Du nouveau au Fespaco ?

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Dans notre numéro 13 de décembre dernier, nous avons publié un entretien avec le secrétaire général du Fespaco, Monsieur Baba Hama. Il affirmait sa volonté de recentrer le festival sur son objet : la cuvée 99 devait être plus sélective, plus professionnelle, plus axée sur la vente des films que les grandes fêtes précédentes.
La Fédération Panafricaine des Cinéastes qui semblait peu active en attendant la refonte de ses statuts programmée par son congrès au Fespaco de 1997 a pris en main le colloque qui donne son thème au festival : les circuits de diffusion en Afrique. Pierre Ruamba, coordinateur actuel de la Fepaci, compte bien  » aboutir à des projets concrets  » : intégration aux circuits actuels de diffusion, télévisions et festivals sont au centre des débats.
Le Fespaco pose la première pierre en associant à l’étalon de Yenenga, son grand prix, une aide à la distribution de 15 000 $US. On sait que Guimba, du Malien Cheikh Oumar Sissoko, étalon en 1995, a été peu vu en Afrique et n’est toujours pas sorti en France… Mieux encore, une tournée dans les capitales africaines des films primés suivra le festival. Johannesburg, Nairobi et Le Caire sont sur la liste. Rien n’est négligé : le conseil des télévisions francophones (Cirtef) tiendra son conseil d’administration au Fespaco et les directeurs des Centres culturels français s’y réuniront. But affiché : leur vendre les films !
Quant au public ouagalais, il accourt à la grande fête du cinéma, et pas seulement à la galerie marchande ou aux concerts et animations : en 1997, 400 000 spectateurs se sont pressés en une semaine aux caisses des 15 cinémas de la ville mobilisés pour l’occasion ! Sur la place de la Révolution, des milliers de personnes peuvent voir chaque soir les films de la compétition. Répondant à un journaliste français déçu par le peu de nouveaux films, Baba Hama s’est écrié :  » On voit que n’êtes pas en Afrique ! Le public africain n’a pas encore vu ces films !  »
Bien sûr, on attend avec impatience La Genèse de Cheikh Oumar Sissoko, tourné en février 1997 et qui attendait désespérément le déblocage des fonds de l’Union européenne pour être bouclé ; avec Sotigui Kouyaté, Bala Moussa Keïta et Salif Keïta dans les rôles principaux, l’interprétation africaine d’un texte fondateur chrétien : le combat fratricide entre Hamor et Jacob comme réflexion sur les conflits ethniques qui déchirent le continent. Fragments de vie, du Camerounais François Woukoache, éveille également l’intérêt après son très prometteur Asientos. La curiosité de tous est aiguisée par les trois longs métrages sud-africains : Chickin Biz’nis de Ntshaveni Wa Luruli, The Sexy Girls de Russel Thompson et Letting go de Bernard Joffa. Du Kenya, Anne Mungai revient avec Saikati the Enkabaani qui remporte un grand succès à Nairobi, et la Tanzanie est exceptionnellement présente avec Mangamizi : the ancient one, de Martin Mhando.
Pour les lecteurs d’Africultures, peu d’autres nouveautés. Nous avons déjà publié une critique et un entretien avec le réalisateur pour les films qui nous ont convaincu : Silmandé – Tourbillon du Burkinabè Pierre Yaméogo (Africultures n°13), La Vie sur terre du Mauritanien Abderrahmane Sissako (n°10), très remarqué à Cannes, ou Fools, de Ramadan Suleman d’après Njabulo Ndebele, le premier long métrage sud-africain réalisé par un Noir (n°1). Nous avons évoqué l’humour de Une couleur café de l’ivoirien Henri Duparc (n°12) et présenté Le Cercle des Pouvoirs du Camerounais Daniel Kamwa (n°7). Nous reviendrons sur TGV du Sénégalais Moussa Touré et Pièces d’identité du Congolais Ngangura Mweze. Dakan, du Guinéen Mohamed Camara, qui met en scène un amour homosexuel, ne manquera pas de déclencher une polémique au Fespaco, comme ses précédent films sur l’inceste et le suicide. Côté Afrique du Nord (l’Egypte reste comme toujours absente), peut-être des surprises. Se détache bien sûr le magnifique Arche du désert de l’Algérien Mohamed Chouikh. Noir algérien, Mohamed Soudani a marqué avec Waalo Fendo, une méditation impressionniste et sensible sur l’immigration noire en Suisse. Du Maroc, on retient notamment Les Amis d’hier de Hassan Benjelloun, sorte de bilan fin de siècle de la société marocaine, ainsi que Femmes… et femmes de Saad Chraïbi, qui a rencontré un énorme succès populaire dans son pays. Sur les 36 longs métrages inscrits, 17 sont du Maghreb : au Fespaco, le panafricanisme se porte bien.
Djibril Diop Mambety sera encore une dernière fois présent, non plus avec son verre d’eau à la main devant le bar de l’Hôtel Indépendance, mais en soirée d’ouverture avec La petite vendeuse de soleil, juste terminé avant sa mort en juillet dernier, et le Guinéen David Achkar, également disparu récemment, n’est pas oublié.
Ce qu’en définitive, on attend le plus du Fespaco, ce sont les courts métrages : c’est souvent là que se révèlent des cinéastes originaux et novateurs. 45 courts métrages africains sont inscrits, sans compter ceux de la diaspora.. A côté de signatures déjà célèbres, de nouveaux venus sont annoncés, notamment anglophones (le Nigeria est très présent). Est-ce le signe d’une nouvelle donne pour les cinémas d’Afrique ?
L’équipe d’Africultures sera largement présente au Masa d’Abidjan et au Fespaco, et consacrera un numéro spécial aux nouvelles tendances de la création africaine. A suivre !

///Article N° : 747

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Gaston Kaboré brandissant l'Etalon de Yennenga 97 reçu des mains du président Blaise Compaoré, pour son film Buud Yam.Gaston Kaboré brandissant l'Etalon de Yennenga 97 reçu des mains du président Blaise Compaoré, pour son film Buud Yam.





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