Émile Ollivier (Haïti)

écrivain
Print Friendly, PDF & Email

Assimilation, différenciation, citoyenneté : au-delà de l’évolution du rapport à l’immigré, un regard détaché.

 » Les deux sociétés haïtienne et montréalaise n’existent pas dans un rapport de dévoration. Elles constituent des expériences, des tranches de vie. Il y a quelque chose qui se construit de leur rencontre ; elles ne sont pas antithétiques. C’est à partir des lieux que l’on traverse que l’on crée. Donc, comme individu, je suis fais de plusieurs concoctions.
Il y a beaucoup de questions sur nous-mêmes qui ne sont renvoyées que par des catégories critiques mais qui, en fait, ne sont pas des questions que se posent les créateurs. Ici à Montréal, je suis un auteur ethnique. Pourquoi, à Paris, Milan Kundera n’est-il pas considéré comme un auteur ethnique ? Au-delà de cette réflexion, je tente surtout de faire mon travail, je ne suis pas un militant. Je regarde ça par le dessus de la clôture et je rigole doucement. Parce que franchement, est-ce qu’un artiste a besoin d’être reconnu pour exister ? Est-ce que Rabelais se posait ce genre de questions ? Probablement pas, il créait, et c’est tout.
Au Québec, nous sommes passés par différentes étapes. Il y a eu les années 60 dont le credo était : Vivez en bons Canadiens français. Puis, on a fait l’éloge de la différence, pendant que je marquais mon penchant pour la différenciation. Maintenant, nous sommes à l’époque de la citoyenneté. Dans cette citoyenneté abstraite, on perd notre âme et notre être. Il n’est pas évident de naviguer parmi ces courants et de rester maître de soi. Il faut tenter de développer ses façons de penser, ses modes d’être afin d’être dans le jeu et hors du jeu auquel s’escriment les penseurs.
Moi, je suis arrivé avec l’idée du bonheur clé-en-main alors que la jeunesse actuelle fait face à des problèmes de précarité, de perte de repères. Ils sont confrontés à l’impasse de l’emploi, de l’identité, de la question nationale. Ce n’est pas la même posture. Je me croyais de passage quand je suis arrivé. Eux savent qu’ils sont chez eux. « 

Émile Ollivier. Auteur d’origine haïtienne. On lui doit : Paysage de l’aveugle (1977), Mère-Solitude (1983), La Discorde aux cent voix (1986), Passages (1991). Essais : Haïti, quel développement ? (1976), Analphabétisme et alphabétisation des immigrants haïtiens à Montréal (1981), Penser l’éducation des adultes ou Fondements philosophiques de l’Éducation (1983), La Marginalité silencieuse (1991). ///Article N° : 729

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire