« Pour moi Jaz est une faiseuse de beauté »

Entretien d'Angélique Bailleul avec Amélie Chérubin-Soulières

à propos de Jaz de Koffi Kwahulé, nouvelle création de Kristian Frédric
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Après deux semaines de représentations au théâtre des Deux Mondes à Montréal, la nouvelle création de Kristian Frédric a pris son envol vers l’Europe, où une soixantaine de dates sont prévues. Jaz fera ses premiers pas en France sur la scène nationale de Bayonne à partir du 24 janvier prochain. Evoluant en hauteur sur un socle transformable de 2 mètres sur 80 centimètres, la comédienne Amélie Chérubin-Soulières a offert au public montréalais une performance de taille. Dans un décor démesuré, imaginé par Kristian Frédric et conçu par Simon Laroche, la robotique, la vidéo, le son et l’éclairage se sont entremêlés sur scène et ont fait voyager le public dans un univers inquiétant et poétique à la fois. La langue de Koffi Kwahulé n’a pas laissé les spectateurs indifférents, certains sortaient bouleversés, « Je me sens complètement happée par cette parole » nous a confié une spectatrice quelques minutes après une représentation.
Echanges avec Amélie Chérubin Soulières le matin de la dernière au théâtre des Deux Mondes.

Peux-tu nous raconter comment le projet a commencé pour toi ?
C’est mon ami le comédien Wildemir Normil qui a parlé de moi à Daniel Meilleur, co-directeur artistique des Deux Mondes. Daniel m’a appelé il m’a dit « Viens passer l’audition ». J’ai pris un monologue de Phèdre, un texte que j’avais déjà travaillé et je me suis faite coacher car Daniel m’avait parlé des enjeux. Au moment de l’audition je n’avais pas lu le storyboard, car Daniel ne m’avait envoyé que le texte de Koffi. J’avais une idée de ce dont il était question. La première question de Kristian a été « Qu’est ce que tu en penses ? », j’ai donc répondu par rapport à ce que je pensais du texte, puis j’ai vu dans ses yeux qu’il ne comprenait pas trop, « tu n’as pas lu le storyboard ? » je lui dis « non j’ai juste lu le texte » là j’ai vu que ça changeait tout, je ne connaissais pas le storyboard, je me suis dit que j’allais prendre le temps de le lire avant l’audition, il m’a dit « non, on fait quand même l’audition ». On passe l’audition, ça a duré une heure et demie et après j’ai eu le storyboard, j’ai vu quelle était la proposition de Kristian. C’est sûr que le texte de Koffi a une très forte proposition mais il y a très peu de didascalies donc ça peut s’inscrire où on veut dans notre imaginaire, il laisse cette place la et Kristian l’a complètement pris, il a fait sa proposition. On a ensuite parlé de moi, il a su que j’avais été adoptée, que j’étais entrain de retourner dans mon pays en Haïti, ce qui fait qu’il m’a demandé si je parlais créole, je lui ai dit que non, que j’étais en train d’apprendre la langue, il m’a dit « essaie de trouver quelqu’un pour te traduire quelques bouts, on se revoit dans trois jours ». Je traduis le créole, je le pratique un peu, on se rencontre encore, et il ne me dit toujours pas si c’est moi ou si ce n’est pas moi. On ne fait que parler, et au bout d’une heure, il me dit « c’est toi, je veux faire ce projet la avec toi, si toi tu veux t’embarquer dans l’aventure, c’est avec toi que je veux le faire et pas quelqu’un d’autre. » Or ça pour une comédienne c’est précieux, qu’un metteur en scène te dise « j’ai envie de faire ce spectacle la qu’avec toi ». Par rapport à là où j’en étais dans ma carrière, je me suis dit « c’est un cadeau », mais quel cadeau ! Je me suis aussi dit « On va travailler ! ». Après ça, il y a eu la première résidence de création à Paris. J’ai rencontré Laurence Levasseur, la chorégraphe, ce fut une autre rencontre, un autre type de rencontre. Laurence est très différente de Kristian, je crois que c’est pour cela que leur tandem fonctionne bien. Moi j’avais besoin de cette différence parce que des fois ça prenait un peu de temps avec Kristian pour trouver un langage, je ne le cacherais pas, et avec Kristian on s’en parle. Les trois premiers jours ont été extrêmement durs, on ne se comprenait pas. On a une façon de travailler différente, il fallait que je décode son univers, pour comprendre ce qu’il voulait, pour pouvoir le faire. Il y a quelque chose de très précis dans le texte, je savais ce que je devais dire, l’histoire est très concrète. Malgré tout ça, ce qu’il voulait faire était quand même assez nébuleux, même si j’avais ses références, ça a été dur aussi avec Michel Robidoux au niveau du son. C’était dur de se comprendre à trois. Laurence arrivait sans mots, ça a fait énormément de bien, c’était une compréhension uniquement par le corps, par le faire, ça m’a beaucoup aidé pour comprendre certaines choses que l’on n’arrivait pas à exprimer par les mots, par les références cinématographiques, ou qu’importe par un son ; de se comprendre physiquement ça m’a beaucoup aidé. Physiquement, c’était difficile, j’avais quand même des sessions de cinq heures, en plus des répétitions avec Kristian, j’avoue que pour la première fois de ma vie, j’étais à bout de force, à bout de me livrer de l’intérieur et à bout de force physique. Après ça s’est replacé. Le début du travail a été assez marquant. Quand on a commencé à comprendre les univers de chacun, les langages de chacun et aussi les personnalités, les personnes en tant que telles, là les choses se sont placées, et on a progressé en très peu de temps.
Quel a été ton premier regard sur la pièce ? Sur le personnage ?
J’avoue que je suis une fan de tragédies, d’histoires où l’on doit être plus grand que soi, pas en étant un héros, souvent c’est en étant tel que l’on est, avec la parole que l’on dit ou la raison qui fait que l’on porte cette parole qui est plus grande que soi, ça m’a toujours beaucoup touché. Quand j’ai lu Jaz c’est cette impression que j’ai eu, une femme qui était comme moi, comme des femmes en Afrique, comme ma meilleure amie, quelqu’un qui pouvait être très proche de moi, et qui en même temps racontait une histoire qui était plus grande qu’elle. Jaz a une volonté de toujours vouloir raconter, même si elle tombe, même si elle doute, même si elle ne sait plus, même si elle est perdue, elle se retrouve. Sans lire le storyboard, sans la proposition de Kristian, le texte en tant que tel m’a touché, ces espèces de panoplies de ce que l’on est, l’humanité, de ce que l’on est en tant qu’homme, femme et enfant. Des fois on est plus glorieux sans le vouloir, d’autres fois, on est juste sans âme, très faible, très vulnérable, mais on continue. La parole de Koffi raconte quelque chose de très dur, une déchirure dans l’histoire de Jaz, mais en même temps, il y a une lumière. Pour moi Jaz est une faiseuse de beauté, une faiseuse de lumière dans la noirceur. Quand j’ai lu cette pièce, je me suis dit que ça allait être un privilège de raconter la parole de cette femme. Je la trouvais belle dans son imperfection.
Après la découverte du texte, il y a eu celle du storyboard de Kristian Frédric (1), un objet où il retranscrit toute la mise en scène telle qu’il l’imaginait au début du projet, il cite de nombreuses références qui aident à rentrer dans son univers, à faire le même rêve que lui… Cet été tu m’as confié avoir regardé « Un chien andalou » (2) pour t’aider, film cité en référence dans le storyboard. Est-ce que d’autres références t’ont servi pour ton travail ?
Il y a eu Dancer in the dark (3), Kristian en a parlé beaucoup, beaucoup, beaucoup ! Je l’ai vu. J’ai compris pourquoi Kristian s’en ai inspiré. J’ai aussi fait des recherches sur les femmes cages, il parle beaucoup de Giacometti, et sur les peintres surréalistes aussi. Le storyboard donne beaucoup d’indications, beaucoup de pistes où je pouvais aller chercher, mais j’ai eu assez rapidement envie de chercher pour moi. Kristian est comme ça, il donne beaucoup de détails mais j’avais envie de faire comme ça me parlait à moi, j’avais envie de savoir quelles étaient mes propres références. J’avais beaucoup de photos d’un photographe, Thierry Le Goues, ce sont des femmes noires, des femmes blanches maquillées en noir, c’est un travail sur le noir et blanc. Face aux poses de ces femmes, je ne sais pas pourquoi, j’ai eu l’intuition que c’était quelque chose qui pouvait s’inscrire dans ce que l’on me demandait physiquement, pour Jaz. Il y a aussi une photo de la danseuse Nora Chipaumire, elle a les cheveux rasés, elle crie, et elle est nue, il y a une fragilité en même temps qu’elle crie ; pour moi c’était Jaz. J’avais mes photos, parce que je travaille beaucoup avec des photos, qui m’aidaient pour voir Jaz concrètement, pour la visualiser dans l’espace. Kristian est très cérébral, il a beaucoup de références cinématographiques, visuelles, des peintures aussi, malgré que ce soit très senti, il donne des références très intellectuelles. Pour moi, ce spectacle passe aussi par le corps.
Est-ce que tu peux nous parler des premiers jours avec la table, la rencontre…
Ah… la fameuse table. Il y a eu deux rencontres. Il y a eu la table faite avec des tréteaux à Paris, que j’ai vraiment détesté car je me suis fait mal comme jamais. Ce que j’ai aimé, c’est qu’avec Laurence, on travaillait très peu avec la table, pour justement trouver un langage qui n’était pas confiné dans cet espace, pour que cela paraisse plus grand. Ensuite il y a eu la rencontre avec la vraie table à Montréal. Simon a fait un travail hallucinant parce qu’elle impressionne et en même temps elle fascine. Au début quand je suis montée dessus, on a eu à faire beaucoup de technique, je me suis rendue compte que ce qu’on avait pensé faire à Paris ne fonctionnait plus totalement : « ça, ça ne marche plus », « ça, ça ne marche plus non plus » « ça, on ne peut pas le faire parce qu’il y a ça ». Assez rapidement je me suis demandé quelles étaient mes possibilités dans tout ça, je n’ai pas beaucoup aimé mais en même temps, je me suis dit que des fois les contraintes aident, elles aident justement à aller plus loin. Beaucoup de choses nous ont forcé, Kristian et moi, à changer, je proposais d’autres choses qui allaient dans la même direction que ce qu’on avait. Donc, au début je ne la voyais pas comme un partenaire de jeu, je la voyais de façon très concrète, très technique, très calculée. Ça a pris du temps pour qu’elle soit adaptée à mes mouvements, adaptée aux conditions, parce que Kristian ne voulait vraiment pas faire de concessions sur certaines choses, « faut que ça, ça marche » « ça, faut que ce soit là » et puis effectivement il fallait que ce soit là. Ensuite quand la table a été placée j’ai pris du plaisir, ça a été comme un tango. Erik Palardy s’est beaucoup familiarisé avec la machine et maintenant, je sais que s’il arrive quoi que ce soit, je sais comment faire, il y des possibilités, je peux jouer avec. Ça a été très dur au niveau technique et aussi au niveau de ma sécurité, je suis tombée de la table, je me suis fait mal. Déjà que j’ai beaucoup de contraintes, il faut que ce soit sécuritaire, et en plus il ne faut pas que le public ait peur pour moi, s’il sent que je suis en sécurité, il va s’embarquer dans l’histoire. S’il sent que je ne suis pas en sécurité ou que je risque de me blesser sérieusement, il n’écoutera rien, il n’écoutera plus la proposition. Ça a été dur, vraiment dur, mais maintenant, j’aime ma petite table, ça va bien.
Une vraie relation est née entre les techniciens et toi…
Oui… Je pense que c’est une grande première pour les techniciens d’être aussi impliqués, pour ma sécurité et dans le jeu, car je ne peux pas faire ce show s’ils ne sont pas là et vice versa, on est vraiment dépendants les uns des autres. Je savais que la technique allait prendre du temps, et Kristian me l’avait dit. Sur ces deux mois de répétitions, Laurence est venue deux semaines et demie, donc j’ai seulement eu deux semaines et demie de pur jeu avant de commencer les représentations. Il y a eu des moments où je devais être patiente car de toute façon je n’avais pas le choix, ils devaient faire leur travail de technique, on devait recommencer 5, 6 fois à faire tourner la table pour qu’elle arrive au bon endroit. A un moment j’ai dit à Kristian « Oui la technique prend du temps, mais il faut que je joue ! ». Si la technique est au poil et que la comédienne n’y arrive pas, ça ne marche pas non plus, il faut que moi aussi j’ai le temps d’expérimenter, de me tromper, parce qu’à Montréal je n’ai pas eu beaucoup de temps pour me tromper. Ma solution a été de jouer à fond même lorsque l’on faisait de la technique, pour au moins prendre mes marques et trouver des choses. Dans le travail sur le son je ne pouvais pas juste me placer et dire mes lignes Michel devait trouver le juste milieu : le bon sporadique, le bon son, la bonne façon de me répondre. Je pense qu’à un moment donné la technique était dans nos jambes et puis après elle est revenue au service du spectacle.
Est-ce que le son t’a aidé dans ton jeu ?
Oh oui ! Ce que fait Michel, c’est mon tremplin. C’est mon tremplin dans les réactions de Jaz, c’est mon tremplin pour aller d’une scène à l’autre, c’est mon ambiance, qui m’emmène, qui me tire. C’est à lui que je dis « Non », ou que je provoque, donc s’il n’est pas là, à qui je le dis ? Ce que propose Kristian, je ne peux pas le faire sans Michel, je ne peux pas faire autrement, il faut absolument que Michel soit là. C’est pour ça que des fois je lui dis : « tu ne me réponds pas assez vite » « c’est deux secondes trop tard » parce que c’est comme une conversation avec quelqu’un. Michel a vraiment dû trouver des mots sonores et un dialogue qui n’étaient pas du tout écrits. Il me répondait et ça m’a énormément aidé, ça me nourrissait. Ils ont baissé le son depuis dimanche, donc depuis deux représentations l’ambiance sonore a diminué. Moi je le ressens totalement, à tel point que j’ai dit à Kristian « je me sens perdue, car mes références sonores ne sont plus là ». Il m’a dit que j’allais m’habituer. J’imagine qu’à force de le faire, je vais m’habituer, mais une telle différence d’intensité… « D’habitude, c’est comme quelqu’un qui met un poing sur la table, avec le son diminué c’est quelqu’un qui fait juste’non' »et cela change énormément ma façon de parler. Mais c’est normal, c’est mon partenaire, on est comme ça.
Ce soir, c’est la dernière, quel est ton bilan ? Es-tu satisfaite ? Comment tu te sens ?
Ecoute, je pense que j’ai encore le nez dedans. J’ai assez de reculs pour comprendre l’évolution, « ça, ça fonctionne si je commence le show comme ça » « la, ça va être plus dur pour me rendre à tel point ». Lors de la répétition générale publique, ça a été très vertigineux, je ne sentais pas les gens, ils essayaient de comprendre la proposition, je sentais qu’ils étaient loin, donc, c’était déstabilisant. À un moment donné je me suis dit « Fais confiance, allons-y, propose, toute l’équipe a travaillé, et advienne que pourra ». Vraiment je ne savais pas comment les gens allaient le ressentir, je me sentais comme dans un gouffre. En fin de compte le gouffre, ce sont les interrogations des gens sur ce qu’ils reçoivent, c’est ce que je ressens. Mon plaisir dans la vie et la raison pour laquelle je fais du théâtre, c’est de jouer avec d’autres personnes, de créer ce lien la et de pouvoir le donner à d’autres. Là je n’avais plus personne avec qui le partager, à part avec les techniciens, mais ils sont dans leurs affaires. Je me sentais vraiment seule, j’étais toute seule dans ma loge, même si Kristian venait me dire des bons mots, mes parents m’appelaient. J’avais peur de me tromper, de ne plus me souvenir de mon texte, ce sont toutes ces choses que l’on se dit lors des premières, on se rassure. Mon ami Widemir me disait toujours « Rappelle toi juste de ta première phrase, si tu t’en rappelles tout va s’enchaîner comme il le faut ». Effectivement, je me répétais ma première phrase, mon premier bout « Jaz, oui Jaz, on l’a toujours appelé Jaz » (4), et ça a bien été !
La peur, le trac… et même encore aujourd’hui, même si c’est la dernière ce soir, je vais avoir moins peur, mais je vais encore avoir le trac. C’est différent chaque soir. J’ai demandé à Julie si elle pouvait allumer les lumières à la fin, parce que déjà que je suis toute seule dans ma loge, je suis toute seule en scène, je ne vois pas le public, le show est dur alors je le sens tendus. Cela prend énormément de temps pour que je me nettoie et quand j’arrive il n’y a presque plus de monde. Mon plaisir de faire le métier de comédienne, mon bonbon, c’est de parler avec les gens après. J’ai donc demandé la lumière à Julie pour pouvoir les voir, pour voir les visages, pour avoir un petit contact. Mais je suis contente. Je pense que c’est un show qui dépend de quatre personnes, Eric Lapointe, Erik Palardy, Julie Brosseau Doré et moi, des fois il y en a qui est en retard ou des fois tout le monde est ensemble au même moment, c’est une question de magie.
D’accord… tu dis que quand tu sors, il n’y a pas beaucoup de monde. Parmi les quelques personnes que tu as vu, quels ont été les retours, les remarques ?
Ecoute, un soir nous avons eu 12 personnes, c’était la plus petite soirée, mais même quand c’est une petite soirée, les gens qui sont là, ils sont là ! Je me suis toujours dit que même s’il n’y avait que deux personnes, on faisait le show, car ces deux personnes se sont déplacées, c’est un privilège, alors on fait le show. Les gens ne vont pas dire « Waouh, c’est un beau show ! ». Oui c’est beau visuellement mais ce n’est pas de cet ordre la, souvent les retours que j’ai, ce sont des visages, des expressions, c’est rarement des mots, c’est très intérieur. Mes proches, surtout pour mes parents et ma tante avaient peur pour moi, ils n’ont pas aimé me voir attachée. Ca les blessait parce qu’ils me connaissent bien. Dans les commentaires, il y a très peu de mots, beaucoup de sensations…
À bout de souffle… Souvent quand j’interrogeais les spectateurs, ils disaient qu’ils étaient « à bout de souffle ». J’ai même arrêté les interviews après le spectacle car les gens ont du mal à s’exprimer, souvent, ils ne peuvent pas parler, ils ont besoin de recul.
Pour moi c’est correct. Je n’ai pas besoin de grands mots, juste de voir comment ils le reçoivent, ça me suffit. Je suis contente, les gens ont de bonnes réactions malgré la dureté, il y a quand même beaucoup de lumière. En général, la réception est bonne, « ça m’a choqué » ; « je n’ai jamais vu ça » ; « je suis sans mots », « ça m’a troublé » ; C’est ça, c’est un bon retour, un sentiment fort et ébranlant. Les gens sont ébranlés. Oui.
Y a-t-il un moment que tu préfères dans le spectacle ?
Non, ça dépend, je le vois tellement comme un bloc, quand on me dit « on reprend à tel moment », je le vois tellement comme un bloc qu’il faut tout le temps que je me remémore ce qu’il y a avant, justement tout est tellement lié. Non, je pense qu’il y a le trac du début avant que ça commence à tourner, avant de dire le premier mot, et puis après il y a une espèce de satisfaction et d’humilité de me dire « Voila, j’ai fait ça, ce soir ». Non, Ca dépend de chaque soir, des fois il s’agit d’un mot, un soir ça va être le passage de Oridée quand elle dit « On ne touche que les objets d’art mais pas l’art » (5), un autre soir ça va être le passage où je fais l’homme, ou à la fin quand je suis plus vulnérable. C’est une chance que ce ne soit pas toujours le même moment, que ça change.
Deux ans de tournée…
Oui… C’est très fun ! Je suis contente. Je suis contente aussi car on a fini la partie travail. Je l’ai dit à Kristian, hier en show, j’ai senti que ça faisait trois mois que l’on travaillait. Maintenant, on va commencer la tournée, le plaisir de faire le show, de le peaufiner à chaque fois, et aussi de solidifier les liens, de mieux connaître chaque personne, car on était chacun dans notre travail. On va avoir juste le plaisir de peaufiner, de connaître, d’améliorer tout ça ensemble. Il y a aussi le plaisir de voyager, de jouer devant un public différent, d’une place à l’autre c’est très différent, déjà d’un soir à l’autre c’est très différent. Je suis très curieuse de savoir comment je vais être accueillie à Bayonne, ou ailleurs, je vais sûrement être aussi stressée que notre première à Montréal. Et le fait que ça dure aussi longtemps c’est un privilège, savoir que c’est un personnage que je vais habiter pendant un an ou deux, j’en suis très contente.
Je te remercie beaucoup. Y a-t-il quelque chose que tu voudrais nous dire, dont tu voudrais parler ?
J’ai hâte de voir comment Koffi va percevoir le spectacle, la chaise. J’ai hâte. Nous n’en avons pas parlé avec Koffi, je l’ai rencontré avec Kristian, on a parlé de tout sauf du texte. Kristian voulait parler du texte mais Koffi n’a pas répondu (rires), ou juste avec son sourire énigmatique. Je suis curieuse, j’ai hâte de le rencontrer encore une fois, pas tant pour savoir s’il a aimé ou pas, mais plus de le rencontrer pour lui dire « Voila on l’a fait ! »

1.Kristian Frédric, Voyage au centre d’une création, éditions Lézards qui bougent, 2009
2.Un chien Andalou, court métrage de Luis Buñuel, 1929
3.Dancer in the dark, long métrage de Lars Von Trier, 2000
4.Koffi Kwahulé, Jaz, les éditions théâtrales, 1998, p 57
5.Koffi Kwahulé, Jaz, les éditions théâtrales, 1998, p 79
Lire les trois premiers portraits de Jaz, au fil des répétions :
[premier portrait]

[second portrait]

[troisième portrait] ///Article N° : 9902

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Les images de l'article
Amélie Chérubin-Soulières incarne Jaz, au théâtre des Deux Mondes © Angélique Bailleul





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