Événements

Bruits d’Eaux/ Rumore di Acque
Un général sicilien sur une île proche de Mazara (Sicile) où arrivent clandestinement des personnes parties des côtes africaines à bord de bateaux de fortune.Sa tâche : comptabiliser les morts, noyés, déchus de leurs rêves d’Eldorado.

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Oratorio pour les sacrifiés… Ce monologue met en scène un général sicilien employé par le "Ministère de l'Enfer" dans une île proche de Mazara (Sicile) où arrivent clandestinement des femmes, des enfants, des hommes partis des côtes africaines à bord de bateaux de fortune. La tâche de cet homme est de comptabiliser les morts, noyés, déchus de leurs rêves d'Eldorado. Et il donne corps aux corps en imaginant leurs vies, leurs départs, leurs espoirs, leurs combats face aux eaux. Et cet homme en perd la raison. Ce petit comptable sarcastique qui ne fait que son travail, qui exécute les ordres, ce spectateur impuissant, celui là, justement, c'est… Nous. Cette île obscure et nauséabonde… Un crachat de terre isolé dans un espace dont on n'aperçoit pas les limites, tel la mer mêlée à l'horizon à l'heure des brumes ; tel l'opacité ténébreuse de la fumée du volcan tout proche. Un phare, vigie, observatoire, symbole de l'univers maritime dressé parmi les limbes. Un militaire arborant ses médailles comme de monstrueux trophées de guerre témoins d'un passé aussi peu enviable que le présent. Une jeune femme originaire du Bénin dont la voix résonne par delà les flots. Par delà les histoires. Par delà les frontières. Chants funèbres où la vie est célébrée autant que la mort. Elle sera le passeur mais cette fois-ci un passeur bienfaisant. Un aller retour incessant entre l'Afrique et l'Europe. Entre ce que l'on croit atteindre et ce que l'on abandonne. Entre Ici et l'Au delà… Catherine Graziani metteur en scène Des chiffres et des numéros… Ce pourrait être une histoire de chiffres, de nombres. Une histoire à l'image des ces drames tragiquement dénoués dans la furie des eaux, dans la folie des hommes. Les statistiques : 18 244 immigrés sont morts aux frontières de l'Europe depuis 1988 13 417 migrants ont perdu la vie en mer Méditerranée et dans l'océan Atlantique 6 226 personnes ont péri dans le Canal de Sicile entre la Libye, l'Egypte, la Tunisie, Malte et l'Italie. De 1200 à 4000 € : c'est le prix moyen d'un billet pour Lampedusa. Et avant la Mer il y a le Sahara, les cohortes de camions et leurs victimes. A Mazara, près de Trapani et de Lampedusa le capitaine du Ghibli 1, Pietro Russo, "pêcheur d'hommes" raconte : La première à monter à bord a été une petite fille de 4 mois. Avec sa mère, elle dérivait depuis 3 jours. Elle était enveloppée dans une couverture. J'ai ouvert ce paquet et je lui ai fait des grimaces. Elle a ri. Un sourire que je n'oublierai jamais. De quoi oublier pour toujours la menace d'être poursuivi pour "soutien à l'immigration clandestine". Des chants… "Les berceuses sont des chants que tout homme porte en lui, même si il les a oubliées. Distinguer celles qui parlent d'exil, comme Mile mo no, une berceuse du Bénin où la mère dit à l'enfant : "Si tu pars à l'aventure, tu dois revenir quoi qu'il advienne, même mort tu dois revenir, ton corps doit reposer au Bénin" ou Ya dounia d'Algérie qui parle de la mort des parents. J'aimerais prendre la vie et la mort par les deux bouts." Sika Gblondoume l'Eldorado… L'herbe sera grasse, les arbres chargés de fruits. De l'or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières de diamants à ciel ouvert réverbèreront les rayons du soleil. Les forêts frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux là bas. Et la vie passera comme une caresse. L'Eldorado, commandant. Ils l'avaient au fond des yeux. Ils l'ont voulu jusqu'à ce que leur embarcation se retourne. En cela, ils ont été plus riches que vous et moi. Nous avons le fond de l'oeil sec, nous autres. Et nos vies sont lentes. ELDORADO de Laurent Gaudé Le gardien du cimetière au Commandant Piracci L'auteur : Marco Martinelli Dramaturge et metteur en scène du Teatro delle Albe, depuis la création de la compagnie en 1983, il est directeur artistique de Ravenna Teatro, Teatro Stabile di Innovazione depuis 1991." Dès le début de son activité théâtrale, il a reçu de nombreux prix, qui mettent en évidence l'importance de son travail de dramaturge / metteur en scène ainsi que de directeur artistique: Le Prix "Drammaturgia In/finita" (1995) pour le texte Incantati; le Prix Ubu (le Molière du théâtre italien) pour "l'engagement et la recherche linguistique" (1996); le Prix Ubu pour la dramaturgie de All'inferno! (1997); le Prix Hystrio pour la mise en scène (1999); le Golden Laurel (2003) du Festival International Mess de Sarajevo pour la mise en scène du spectacle I Polacchi; le Prix Ubu pour la mise en scène du spectacle Sterminio de W. Schwab (2007); le Prix à la carrière des Journées Théâtrales de Carthage de Tunis (2009) "pour avoir marqué d'une façon très forte avec son travail théâtral le milieu international de l'art scénique". Le texte Rumore di Acque, écrit en 2010, qui transforme la chronique tragique des bateaux épaves à la dérive dans la Méditerranée en poésie grotesque et mélancolique, a reçu le patronage d'Amnesty International Italie. "Le premier récit de traversée que j'ai écouté à Mazara, dans le siège de la San Vito Onlus, a été celui d'une femme tunisienne, petite et courageuse: timide, avec son italien morcelé, elle fatiguait à lever le regard. J'ai changé son prénom en Jasmine, j'ai transfiguré son histoire en gardant les aspects essentiels. C'est la première histoire que j'ai écoutée, et c'est aussi la seule parmi celles évoquées par le général qui ne concerne pas un noyé ou un disparu, une mort, mais une vie sauvée. Mais est-elle vraiment sauve? Dans les griffes du vieil italien qui, dit-il, "a toujours plu" aux femmes? A la fin de notre conversation, quand je lui ai demandé si elle aurait refait ce voyage, elle m'a répondu, résolue, que non. Elle serait restée à Tunis." Le traducteur : Jean-Paul Manganaro J. P. Manganaro est professeur de littérature italienne contemporaine à l'Université de Lille III. Essayiste et traducteur, il a publié aux Éditions Dramaturgie le volume collectif Carmelo Bene (1977) et Douze mois à Naples, Rêve d'un masque (1983). Pour les Éditions du Seuil il a publié Le Baroque et l'ingénieur. Essai sur l'écriture de C.E. Gadda (1994) et Italo Calvino, romancier et conteur (2000). Il a traduit pour les Éditions P.O.L les Œuvres complètes de Carmelo Bene (t. I et II), et il a publié, pour ce même éditeur, François Tanguy et le Radeau, en 2008, et Federico Fellini, Romance, en mai 2009. Il prépare le troisième et dernier volume des œuvres de Carmelo Bene.  
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