Événements

Ghana hier et aujourd’hui
Exposition placée sous le Haut patronage de l’ambassade de la république du Ghana en France

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La découverte du Ghana à travers son patrimoine artistique

L’exposition, Ghana, hier et aujourd’hui, de même que l’ouvrage qui en est le reflet, initie une rencontre, sans aucune volonté de confrontation, entre des pratiques artistiques connues, nées au sein de structures ancestrales, et l’univers complexe, mouvant, des artistes donnant forme et sens à leur imaginaire et à leur réalité, avec leurs préoccupations et leurs sensibilités.

Ce projet est né du souhait de Son Excellence Albert Owusu-Sarpong, ambassadeur de la république du Ghana en France, et de son épouse, Christiane Owusu-Sarpong, de faire découvrir la richesse culturelle de ce pays. Leur apporter notre concours répond pleinement à l’engagement que la Fondation Dapper poursuit depuis plus d’une quinzaine d’années.

Cette mission, presque une aventure, est devenue peu à peu un véritable défi que nous, l’ambassade du Ghana et l’équipe de Dapper, sommes fiers d’avoir relevé ensemble. Les relations étroites nouées entre notre musée et les institutions du Ghana permettent de présenter, pour la première fois en France, des œuvres prêtées par le National Museum à Accra et le Department of Archaeology de l’université de Legon, et quelques pièces conservées dans le musée du palais de Manhyia à Kumasi.

Cette exposition réunit un ensemble rare d’effigies funéraires du fonds Dapper.

La couleur, l’éclat, le symbolisme de l’or

Fondeurs, tisserands, orfèvres, sculpteurs et céramistes ont créé de tout temps au Ghana des objets qui, par la qualité de leur facture et le raffinement de leur décor, magnifient le pouvoir politique et spirituel. Conçus dans le cadre d’une société fortement hiérarchisée, les insignes de dignité, armes cérémonielles, cannes, sièges, ainsi que les réceptacles en bronze, les terres cuites funéraires, les éléments de parure, bijoux, tissus, et les objets du quotidien comme les poids à peser l’or, reflètent des modes de vie et de pensée qui se transmettent d’une génération à l’autre.

En témoigne l’omniprésence de l’or. Sa couleur, son éclat et son symbolisme l’associent intimement à la personne de l’Asantehene, c’est-à-dire le roi des Asante. Lors des grandes réceptions publiques, son corps est drapé dans un kente finement tissé dont la couleur dominante est le jaune ; ses poignets et ses chevilles s’ornent de lourds bracelets, son front est ceint d’un bandeau sur lequel sont cousus des ornements-amulettes et ses doigts se parent de bagues dont le chaton prend la forme d’un caméléon, d’un serpent, d’un lion ou d’une tortue. Ces animaux, familiers des contes et des proverbes, se retrouvent également sur ses sandales extrêmement précieuses, les pieds du souverain ne devant pas toucher le sol.

Certains bijoux, tels les disques en or, akrafokonmu, sont investis d’une charge mystique. Le kra, principe vital, fait partie intégrante de tout homme vivant. Lors des apparitions publiques, ceux qui exercent le pouvoir sont entourés de jeunes hommes portant à leur cou un akrafokonmu, pectoral sur lequel se « fixent » les éléments menaçant l’équilibre, l’intégrité du kra. Ce lien, maintenu avec d’autres objets indissociables de la personne du roi ou de celle des chefs, tels les sièges ou les kuduo, réceptacles en bronze, nécessite des soins particuliers : l’akrafokonmu est « purifié » par des dignitaires responsables des régalia. Sa fabrication, également soumise à des rites spécifiques, requiert tout le savoir-faire d’artisans expérimentés. Les motifs – l’or, rarement utilisé seul, est allié à d’autres métaux qui lui confèrent de la rigidité – sont réalisés selon les techniques du martelage et du repoussé. Pectoraux, pendentifs, bagues et bracelets en or constituent les parures d’exception de ceux qui détiennent le pouvoir et la richesse.

Des références à la sagesse populaire, témoins d’un art original

Au Ghana, appelé autrefois La Gold Coast, l’or occupait une place centrale dans le cadre des échanges économiques. Jusqu’au XIXe siècle, la poudre d’or a servi aux transactions commerciales. Pour mesurer avec précision les quantités de poudre nécessaires, il existait un système élaboré avec des poids à peser l’or, couramment réalisés selon la technique de la fonte à cire perdue.

Leurs formes, illustrant fréquemment un proverbe, prennent pour supports des animaux ou des personnages s’adonnant à une activité précise. L’iconographie ne se limite pas uniquement à une fonction de décoration : le recours à la métaphore pour la conception du motif ou de la scène représentée transmet, de façon allusive, un message, un conseil, une règle de conduite. Un animal en dévorant un autre, un tireur à l’arc, un musicien constituent autant de références à l’univers quotidien, à la sagesse populaire que des témoins d’un art original.

La créativité des objets liés aux funérailles

La vie de chaque Ghanéen est ponctuée par des rites auxquels il ne peut se soustraire, ceux qui sont dus aux défunts. Les funérailles sont l’occasion pour les membres du groupe de se retrouver et de saisir cette occasion pour conforter leurs liens.

Autrefois au sein du groupe akan – on peut remonter à une date fort ancienne –, il était d’usage de fabriquer des effigies placées dans des lieux de cultes rendus aux morts. En effet, lors d’un long séjour sur la Côte de l’Or, Pieter de Marees a observé, en 1601, des funérailles royales. Il rapporte que les personnages importants étaient représentés en argile modelée et peinte. Ces effigies étaient disposées autour de la sépulture. Par ailleurs, des vases en terre cuite contenaient des nourritures destinées au souverain lors de son voyage du souverain dans l’autre monde.

Les têtes modelées dans la terre-cuite ne révèlent pas, au premier regard, leur proximité avec l’au-delà, avec la mort. Les visages offrent des variantes dont les éléments sont propres à une région. Ces caractéristiques stylistiques se traduisent notamment par un ovale ou par un arrondi presque parfaits, des traits réguliers, un long cou. La sérénité apparente de la plupart de ces pièces se trouble parfois lorsque les yeux, fortement saillants, semblent fixes et que la bouche dessine une moue et parfois un léger sourire.

Mais ces représentations ne constituent pas de véritables portraits, même si quelques détails, dont les scarifications avec des lignes tracées à la commissure des lèvres ou les coiffures, simples chignons ou structures savantes composées de multiples tresses, de petites boules, soulignent le naturalisme de la sculpture.

De plus, la stylisation de certaines œuvres est extrêmement proche de quelques statuettes en bois, comme les figures dites akuaba que portent les femmes asante atteintes du plus grand des maux, la stérilité, ou celles qui souhaitent favoriser la venue de nombreux enfants. Sculpté dans le bois ou façonné dans l’argile, le visage est traité dans le sens d’une grande épuration, un disque large et plat animé par la ligne courbe des sourcils et par les reliefs des yeux, du nez et de la bouche.






L’émergence de nouvelles formes d’expressions artistiques

Les pratiques religieuses et artistiques ancestrales se sont progressivement modifiées à la suite des transformations des structures politiques, bouleversements vécus par le Ghana dans les années 1960, comme par les autres pays africains accédant à l’indépendance. Cette période marque l’émergence de nouvelles formes d’expressions artistiques. Celles-ci révèlent non pas tant une rupture avec le passé que l’impulsion donnée par de nouveaux modes de relations avec l’environnement urbain.

Des créations originales, tels les cercueils aux formes surprenantes, ont vu le jour depuis quelques décennies.

La communication visuelle s’épanouit à travers maints supports, les enseignes de coiffeurs, les panneaux publicitaires qui fleurissent le long des routes… Les sujets représentés sont des mélanges de référents locaux et d’images occidentales. Les artistes, dont la plupart appartiennent à un corps de métier reconnu, travaillent dans un secteur informel, ce qui ne signifie nullement que cet art – certains le nomment « populaire » -, soit toujours anonyme.
Quelques artistes affirment leur originalité. Ainsi, Almighty God, dont l’atelier boutique, installé sur l’une des grandes artères de Kumasi, recèle un nombre considérable de peintures, jouit d’une renommée incontestable. Son inspiration inépuisable se nourrit d’une forte spiritualité où la foi chrétienne n’occulte pas complètement les croyances autochtones, comme en témoignent les peintures fantastiques. Mais Almighty God s’exerce, remarquablement, à tous les styles : du portait fidèle à l’hyperréalisme aigu, en passant par un art où les symboles foisonnent.

Sans couper le lien avec leur culture d’origine, des artistes créent en dehors du Ghana. Ainsi, Owusu-Ankomah inscrit sa démarche dans une thématique corporelle. Les figures humaines, corps denses ou grandes silhouettes, partagent l’espace pictural avec des signes récurrents, résurgences de motifs « traditionnels » ou interprétations libres de ces mêmes motifs. Il n’est pas rare que les signes-mémoires, se détachant sur un fond bleu, rouge ou jaune, tissent une sorte de toile qui enveloppe et dissimule progressivement les corps d’hommes.

C. Falgayrettes-Leveau
Commissaire de l’exposition
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