D’Chimbo, la dernière surprise de l’amour

D'Elie Stephenson

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Marivaudage au piment de Cayenne
Curieuse histoire que cette histoire de D’chimbo, racontée par le dramaturge guyanais Elie Stephenson et mise en scène par Odile Pédro Léal. Elle révèle une société guyanaise enfoncée dans les préjugés raciaux projetant sur l’Africain toutes les frayeurs, toutes les tares, tous les crimes, toutes les perversions. D’chimbo, vole, viole, assassine femmes et enfants, perd au jeu, s’enivre… C’est une bête de sexe, jamais rassasié, un gorille brutal qui enlève la belle Eléna pour assouvir ses instincts lubriques. Avec La dernière surprise de l’amour, on est bien loin des surprises amoureuses du marivaudage !
Toute jeune metteur en scène, Odile Pédro Léal qui l’an dernier avait monté La Chanson de Philibert non sans un certain idéalisme fleur-bleue a cette fois abordé cette histoire violente comme une aventure sordide dans la touffeur de l’Amazonie lointaine : placers pourris aux travailleurs crasseux et couverts de sueur, bar à putes où coule à flot un taffia brûlant, carnaval chatoyant où se cache la mort derrière un domino…
Jouant sur la problématisation de l’être et du paraître en exploitant toutes les possibilités du travestissement et du carnaval, Odile Pedro Léal a tenté de souligner les paradoxes d’un peuple psychosé qui n’est pas parvenu à accepter son africanité, tant l’aliénation imposée par l’esclavage a laissé des marques profondes. Un peuple en éternelle représentation jouant à être ce qu’il n’est pas et inventant une espèce de Godzila cristallisant toute cette bestialité qui servait à justifier l’esclavage, un monstre qu’il faut tuer pour se rapprocher des maîtres et anéantir ses origines prétendues avilissantes. Si les personnages se cachent derrière des masques, c’est qu’ils ont la honte à fleur de peau. Il leur faut la tête de D’chimbo car son corps de travail leur rappelle une beauté à laquelle ils ont renoncé.
Malheureusement, la pièce d’Elie Stephenson n’est pas à la hauteur de son sujet. L’efficacité et l’intelligence de la mise en scène, le jeu puissant des comédiens ne parviennent pas à sauver le texte. Les personnages restent caricaturaux et les situations invraisemblables. D’chimbo n’a aucune complexité : brutal, rustre, affamé de sexe… On n’a d’autre alternative que de croire qu’il est effectivement coupable de tous les crimes dont on l’accuse. L’échange qu’il a avec Elena, dont il n’abuse pas et qui se donne à lui de son propre gré, ne débouche pas sur une rencontre et une quelconque évolution du regard porté sur l’Africain. Elle a fait l’amour avec lui, mais au matin elle le livre à la vindicte populaire, comme Dalila livre Samson à ses ennemis.
Seulement D’chimbo, lui, avait-il un secret ?

Guyane Art Théâtre
Mise en scène : Odile Pedro Léal
Adaptation : Aude Thérèse
Décors : Jochen Dürr
Lumières : Carlos Perez
Costumes : Eric Plaza-Cochet
avec Christine Sirtaine, Nathalie Constant-Landrey, Eriq Ebouaney, Jean-Marc Lucret, Ricky Tribord, Eric Plaza-Cochet. ///Article N° : 446

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