De l’architecture à la photographie

Entretien de Christine Avignon avec Soavina

Paris, le 02 mai 2007
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Photographe autodidacte installé à Paris, Soavina Ramaroson vient d’être sélectionné pour les rencontres photographiques de Bamako, qui auront lieu en novembre 2007. Architecte de formation, il se consacre – parallèlement à son métier – depuis quelques années à la photographie. Son exposition « Vis-à-vie », récemment présentée à Paris1, nous invite à voyager dans son île natale, Madagascar, dont il fait découvrir la culture populaire à travers les différents proverbes qui accompagnent ses photos.

Comment êtes vous passé de l’architecture à la photographie ?
Je suis venu à la photo en autodidacte, un peu par hasard, en mars 2005. À l’époque je travaillais en tant qu’architecte sur un projet de requalification urbaine à Madagascar. Pour ce genre de projets, on mène une enquête préalable pour laquelle on doit faire des photos sur le terrain, afin d’étudier l’habitat, les habitants, etc. Finalement, il s’est avéré que mes photos ont beaucoup plu, d’où l’idée de créer un site2 web. Le site a eu de très bonnes répercussions, ce qui m’a donné envie d’organiser l’exposition que l’on a pu voir à la bibliothèque de la Goutte d’Or, et plus récemment au « Ventre de l’Architecte », à Paris.
Quel sens donnez-vous à « Vis-à-vie », titre de votre exposition ?
Cette exposition étant partie d’une étude urbaine, le « vis-à-vis » peut résumer les interactions dans une ville : le vis-à-vis entre les bâtiments, le vis-à-vis entre les habitants, le vis-à-vis entre les manières de vivre, d’où ce jeu de mots qui comprend ces notions d’interactions et la vie qui en découle.
Pourquoi avoir choisi de souligner vos photos avec des proverbes malgaches ?
Ces proverbes – ohabolana en malgache – ont bercé mon enfance. C’était pour moi une façon de rendre hommage, non seulement aux personnes que j’avais photographiées, mais aussi à ma culture. C’est pour cette raison que les proverbes sont à la fois en malgache et en français. Je voulais que tout le monde puisse les comprendre. À Madagascar, les analphabètes sont nombreux, mais ces proverbes circulent dans les villes et les villages ; ils reflètent la mentalité des Malgaches, la culture populaire. Ils sont simples, mais représentent la définition même du savoir-vivre, du « vivre ensemble » comme celui sur les maisons que j’aime beaucoup : « Deux maisons voisines, l’une au nord, l’autre au sud, si l’une d’entre elles ne permet plus de s’abriter, on ira tous habiter dans l’autre ». C’est ça Madagascar, des notions d’entraide et de solidarité qui ont malheureusement un peu disparu aujourd’hui en Europe.
Vous travaillez à la fois sur le noir et blanc et la couleur, selon quels critères décidez-vous de passer de l’un à l’autre ?
Pour dire la vérité, je ne sais pas vraiment comment je dois travailler les photos. Le choix de la couleur ou du noir et blanc repose essentiellement sur une vue esthétique arbitraire… Je choisis de présenter une photo en couleur quand je la trouve très contrastée, quand je trouve qu’il y a une variété de couleur qui me semble intéressante. Sinon, je décide de présenter en noir et blanc, et là je me concentre surtout sur le cadrage, l’histoire que je veux raconter. Cela dit, je suis encore en plein apprentissage et peut-être que je peux l’expliquer plus simplement par la recherche d’un style. Néanmoins, sur l’exposition « Vis-à-vie », le choix de présenter en même temps des photos couleur et noir et blanc s’explique par le thème : montrer le contraste entre habitant et habitat.
Pouvez-vous nous parler de la photo des « Rugbymens » ?
Cette photo me touche beaucoup parce qu’elle a une histoire particulière. Alors que je faisais des repérages dans un quartier pauvre de Tananarive, plusieurs hommes très baraqués se sont approchés de moi. Je n’étais pas trop rassuré, mais j’ai eu le bon réflexe je crois, en leur proposant aussitôt de les prendre en photo. Ils en ont été ravis, et sont même allés chercher d’autres amis, puis ils se sont déshabillés et ont voulu poser en sous-vêtements, pour montrer leurs muscles… Ils voulaient que je fasse leur « promotion ». Certains rêvent de devenir acteurs, ils m’ont en quelque sorte chargé d’être leur agent en France… Je dois d’ailleurs retourner les voir pour leur donner des tirages et les remercier. Au final, cette photo est celle qui a le plus de succès. Elle va être exposée en novembre à Madagascar, dans un format de deux mètres sur trois.
Dans votre parcours de photographe autodidacte, avez-vous été inspiré par certains photographes ?
Disons que je n’ai pas de photographes qui m’inspirent spécialement. Je me nourris de toute image autour de moi.
Quels sont vos projets ?
En novembre prochain, je participerai à une exposition collective à Tananarive, organisée par l’artiste visuel Joël Andrianomearisoa3. D’autre part, je suis en contact avec une poétesse malgache ; elle aimerait que j’illustre ses poèmes avec mes photos, et inversement. Nous souhaiterions ensuite publier ce travail commun, mais il n’est pas toujours facile de trouver un éditeur. Et puis, bien sûr, un des moments forts dans les mois qui viennent sera les Rencontres photographiques de Bamako pour lesquelles je suis ravi d’avoir été sélectionné.
Comment voyez-vous votre avenir professionnel ?
Je m’intéresse à beaucoup de choses. Mon domaine de créativité est très vaste, mais je suis aussi passionné par mon métier d’architecte. J’envisage de m’orienter plutôt vers la communication visuelle, qui regroupe tout ce qui concerne l’image, de l’architecture à la conception de sites web, en passant par la création de logos, d’animations virtuelles, etc. Nous avons d’ailleurs le projet de créer une agence avec d’anciens collègues de l’Ecole d’Architecture.
Pensez-vous aujourd’hui pouvoir vivre de votre travail de photographe ?
C’est très difficile. Le marché de la photo est saturé en ce moment, et il vaut mieux avoir une autre activité en parallèle. Bien sûr si je pouvais, je ne vivrais que de mon art, mais je suis réaliste, à mon avis ce n’est pas pour demain…

1. L’Exposition « Vis-à-vie » a été présentée du 3 février au 2 mars 2007 au Ventre de l’Architecte – 4 rue Burnouf – 75019 Paris
2. http://www.soavina.com/
3. http://www.joelandrianomearisoa.com/
///Article N° : 5951

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Les images de l'article
Un seul arbre ne peut pas être une forêt © Soavina Ramaroson
Les rugbymens © Soavina Ramaroson
Le passé ne revient plus © Soavina Ramaroson
Le fil à linge © Soavina Ramaroson
Maisons voisines © Soavina Ramaroson





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