Récit de voyage

Pascal Bekolo Bekolo, Le Livre du monde: voyage en chine, Yaoundé, Edi'Action, 2001, 159 pages

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Parti en chine pour une mission politique, Pascal Bekolo Bekolo revient au bercail…avec un livre, le livre du monde ! Il a fallu tout le génie de Pabe Mongo (c’est son nom d écrivain) pour tirer de son contact avec le sol chinois, un livre aussi percutant. Livre souvenir ? La densité et l’approche vont au delà, surtout que l’auteur a abordé la Chine, non en touriste, mais en philosophe, armé de la volonté d' »essayer de comprendre le miracle chinois », et « découvrir à travers l’expérience de la Chine comment un peuple du 1/3 monde (classement maudit) peut s’y prendre pour gravir l’échelle du développement ». Exaltant projet pour le 1/3 monde, par les temps qui courent.
Pascal Bekolo Bekolo identifie d’abord ce que nous pouvons appeler les « plates formes » du développement chinois, initiées par Deng Xiao Ping, à savoir les reformes idéologiques (au sens de valeur morale et scientifique), économique et la volonté du peuple. La symbolique des « deux mains fortes », si chère à Deng Xiao Ping, résume ces reformes, l’une étant le développement économique et l’autre l’édification spirituelle ; spirituelle au sens chinois signifiant « science, technique, culture et idéologie »
Sur ces bases donc, nous affirme l’auteur, la Chine a échafaudé son décollage fort de l’appoint des adjuvants savamment dosés et entretenus : « l’information, qui est placée au dessus de tout ».Non pas l’information dans la connotation événementielle du terme, mais l’information économique et spirituelle qui au bout du compte, est synonyme de formation de l’homme .Car ici, rien ne se fait en dehors de l’idéologie, du spirituel, que l’on soit à un bout ou à l’autre de la Chine. Donc malgré le gigantisme territorial de ce « pays continent »,tout et tous fusionnent, la structure tentaculaire et solide de l’armature politique de ce pays « communiste » aidant. Et pour atteindre le milliard deux cent millions et poussière de chinois, l’arsenal communicationnel du Parti Communiste ne laisse pas indifférent. Plus de 1000 stations TV, plus de 2000 journaux, 8000 revues et périodiques, une trentaine d’usines de cinéma et plus de 700 maisons d’édition… !
Pascal Bekolo Bekolo s’est laissé émouvoir par la complexité et la fascination des réalisations de ce pays où le mystérieux et le merveilleux, conduisent parfois jusqu’l’antichambre du légendaire, notamment cette « Cité interdite » ou Palais ayant abrité les 9999 concubines des Empereurs de Chine, avec ses salles de l’harmonie suprême, centrale … le palais de la pureté céleste, de la tranquillité terrestre etc. On découvre aussi une Chine ancrée dans le religieux car « en Chine il y a Bouddha un pour tout », l’émouvant temple bouddhiste de Yonginshe l’attestant : outre les principaux et grands Bouddha, le Bouddha du passé, du présent de l’avenir, de la fécondité…
Au delà de l’aspect fabuleux et pieux de ce pays, la Chine a été l’objet de clichés que l’auteur démonte : contrairement aux pensées ancrées dans notre imaginaire, les chinois ne sont pas tous des maîtres du Kung Fu et, les riz est loin d’être la première nourriture en Chine ; de même , l’auteur vide le cliché  » du casse tête chinois » de sa substance, en affirmant : « la Chine n’est pas un pays des chinoiseries et de casse tête. Ce qui frappe à tous les niveaux en Chine, c’est la rationalité de l’organisation…le lien entre la pensée et l’action ».Et c’est cet action qui va révolutionner et réveiller le colosse chinois, ce peuple bâtisseur de la « Grande Muraille », et la faire gravir les marches.
A son état actuel, les acquis de la Chine ne se comptent plus. L’auteur évoque le domaine industriel où les voitures sortent des usines chinoises ; la technologie de pointe, dont le reflet apparaît dans ce « musée des hautes technologies…où l’on donne l’occasion au visiteur de manipuler les appareils interactifs, éprouver la pesanteur…s’entretenir avec le robot parlant, palper et actionner les commandes des fusées et des satellites… » ; les infrastructures tutoyant celles de l’occident ; une percée agricole aux enjambées tellement grandes qu' »en 1999, le gouvernement décide de baisser la production pour ne pas provoquer la baisse des prix au niveau des paysans ».
Après donc son périple de contemplation, de méditation et de réflexion(en 21 jours)dans les Provinces de l’Anhui réputée comme étant « la Chine en miniature », celle de Sangdong à l’Est et à « Beijing la belle » , Pascal Bekolo Bekolo décèle comme secrets de la Chine en matière de développement les cinq principes suivants : l’autonomie (rendue possible par le faible taux d’endettement), l’amour du pays, l’impératif des programmes, la discipline et l’enrichissement (au sens noble du terme).Les autres secrets que l’auteur présente, certes en filigrane, sont l’enracinement de ce peuple dans sa culture et l’humilité, cette qualité presque consubstantielle à l’âme chinoise.
Sur 159 pages, Pascal Bekolo Bekolo a écrit son Livre du monde avec un entregent qui ne laisse pas indifférent, et un sens de l’humour élevé .Un livre entraînant où le don du poète se dessine par endroits, à l’instar de cette phrase, mieux ce vers illuminé au sujet d’une vielle maman, heureuse d’être délivrée de la misère par l’Etat chinois. Bekolo écrit. « Elle était radieuse de bonheur. Les rides étaient les rayons de soleil sur son visage ». La relation de ce livre avec la poésie ne se limite pas là, car comment ignorer le « mystérieux » Komidor ce ministre conseiller à l’ambassade du Cameroun, dont le poème intitulé China Africa « ouvre » le livre ?
Ce livre du monde de Pascal Bekolo Bekolo de part sa densité et ses merveilles, devrait devenir « le livre du tiers-monde », autrement dit notre livre de chevet, si nous voulons un jour sortir au jour, et caresser le soleil du Développement.

///Article N° : 4227

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