Le labyrinthe de la solitude congolaise : Indépendance Cha cha

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Dans son dernier roman, la romancière française Anne Vallaeys accomplit un retour au pays natal : le Congo qui l’a vu naître et qu’elle a quitté à neuf ans, au lendemain des indépendances.

Dans son remarquable essai : Le petit belge avait vu grand. Une littérature coloniale publiée aux éditions Labor (1993), Pierre Halen, attirait notre attention sur la résurgence des romans construits sur la recherche d’un parent, ayant vécu jadis dans les colonies. À la fin du roman, celui-ci redevient généralement sympathique, voire vertueux, puisque entre-temps, le narrateur a instruit le procès de ces anciennes colonies devenues des États corrompus, le plus souvent ravagés par des guerres tribales.
Le dernier roman d’Anne Vallaeys, paru l’an dernier aux éditions Fayard, correspond à tout prendre, à cette littérature.
Indépendance Cha cha, c’est avant tout le titre d’une chanson mythique du musicien congolais, Grand Kalle, saluant l’avènement d’un Congo indépendant. Ayant accompagné Patrice Lumumba à Bruxelles en janvier 1960, lors de la table ronde à l’issue de laquelle la date de l’indépendance du Congo sera fixée au 30 juin, Grand Kallé avait écrit cette chanson, devenue en Afrique un hymne de la libération. Mais, avec l’échec des indépendances, elle deviendra, au même titre que le roman d’Ahmadou Kourouma, Les Soleils des Indépendances (1968), synonyme de désenchantement national. On l’a vu avec Le bal de NDinga de Tchicaya U Tam Si. Une complainte douce-amère, racontant la vie d’un pauvre boy de Kinshasa, qui, entraîné par un air de cha-cha-cha, se trouve mêlé à une manifestation célébrant l’Indépendance, avant d’être abattu par une balle perdue.
Si le récit de Tchicaya U Tam Si, montre combien les indépendances africaines, ont été une victoire en trompe l’œil, le dernier roman d’Anne Vallaeys est une variation du fameux roman de Conrad, Au Cœur des Ténèbres, avec en arrière plan, la glorification du père de l’écrivain chassé du Congo en 1960.
Car Independance Cha- cha raconte le retour au pays natal (elle est née au Congo) d’Anne Vallaeys. Avec une économie de mots, l’auteur nous dresse un portrait accablant d’une terre de souffrance. Au passage, elle démythifie Lumumba, vomit Mobutu et ses successeurs, et révise le procès, souvent caricatural intenté à la colonisation par les nationalistes africains. « À l’indépendance, on a fait croire aux gentils que les maigres mangeraient à plein ventre sans même saisir la bêche. Maintenant le Congo est par terre. Il nous faut du courage, donc, des mots nouveaux. Comme si les élections faisaient la démocratie à la baguette. Mensonges ! »
Ce portrait lucide du Congo, devenu un véritable labyrinthe de solitude pour reprendre le beau titre de l’essai d’Octavio Paz, peut conduire d’aucuns à voir en ce livre un énième sanglot de l’homme blanc. Sans me prononcer sur ce que véhicule l’inconscient dans ce type d’énoncé, une telle réception du texte, généralement politique et non littéraire n’a ici pas lieu d’être. Pour cela, Il suffit de se remémorer ces mots d’Albert Londres « Notre métier, n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.

Indépendance Cha Cha de Anne Vallaeys, Ed. Fayard, Paris, 2007///Article N° : 7210

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