaboy, la guerre (du Biafra) n’est jamais nommée ni localisée, alors que les « guerres tribales » qui déchirent le Libéria et la Sierra Leone sont clairement désignées et situées par Kourouma. Mais leur perspective commune, nullement historique, est d’abord une réflexion sur la condition humaine et les limites de l’humain.

Sozaboy peut être lu comme un roman d’apprentissage dans lequel le personnage cherche à tirer des leçons de son expérience, même s’il débouche finalement sur le désespoir, tandis que, dans Allah…, le désespoir est à l’origine même du parcours.
Un autre point commun aux deux romans est l’importance accordée au langage.

Dans Sozaboy, le langage est fortement associé à la condition sociale et, plus largement, à la condition humaine.

COPRODUCTION : Théâtre du Labrador/Théâtre des Quartiers d’Ivry

Le Théâtre du Labrador est subventionné par le ministère de la Culture et de la Communication
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