Fiche Personne
Littérature / édition Poésie / Conte

Alain Peters

Poète
Réunion (La)

Français

Alain Péters est né le 10 mars 1952. Son père, Edouard Péters, batteur et joueur de flûte, faisait partie de l’orchestre de cuivres mené par le saxophoniste Chane Kane. Dès l’âge de 13 ans, Alain fait ses premières armes en jouant de la guitare dans l’orchestre de Jules Arlanda puis il entre dans le circuit des orchestres de bal. Comme beaucoup de musiciens à l’époque, il fait son apprentissage à l’oreille. À la fin des sixties, la vague rock déferle à La Réunion. À la fin des bals, les jeunes musiciens laissent de côté le séga et la variété pour pousser leurs amplis à fond et cracher des riffs copiés sur les vinyls qui viennent d’arriver sur l’île. Bientôt, le guitariste-chanteur Alain Péters fait craquer le public avec ses pantalons à pois, sa crinière digne d’un Robert Plant, et, surtout, sa présence sur scène. Lorsque la vague disco sonne le glas des orchestres vers la fin des années 70, certains musiciens partent tenter leur chance en France, mais il n’est pas question pour Alain Péters de quitter son île. Il laisse alors les rythmes anglo-saxons pour explorer des chemins encore bien peu fréquentés à l’époque, ceux qui mènent à la redécouverte d’un patrimoine musical longtemps laissé en friche. Le maloya sort peu à peu de l’ombre dans laquelle il était depuis longtemps plongé. On entre dans les prémices du foisonnement musical du début des années 80. Tout commence en 1976, au sous-sol du Cinéma Royal à Saint-Joseph. Le propriétaire des lieux, M. Chan-Kam Shu, voulant se lancer dans la production musicale, aménage un studio d’enregistrement très vite envahi par de jeunes musiciens en quête de nouvelles pistes, menés là par René Lacaille. Nourris des Beatles, ils mélangent Hendrix avec les rythmes du séga et du maloya et se choisissent pour nom : Caméléon. Parmi eux figurent Bernard Brancard, Hervé Imare, Joël Gonthier et bien sur Alain Péters. Venu de métropole, Loy Ehrlich vient se joindre à la bande.

Bientôt l’expérience du studio Royal tourne court. Finies les nuits entières passées à enregistrer dans le studio, finis aussi les excès de zamal et d’alcool, pour un temps trop court hélas. Avec la naissance de sa fille, Ananda Devi, Alain semble avoir trouvé un fragile équilibre. « C’est une période pendant laquelle il a complètement arrêté de boire, il méditait beaucoup. Il lisait énormément de livres sur l’hindouisme. Il avait commencé à écrire des textes en créole en 1977 à Langevin. Jusqu’alors il écrivait ses poèmes en français dans le style de Victor Hugo » se souvient Patricia, la mère d’Ananda.

Ce répit ne sera que très précaire. Loy revient de métropole en 1979 et cette fois c’est du côté de l’Etang Saint-Leu que se reforme la communauté d’où naîtra un des groupes vecteurs de la révolution musicale de l’époque : Carrousel. « Le groupe a été dès le départ à la recherche réelle d’une identité créole mais sans démarche militante » confie Zoun qui a fait partie de la première équipe de Carrousel à la flûte et aux petites percussions, à côté de Joël Gonthier aux percussions et de Loy Ehrlich aux claviers, Alain Péters étant à la basse et au chant. Le groupe aligne les concerts-galères, même s’il se produit en première partie de Téléphone. Au sein du groupe vient le temps des remises en question. Alain recommence à boire de plus belle, s’enfonçant complètement dans l’alcoolisme à la mort de son père en 80. Loy doit se séparer de lui. Alain commence une longue errance, loin du reste du groupe qui a émigré du côté de la Pointe-au-Sel.

Jean-Marie Pirot, un enseignant passionné de musique, propose alors à Alain Péters d’enregistrer ses chansons. Car même plongé dans l’alcool Alain n’a cessé d’écrire et de composer des mélodies sur sa takamba. Sa célèbre guitare d’origine africaine lui avait été ramenée du désert du Sahel en 1979 par Loy Ehrlich. « J’avais dans la tête que c’était plus qu’un musicien, Alain était surtout un poète et j’ai pensé qu’il serait dommage qu’il ne reste rien de ses prestations. Un jour il est arrivé chez moi et de fil en aiguille je lui ai demandé si ça l’intéressait que je l’enregistre », confie Jean-Marie Pirot qui a travaillé avec un magnétophone quatre pistes dans des conditions n’ayant rien à voir avec celles d’un studio. C’est ainsi qu’ont été gravées les chansons réunies dans la cassette Mangé pou le coeur. « Le travail s’est étalé sur près d’un an, Alain venait chez moi le matin de bonne heure. C’est lui qui a joué de tous les instruments, il faisait du bruit parfois avec n’importe quoi, même avec un sac en plastique frotté devant un micro pour imiter parfaitement le son du kayamb. Mais à dix heures, il fallait qu’il aille à la boutique « pour chercher des cigarettes » et le plus souvent après il fallait remettre le travail à un autre jour », ajoute Jean-Marie Pirot. Mais en dépit de la sortie de cette cassette, Alain Péters continue sa plongée dans l’auto-destruction. Et bien qu’il soit parti en 87 vers la métropole pour suivre une cure de désintoxication, un déplacement au cours duquel il retrouvera son ami Loy avec qui il enregistrera quelques-unes de ses chansons, Alain replonge dans l’alcool. Un espoir renaît cependant en novembre 1994, lorsque se concrétise le projet de reformer le groupe Carrousel le temps de deux concerts au Palaxa à Saint-Denis puis au théâtre de Saint-Gilles. Au cours de ces deux soirées, Alain Péters fait son grand retour sur scène, salué par le public qui se lève pour lui rendre hommage. Dans un climat d’intense émotion, le poète semble saisi par le trac quand il entame Caloubadia, Rest’là maloya ou Dan’vavangues. Alain a alors arrêté de boire et il est soigné au CHS de Saint-Paul. Un moment, son entourage espère qu’un nouveau départ est possible. Le projet d’enregistrer avec Loy commence à prendre forme. Mais l’organisme d’Alain est trop atteint. Une crise le frappe en pleine rue à Saint-Paul. Il décède quelques heures plus tard à l’hôpital le 12 juillet 1995, un soir de pleine lune.
D’après la présentation de Thierry Barra, pour l’album compilation d’Alain Péters « paraboler » sorti sur le label réunionnais Takamba

English

Born on March 10th 1952, Alain Péters is a central figure in the revival of maloya in Réunion. It all began back in 1976, when some young musicians looking for new avenues to explore started mixing Hendrix with séga and maloya rhythms, as illustrated by name they gave their group, Caméléon. René Lacaille, Joël Gonthier and Alain Péters were among them. Loy Ehrlich, just arrived from France, joined them, and the ségatiers of the Lacaille family came to record in their home studio.

It didn’t last long. It was the end of all the sleepless nights and excesses of the local herb zamal and alcohol into which Péters had plunged without thinking twice. The respite was brief; Loy came back from France in 1979 and the community got back together, and Carrousel, one of the key groups of the musical revolution of the time, was formed (with Joël Gonthier on percussion, Loy on keyboards, and Alain Péters on bass and voice). Alain began drinking even more, sliding into total alcoholism after his father died in 1980, and, « dan’ cbaton la colle », drifted away from the rest of the group.

Even soaked in alcohol, Alain Péters continued writing and composing on his takamba, a guitar of African origin Loy Ehrlich had brought him in 1979. « I think of myself as a transistor, » he said in an interview published in « Témoignages Chrétien de la Réunion » in October 1979. « I pick up multicoloured sound waves from all over. The creative work consists of translating these sensations into musical notes. As far as words go, I don’t trust them. I feel them as a kind of uproar, a sense of enormous disorder that perverts the sounds. When I’m inspired, lyrics come straightaway as a by-product of the musical outpouring. These words, which come straight from my heart, not my head, blend harmoniously with the rest of the work. »

These are the songs we find on « Paraboler », an extraordinary CD released in 1998 on the Takamba label and produced by the Pôle Régional of new music in Réunion, and covered here in « Rest’ la Maloya ». This album, recorded in concert at the Théâtre Gérard Philipe in Saint-Denis in December 2000 as part of the Africolor Festival (the project subsequently toured Réunion in October 2001) is a homage to Péters. Not before time, either: struck down by a heart attack in a busy street in Saint-Paul on July 12th 1995, Alain Péters died several hours later in hospital, under a full moon.
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