Événements

PHOTOGRAPHIES SOUDANAISES : EL NOUR (1885-2012)
une proposition de description d’un territoire (2e volet)

Français

Comment donner à voir un territoire aussi complexe que le « Bilad es Sudan » (« Pays des Noirs », nom d’origine du pays en arabe) désormais scindé en deux États historiquement opposés, sans se laisser happer par l’immédiateté de l’urgence et de son traitement médiatique ? Le photographe Claude Iverné, familier des sociétés, des enjeux politiques et économiques de ces contrées méconnues, tente d’y répondre par une exposition en trois volets :
· ses propres travaux depuis quatorze ans, présentés comme un corpus
de documents visuels, par séries typologiques (Maison des métallos) ;
· les archives photographiques d’Elnour, bureau de documentation fondée par l’artiste avec seize photographes soudanais et des chercheurs internationaux, qui offrent un point de vue cette fois de l’intérieur (Usine Spring Court) ;
· une exposition de rue élaborée au jour le jour par les visiteurs et riverains eux-mêmes sur les murs du quartier, à partir des deux premières expositions (rues du quartier de Belleville).

photographie soudanaise,
Elnour (1885/2012)
Le second volet Photographie soudanaise, exposé à l’Usine Spring Court, prolonge la question de la représentation. En effet, ces photographies également soudanaises le sont cette fois car prises par des photographes soudanais. Cette production exceptionnelle autant qu’inattendue apporte un contrepoint supplémentaire à notre regard occidental. Il s’agit d’un extrait des archives d’Elnour (« la lumière » en arabe), un bureau de documentation fondé par Claude Iverné avec des photographes soudanais et des chercheurs internationaux. Ce fonds photographique dresse à lui seul un portrait surprenant du Soudan, vu de l’intérieur. La sélection présentée retrace l’histoire du pays depuis la fin du xixe siècle à nos jours, des portraits raffinés de Rashid Mahdi aux images spontanées d’Abbas Habiballa ou encore des poses lascives enregistrées par Foud Hamza Tibin dans les années soixante-dix, quand le Soudan produisait du Jazz et brassait sa propre bière. Ces photographies dressent un portrait varié et une pratique émancipée des canons esthétiques occidentaux.
Plusieurs évènements ont forcé le Soudan à affirmer une identité autonome. Lors de l’indépendance, les Britanniques ont vidé les tiroirs. Pas une photographie, un livre, une note ne furent offerts aux rives du Nil. Les Britanniques ne formaient pas de personnels locaux aux métiers sensibles. Les compétences font défaut. Seuls deux Soudanais possèdent leur propre studio photo en 1956. Ni la maîtrise technique, ni les codes de la représentation occidentale ni leur l’imaginaire n’auront influencé cette « génération spontanée ». Un vide salutaire que les tentatives d’élaboration d’une identité nationale furent forcées de combler, avec leurs propres racines. La poésie assume et remplit encore ce rôle dans tous les arts confondus. Dès lors, un photographe, tout comme un peintre, n’accède au statut d’artiste que s’il compose et mieux encore publie de la poésie. À défaut, l’élan poétique de son oeuvre contribue à la reconnaissance d’un simple opérateur, tout amateur qu’il se revendique.
En 1969 le colonel Gaffar Nimeiri, à peine arrivé au pouvoir, s’inspire de la FSA de Roosevelt et crée un organe de production de documentation à grande échelle à des fins de propagande intérieure comme extérieure, les « Archives nationales ». Une singularité de ce chef d’État confère un caractère unique à la photographie à l’échelle d’un pays : il aime la photographie et les photographes. Il les gâte, les expose, les collectionne. Des millions de clichés produits par des dizaines d’opérateurs formés par l’office et envoyés à travers le pays pacifié constituent un fonds unique en Afrique. Son goût pour le médium confère aux photographes une formidable aura pendant une quinzaine d’années prospères, dont l’application de la Charia sonnera le glas en 1983. Depuis, la photographie peine à reprendre son souffle, toujours affublée de suspicion, espionnage et délation.
Elnour
Au cours de ses séjours au Soudan, Claude Iverné a rencontré des photographes pour la plupart en retraite, qui lui dévoilèrent une production d’une qualité rare. Séduit par cette prodigieuse découverte patrimoniale, et conscient des dangers qu’elle court (conditions de stockage, censure, contrôle de l’État), il commence lui-même en 2000 le sauvetage méthodique de milliers de tirages et négatifs. Il fonde ensuite Elnour pour poursuivre cette tâche titanesque : nettoyer, scanner, numéroter, légender, ordonner, archiver chaque image, mais aussi de les situer dans le temps, interviewer les photographes, retracer leur parcours, etc. En 2005, la Biennale de Bamako confie à Claude Iverné le commissariat de l’exposition Soudan. Les archives sont aujourd’hui rassemblées et organisées dans un bureau de documentation, qui gère déjà vingt mille clichés, valorisés par des expositions, publications et conférences.

PHOTOGRAPHIE SOUDANAISE, ARCHIVES ELNOUR
(1885/2010, extraits)
Rashid Mahdi (1923-2008)
Mohamed ABDARASSUL, né en 1922
Amin Rashid, né en 1945
Gadalla GUBARA, 1920 – 2008
Richard LOKIDEN WANI, né en 1978
Ahmed JOUA, né en 1957
Madani A. A. GAHORY, né en 1952
Mohamed YAHIA ISSA, né en 1952
Abbas HABIBALLA, né en 1950
Fouad HAMZA TIBIN, né en 1952


CAUSERIES

LA PHOTOGRAPHIE AU SOUDAN
Cette photographie se développe de façon autonome par les hasards de l’histoire. Après le départ des Britanniques, une nécessaire identité nationale est à inventer. Grâce à un chef d’État passionné de photographie, un organisme de production est créé, sans égal en Afrique : une épopée retracée par Claude Iverné.

Usine Spring Court
vendredi 12 octobre > 17h
entrée libre

RASHID MAHDI, THE GIFTED MAN
Claude Iverné retrace le destin hors du commun de Rashid Mahdi. Certainement l’un des photographes africains les plus sophistiqués du xxe siècle, aux multiples facettes : poète, moderniste engagé, réalisateur de documentaires, il est le seul photographe soudanais célébré de son vivant, sans avoir jamais cédé sous la pression politique.

Usine Spring Court
mercredi 17 octobre > 17h
entrée libre
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