Hancock, de Peter Berg

Gueule de Black

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Cela fait des années que les Noirs Américains le réclament. Si le monde de la BD a ses super-héros noirs depuis longtemps (voir la liste impressionnante de www.blacksuperhero.com), au cinéma, les super-blackmen sont rares. Robert Townsend avait bien tenté en 1993 L’homme météor,qu’il avait écrit, produit, réalisé et incarné sans obtenir le succès escompté. Wesley Snipes a produit et joué le rôle principal de la trilogie Blade, le tueur de vampires (1998, 2002, 2004). Halle Berry est Ororo dans les trois X-Men (2000, 2003, 2006)et aussi l’héroïne de Catwoman (2004). Et pourtant, Hancock restera certainement dans l’histoire des blockbusters le premier véritable super héro noir budgétisé du cinéma hollywoodien. En guenilles, mal rasé, la gueule de bois permanente, il atterrit avec pertes et fracas, l’aigle américain en patch sur le front, baptisé en l’honneur du premier signataire de la Constitution américaine, John Hancock, que demander de plus ?
Le cinéma américain serait-il devenu colorblind, aveugle à la couleur, comme c’est la mode de le déclarer outre-Atlantique ? Ainsi, Will Smith peut incarner James West dans Wild Wild West sans que sa couleur n’impacte l’intrigue, quelles qu’en soient les absurdités historiques que cela implique. Mais qu’efface-t-on alors, le racisme ou la réalité historique et contemporaine de l’identité raciale ? Car en fin de compte, la couleur de l’acteur, dont le visage est largement camouflé sur l’affiche par ses lunettes et son bonnet, a bel et bien un impact sur l’intrigue de Hancock.
Ainsi, pas de surprise, après plus de 10 ans de remaniements scénaristiques dans les arcanes d’Hollywood, le très « hot » Hancock (pour citer l’auditrice radiophonique qui commente les méthodes de travail du super-héros) ne partagera pas même un baiser avec la très blonde Mary (Charlize Theron) qui lui préfère son blanc-bec de mari. Ils sont pourtant littéralement faits l’un pour l’autre, comme le révèle l’intrigue : ils constituent les deux moitiés d’un tout. Séparés ils sont invulnérables, ensemble ils redeviennent mortels. Serait-ce une métaphore de la vision des couples interraciaux aux Etats-Unis ? En effet, leur couleur, jamais mentionnée, est bien ce qui les sépare : il y a 80 ans, en 1930, le couple a été victime d’une attaque qui a manqué de coûter la vie à Hancock, le laissant amnésique, et seul. En réalité le dialogue n’explicite pas que l’attaque de cet homme noir tenant la main d’une femme blanche à Miami ait été raciste. C’est une évidence qui ne mérite pas d’être mentionnée, pas plus que le racisme dont Hancock a pu être victime depuis, à travers des époques tout de même mouvementées en la matière, encore d’actualité alors que Barack Obama est candidat à la présidence.
Outre le fait qu’il est SDF, Hancock doit passer par la prison pour obtenir le pardon de la population américaine. Parcours peu glorieux, comme si les supers pouvoirs de cet Américain Noir ne le protégeaient pas de la fatalité des statistiques raciales. Il faudra aussi qu’il soigne son look en suivant les conseils éclairés de Ray (Jason Bateman), le bon père de famille blanc, super héro dans son genre puisqu’il s’efforce de convaincre les grandes corporations de soigner et de nourrir les pauvres gratuitement.
Deux des écueils maintes fois dénoncés en matière de sauvetages interraciaux se retrouvent donc dans un même film : le « Nègre magique » (magical Negro) sauve tous les hommes sans se préoccuper du racisme qui peut exister dans la société (Cf. La ligne verte, La légende de Bagger Vance, Ghost), tandis que le personnage Blanc, parfaitement ordinaire mais finalement plus compétent, le prend sous son aile et lui apprend à gérer sa vie (de Home of the Brave à Jerry Maguire).
Dommage que contrairement à de nombreux films de super-héros tels que Hellboy ou la trilogie des X-Men, Hancock ne propose jamais de discours sur l’altérité autre que comique et superficiel. Lorsque Ray lui montre des comic books dont il souhaiterait qu’Hancock s’inspire, celui-ci n’y voit que des « homos » en rouge et vert. C’est justement le genre de sous texte qui manque cruellement à Hancock et qui a fait le succès de Batman ou Spiderman, comme le montrait très bien l’exposition « Superman, un héros juif », au musée d’art et d’histoire du judaïsme en 2007-8. Misanthrope, Hancock se moque des gros, des homos, et même des Français. On ne se vexera pas pour si peu, mais peut-on néanmoins regretter que Los Angeles ne compte pas d’enfant francophone pour tenir le rôle ?

///Article N° : 7968

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