Inventaire d’une mélancolie

D'après Patrick Chamoiseau

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Personnages cherchent théâtre désespérément
L’un est noir, il est la mémoire, il enregistre paroles et musiques sur ses machines, il est le conteur, le griot, celui qui garde la maison, qui conserve le savoir, qui sert les mots dans les livres, qui thésaurise la pensée, qui emplit les malles qui hantent le plateau ; l’autre est blanc, il est de passage, il est la fulgurance, la satisfaction immédiate, la vie au jour le jour, la vie sans conscience.
Evariste et Rico : le couple est complémentaire, mais reste un artifice et on a peine à entrer dans le didactisme du texte de Chamoiseau. Adapter à la scène un essai théorique comme Ecrire en pays dominé reste une gageure dont la nécessité théâtrale reste à démontrer. Or, ni le travail dramaturgique, ni la mise en scène ne sont parvenus à construire une vraie relation entre les personnages.
Le Noir est un conteur  » savant « ,  » donneur de leçon « , le Blanc est un paumé, voleur à la tire en cavale, mais que se passe-t-il entre ces deux personnages ? Quelle est l’urgence qui les fait se rencontrer et rester ensemble le temps d’une nuit ? L’échange reste creux, le conteur passe pour un radoteur trop sensible et le voleur à la tire a l’indifférence d’un opportuniste. Et le décor, cette scène de théâtre où ils se rencontrent ne suffit pas à leur conférer une présence dramatique ; la théâtralité ne naît pas magiquement de la mise en abyme.
Loin de s’incarner, loin de prendre corps dans la chair des acteurs, la pensée reste à fleur du plateau et finit par passer au dessus des spectateurs. Les acteurs ont beau s’évertuer à convoquer sur scène les obsessions de leur personnage, leur conviction ne passe pas la rampe. Et l’on craint finalement que la désinvolture de Rico qui n’a que faire d’écouter les radotages d’un pauvre fou et ne joue les élèves que pour lui faire plaisir ne renvoie à celle du public bien peu atteint par la grandiloquence d’un discours dont la hauteur de vue et la pertinence intellectuelle sclérosent la vitalité même du spectacle.

Mise en scène et scénographie : Alain Timar
Adaptation et dramaturgie : Danielle Paume
Lumières : Nicolas Chevalier
avec Gilbert Laumord et Aristide Legrand///Article N° : 455

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