Pascal Baba Couloubaly : une mémoire de la culture bamanan s’est éteinte

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Décédé le 23 juillet 2008 à Tunis (Tunisie) suite à une longue maladie, Pascal Baba Couloubaly a été inhumé le 27 juillet dernier dans son village natal de NTiola. Ainsi, disparaît l’un des plus grands intellectuels qui ont marqué l’histoire contemporaine du Mali. Homme de culture, discret politicien, Pascal Baba s’est surtout illustré par ses publications (livres), ses notes de lecture et ses chroniques dans les journaux.

Professeur, président du Conseil d’administration de l’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes (APEJ) et ancien ministre de la Culture de 2000 à 2002, Pascal Baba Couloubaly est décédé le mercredi 23 juillet à Tunis des suites d’une longue maladie. Longtemps rongé par ce mal, il avait été récemment évacué à Tunis (Tunisie) où il a rendu l’âme ce mercredi matin. C’est un bambara bon teint et un brillant intellectuel qui s’en est allé.
Né en 1951, PBC est originaire du village de N’Tiola (préfecture de Dioïla). Intellectuel émérite, Pascal s’est surtout distingué par son attachement sans failles à la société traditionnelle bambara, un trait dominant qui se retrouve dans l’ensemble de ses œuvres littéraires et scientifiques. Par ses écrits et ses débats, il a permis de percer une partie des mystères des sociétés secrètes bamanan sans les désacraliser. En effet, il avait souvent bravé les interdits en exposant dans ses écrits certains secrets de la société du Komo. Pour lui, la jeune génération qui n’a pas eu la chance de connaître ces rites avait besoin d’être instruite sur eux.
Pour marquer son attachement à son terroir, Pascal Baba soutenait que son nom de famille n’était pas Coulibaly, mais « Couloubaly« . Nom qui se décomposait en « coulou » (la colline ou la montagne) et « baly » (entrave, obstacle…). Les Couloubaly sont donc des personnes dont le passage ne peut être entravé par la montagne. Et toute sa vie, l’homme s’est efforcé de se conformer à ses convictions et à ses principes solidement ancrés dans les valeurs culturelles du Mali.
Après des études secondaires à l’Ecole normale secondaire de Badalabougou, Pascal avait enseigné à l’école fondamentale de Bougouni. C’est à cette période qu’il a écrit son premier roman, « Les angoisses d’un monde« . Publiée en 1984 aux Nouvelles éditions africaines (NEA), cette œuvre se rattache à l’ethno-roman. Elle a été rééditée par les Editions Jamana en 1998. Elle aborde les conflits de générations et l’affrontement entre la tradition et la modernité dans la société bambara. Jusqu’à une date récente, ce livre était étudié dans les écoles de la Guinée Conakry et du Burundi.
Puis suivront « La Gwandusu » (du nom d’une sculpture bambara) publié en 2001 aux Editions Jamana, « Le Mali d’Alpha Oumar Konaré, Ombres et lumières d’une démocratie en gestation » (Harmattan, mars 2004) et « Mamary le Bambara » (Harmattan, août 2007). Ce dernier roman évoque le sort d’un villageois ordinaire. Mamary est en effet un bambara de notre temps coincé entre une multitude de contradictions et amené à commettre des actes désespérés qui signeront sa déchéance.La particularité de Pascal Baba Couloubaly, est que toutes ces œuvres recèlent « une volonté de comprendre et d’expliquer« . Ce qui s’explique en partie par le fait que cet intellectuel émérite a fait d’abord carrière dans l’éducation avant d’aller dans la haute administration publique. Il a été ainsi instituteur, directeur d’école, professeur de collège puis de lycée, professeur à Ecole normale supérieure de Bamako, chercheur à l’IFAN, maître de conférences à l’université de Bamako.
Selon les témoignages de ceux qui ont admiré et approché le brillant et prolifique homme de lettres, Pascal Baba s’inscrit dans la lignée des écrivains comme l’Ivoirien Amadou Kourouma, dont il était d’ailleurs un des admirateurs et dont il partageait le souci de l’authenticité, de l’attachement au réel et au vécu. Fidèle ami du président Alpha Oumar Konaré, Pascal Baba Couloubaly avait occupé successivement auprès de ce dernier les fonctions de Conseiller aux Affaires culturelles et sociales, de Chef de cabinet à la présidence de la République. Il a ainsi été le concepteur et l’exécuteur de certaines grandes idées du président Konaré comme la création des monuments, la Mission pour l’an 2000 et la création d’un fonds d’aide à la culture.
Il avait aussi accompagné la promotion des nouvelles technologies de l’information et de la communication en contribuant à l’organisation de « Bamako 2000« . Une rencontre qui avait permis à l’Afrique de se positionner par rapport à la réduction du fossé numérique par l’intégration du continent dans la Société de l’information. Devenu ministre de la Culture, Pascal Baba est à l’origine des grandes manifestations culturelles que sont la Rencontre des chasseurs de l’Afrique de l’ouest, le Marché national des arts plastiques, la Semaine nationale du cinéma africain de Bamako (SENAFAB), la relance de la Semaine nationale des arts et de la culture et le festival international « Triangle du Balafon« .
Sur le plan politique, Pascal Baba Couloubaly a longtemps été l’une des éminences grises de l’Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA) en matière de mobilisation. En 2002, il a été l’un des grands stratèges de la campagne de Soumaïla Cissé, candidat de l’ADEMA), contre ses adversaires de l’élection présidentielle.
Très déçu par la déconfiture de l’ADEMA après les élections de 2002, il a pris ses distances vis-à-vis de la scène politique avant de regagner l’Union pour la République et la Démocratie (URD) de Soumaïla Cissé qui a lui aussi quitté la Ruche (l’Abeille est le symbole de l’ ADEMA. Son siège est donc appelé la Ruche par la presse malienne). Il était désormais résolu à sortir de l’ombre politique pour mieux se positionner en leader. Un élan coupé net par la mort ! Cette impitoyable faucheuse qui vient de priver le Mali d’un des grands bâtisseurs de sa Culture.
Comme l’écrivait un confrère malien le lendemain de son décès, « des milieux politiques, culturels, scolaires et universitaires, on retiendra de l’homme un cadre de grande valeur dont le sens de l’amour et de la responsabilité peut inspirer la jeune génération en quête de repères ». Toute une vie durant, cet homme de culture convaincu s’est consacré à la conquête et au partage du savoir !

*Pascal Baba publiait aussi des notes de lecture et animait des chroniques dans des journaux maliens comme le quotidien Les Echos)BIBLIOGRAPHIE
Mamary le Bambara (Harmattan, août 2007).
Le Mali d’Alpha Oumar Konaré, Ombres et lumières d’une démocratie en gestation (Harmattan, mars 2004)
La Gwandusu (Jamana, 2001)
Rites et sociétés à travers le Bafili (Jamana, 1995)
Les angoisses d’un monde (NEA en 1984, et Jamana en 1998)///Article N° : 7982

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