Par-delà les rivières (Bin el’widyène)

De Khaled w. Barsaoui

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Comment réaliser une fable sur le pouvoir à destination d’un grand public ? Khaled Barsaoui utilise ici toutes les ficelles possibles : décors bourgeois, musique enveloppante, trio amoureux permettant jalousie et quiproquos, course-poursuite et suspense. Ses références sont comme son héros celles de l’engagement ciné-club : Truffaut sur une affiche, « Andreï Roublev » de Tarkovski à la télé et surtout la reprise en copier-coller de la fameuse scène de « La Mort aux trousses » d’Hitchcock où Carry Grant est poursuivi par un avion épandeur de pesticides. Aïcha et Mehdi s’aiment depuis l’enfance mais celui-ci a dû s’exiler après les événements du milieu des années 70. Promise par sa famille à Ikbal, Aïcha refuse le mariage en pleine cérémonie pour s’échapper dans les bras de Mehdi. Le méchant mais amoureux Ikbal, ancien pilote d’hélicoptère qui a réussi dans les affaires douteuses, les poursuit avec ses sbires puis seul en hélico, implorant régulièrement un impossible pardon (« Je t’aime comme je veux », dit Aïcha – « Non, tu dois m’aimer comme je le veux moi », répond Ikbal).
Ce n’est pourtant pas un film de genre qu’annonce le générique où une belle musique jazzy suit l’alternance de tunnels des rails d’un train. Le film ne joue le genre que pour mieux y échapper par sa construction spiralique en flash-back, occasion de revenir sur les espoirs déçus de la génération de l’indépendance et sur l’envie d’un retour aux origines. Nos deux héros y parviendront et pourront à nouveau aller se purifier à la rivière comme à la fin d’Andreï Roublev » et s’asperger joyeusement comme dans leur enfance.
Ce qui manque outre une mise en scène moins convenue et le peu de métaphores serait une véritable mise en crise des personnages, notamment d’Aïcha qui porte en elle les riches ambiguïtés d’une affection partagée. Elle peine à être l’icône d’une société à la fois aveugle et timorée qui s’enfonce dans le conservatisme et le compromis. Ramenée à la figuration, elle n’est plus que l’héroïne glamour d’un film qui se voulait porté par de belles ambitions.

///Article N° : 4444

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