du Climat de peur de Wole Soyinka à Rue Félix-Faure de Ken Bugul

Phase critique 10
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Presque uniformément la peur sortait d’une chaîne de fabrication d’État…
Wole Soyinka
Cette énergie, c’était ce qu’il fallait pour que l’être humain survive à la vie.
Ken Bugul

Les écrivains sont des météorologues. D’ailleurs, dans la poésie anglaise, on emploie le terme de  » poète météorologue  » (souvent traduit en français par  » poète métaphysicien « ) pour les désigner. En Grande-Bretagne, on pense que leurs humeurs sont une forme de réponse à l’éclat des nuages, à l’atmosphère et au temps qu’il fait. Les hasards de l’actualité éditoriale ont mis sous mes yeux un essai de Wole Soyinka en même temps que le dernier roman de Ken Bugul. D’un côté cinq séries de conférences données au Royal Institute of Science de Londres en mars 2004 (1). De l’autre, un roman dont le titre se réfère à un nom célèbre – pour le moins – en France.
En passant de l’un à l’autre, le lien m’est apparu d’emblée : la peur (ou son absence, qui, elle aussi, fait peur). Avec une finesse inégalable, le Nobel de littérature 1986 rend compte du climat de peur auquel nous faisons face depuis les indépendances africaines (1960) jusqu’à ce jour de septembre 1989 où un attentat fera exploser au-dessus du désert du Ténéré (Niger) le DC10 d’UTA et ses 179 passagers. Entre-temps, les islamistes feront une percée décisive en Algérie, les Talibans prendront le pouvoir en Afghanistan sans émouvoir outre mesure l’Occident. Du moins, jusqu’au 11 septembre 2001 et la tragédie new-yorkaise. Le grand dramaturge nigérian montre que nos vies ne sont désormais plus que le lieu – jusqu’au plus intime en nous – où la violence gouverne. C’est là que le rejoint, de façon inattendue, la romancière sénégalaise. Au cœur de Rue Félix-Faure, au cœur de sa phrase si singulière, nous ne rencontrons ni bruit, ni même âme qui vive, mais l’absence, une manière de solitude d’autant plus marquante que la phrase s’ouvre et se clôt sur elle-même, scandant le vide, la prière et l’oracle comme si, pour l’écrivain, le temps était enfin venu de faire œuvre individuelle. Ou, du moins, une œuvre où l’auteur dit  » je  » afin d’aller au terme de l’aventure qu’impose l’écriture.
1. Wole Soyinka
Il a fait de la prison sous différents régimes autoritaires. Il a connu divers exils. Il est l’un des rares écrivains qui sache allier les nécessités de la militance avec la nécessité d’écrire la fiction, le théâtre, la théorie littéraire et l’essai politique. Il connaît de l’intérieur les serviteurs brutaux de nos États, lui qui n’a pas réussi à renier ses amours gauchistes de la période pré-indépendance et les désillusions des indépendances.
À 71 ans, il affiche une belle santé intellectuelle. La raison de celle-ci est à rechercher dans le fait que jamais aucune idéologie n’a pu subordonner son humanisme. Ni la fureur des idées, ni la solidarité des dominés, ni mai 68, ni son attachement à ce que fut le FLN pour nos luttes de libération, ni les islamistes algériens, ni Bokassa, ni les Talibans, ni Idi Amin Dada, ni Robert Mugabe, ni le général Sani Abacha, ni Mao, ni Marx, ni Trotski, ni Krishna, ni Mahomet, ni Bouddha, ni Castro, ni Christ, ni Guevara, ni le plaisir, ni le malheur, ni le vin (le Nobel désargenté qu’il est va acheter à moindre coût le vin que bradent les Américains en représailles à la France), ni la faim, ni le bonheur ne le distraient de son amour pour l’homme. En un mot, nul plus que lui ne saurait décrire ce qu’est Le climat de peur actuel. Remarquons en passant que son statut de leader d’opinion s’y prête admirablement. Ainsi se dresse l’intellectuel africain qui, depuis longtemps, fait défaut à l’espace français. Que l’on songe à ladite  » affaire Dieudonné  » et à l’appel signé par Finkelkraut, Kouchner et Julliard relatif à un prétendu  » racisme anti-Blancs  » des Noirs de banlieues parisiennes, tous ces incidents qui nous ont troublés sans trouver de notable clarification dans les médias…
Au sein d’un État, le pouvoir de faire peur revient le plus souvent à des groupuscules plus ou moins contrôlés. Wole Soyinka invente pour les désigner le concept de  » quasi-État  » – fort opératoire au demeurant. Le quasi-État prend quelquefois le visage d’une formation clandestine armée, comme ce fut le cas à ses débuts du FLN sous la colonisation française. Ou bien, dans un État indépendant, il prend corps par le truchement du service des agents secrets, une police politique, une secte millénariste (par exemple, Alice Lukwena, la sorcière d’Ouganda), un cercle de dissidents, les Khmers Rouges, les escadrons de la mort, etc. On atteint à l’horreur dès lors que le quasi-État prend la place de l’État, soit que ce dernier s’est laissé déborder, soit que, mû par le cynisme, il a laissé faire une conjoncture où la liberté et la dignité des citoyens viennent à disparaître du fait du contrôle absolu exercé sur leurs gestes et sur leur conscience. Soyinka montre que  » la même autoroute de l’influence et du contrôle de vies humaines  » est le désir de l’État ou d’un groupe (la Bande à Baader, les Brigades rouges, Action directe…) d’exercer un pouvoir absolu sur les autres. Or, le pouvoir est pure jouissance. Il représente  » la volonté d’assujettir et d’asservir, cet étrange instinct qui persuade certains tempéraments qu’ils ne peuvent se réaliser individuellement ou collectivement qu’en dominant les autres « . C’est d’ailleurs ce qui rend la domination incompréhensible à ceux qui la subissent.
Le général Sani Abacha (Nigeria) veut pendre l’écrivain Ken Saro-Wiwa. Le public dit  » Non, non, non « , mais le Général ne l’entend pas, obnubilé par le plaisir. La suite, nous la connaissons. Soyinka n’est pas avare des exemples du genre. Des  » vigiles sponsorisés  » tuent en Amérique Latine. Des Hutus perpètrent le génocide des Tutsis, tout un climat de terreur nous poursuit jusque dans nos rêves les plus innocents. Soyinka multiplie les cas d’espèce, traverse les continents, interroge sa vie, son quotidien et celui de ses voisins, puis revient sur les faits divers rapportés par les journaux. De Al-Quaida à George Bush en passant par les islamistes du Nigeria (ceux-ci s’acharnent contre une journaliste et contre une femme adultère), la conclusion est toujours la même. D’après le Nobel de littérature,  » quand la droiture remplace le droit dans l’exercice du pouvoir, la voie est ouverte pour un combat permanent fondé sur la primauté du plus vertueux « .
Or, il n’est qu’une vertu défendable en démocratie : assurer la liberté, qui est l’antithèse du contrôle autoritaire aussi bien que l’antithèse de la mort. Un État vertueux finit par tuer tout dynamisme de vie en son sein. 1984 de George Orwell a décrit ce que l’instinct vital devient en ce cas-là et, sous nos yeux, l’Ayatollah Khomeyni, les Talibans et les islamistes Soudanais nous ont montré ce que deviennent les nations sous la dictature de la vertu. Soyinka montre que l’occupation israélienne, à l’image des régimes totalitaires, aboutit à enlever aux Palestiniens toute estime de soi. Ce qui renforce leur haine ou, comme dans la banlieue de Belfast, conduit un adolescent au suicide.
Avec l’explosion du DC10 d’UTA en septembre 1989, les gouvernants africains avaient joué la sérénité, terrorisés qu’ils étaient d’accuser la Libye. C’est l’attentat de Lockerbie qui, survenu quelques mois plus tôt, va faire réagir les États-Unis, de même que c’est la résolution de ce contentieux en 2004 qui va permettre aux parents des victimes du DC10 d’obtenir des promesses d’indemnisation, même si celles-ci ne sont qu’un codicille au bas du parchemin signé entre les Anglais et les Libyens. Pendant ce temps, le colonel Kadhafi continue de terrifier l’Afrique au sein de l’UA. La peinture que fait Soyinka des monarques africains n’est pas flatteuse. En un sens, c’est la philosophie du consensus à tout prix qui, chez nous, prête le flanc à la lâcheté. Il n’y a pas de chef africain digne de ce nom. Le présent essai nous dépeint comme un continent sans autorité, sans gloire. On en ressort meurtri, tant il suffit que le Léviathan libyen dise, comme Basaïev, le massacreur des écoliers de Beslan :  » J’ai raison ; tu es mort ! « , pour que nos dirigeants préfèrent l’esclavage à la dignité.
2. Ken Bugul
À l’heure où nombre de nos États se laissent broyer, il se trouve des individus pour relever la tête. C’est le cas de Soyinka ; c’est aussi le cas de Ken Bugul. Le dramaturge nigérian et la romancière sénégalaise, sans s’être concertés, accusent le lieu de notre défaite : nous-mêmes. Ce  » nous-mêmes « , puisqu’il s’agit des écrivains, souligne le cœur de la phrase. Celle de Ken Bugul a un nom : Rue Félix-Faure, voilà qui est blasphématoire ! Depuis l’épectase du Président français, un lupanar, même chic, même républicain, ne saurait être un lieu de vie, fut-il révolutionnaire. Pour l’instant, contentons-nous d’énumérer les choses et les gens qu’on y rencontre : un salon de coiffure ( » Chez Tonio « ), deux gros policiers, un philosophe (et des apprentis philosophes), des Cap-Verdiens, des femmes silencieuses et dominées par de nombreux moquadems (des maîtres-à-penser, des gourous) et, comble de l’ironie, un muezzin ! Car  » la rue Félix-Faure est la rue de Dieu « . Le récit peut alors commencer. On y entend la rengaine du Cahier d’un retour au pays natal qui, plus de soixante ans après sa première publication dans la revue Volontés (1939), continue de nous arracher des larmes :  » Au bout de ce petit matin… « . La version de Ken Bugul est :  » C’était un matin calme, d’un calme si doux, comme d’habitude, rue Félix-Faure. Cette douceur du matin, la rue Félix-Faure seule en avait le secret « . On l’aura compris, il s’agit d’un conte. À peine énonce-t-on ce jugement que deux questions surgissent. D’abord : quel conte pour quel lecteur ? Ensuite : quel conteur pour quel conte ?
Dans la mise en place du roman, Ken Bugul embraie avec le jeu. Et le joueur, comme nous le savons, est le plus sérieux des hommes (la joueuse est aussi la plus sérieuse des femmes). S’il y a jeu, disons que celui-ci n’est jamais gratuit. Ken Bugul parvient à nous tenir à distance du rire, mais ce dernier essaime. En fait, nous rions à l’intérieur. Car le jeu est sous sa plume l’auréole des idées. Et l’on se demande : à qui la romancière ferait-elle croire qu’une rue africaine – de surcroît nommée rue Félix-Faure – peut être calme, même le matin ? Non, la Sénégalaise se moque de nous.  » Nulle autre part, finit-elle par nous le concéder, dans cette ville, pourtant si belle, presque entourée par l’océan, il n’y avait de tels matins !  » Ouf, on respire. Et chapeau l’artiste, pour le  » presque  » de la presqu’île. La citation continue en ces termes :
 » Les matins de la rue Félix-Faure étaient réputés pour leur douceur. C’était si agréable d’être dans cette rue, le matin ! Les matins de la rue Félix-Faure donnaient envie de se réveiller très tôt et de s’y trouver. Les matins de la rue Félix-Faure donnaient envie de passer la nuit rue Félix-Faure. Ceux qui se trouvaient le matin dans la rue Félix-Faure avaient le visage serein, l’allure majestueuse. Les habitants se levaient tôt. Même ceux qui avaient à peine dormi ! Même ceux qui n’avaient pas dormi du tout ! Même ceux qui dormaient se levaient, se recouchaient ensuite, sans se rendormir parfois, après avoir fait un tour dans la rue Félix-Faure !  »
Avec tous ces va-et-vient, rien n’y fait : le silence est miraculeusement sauvegardé. Comment est-ce possible ? La phrase de Rue Félix-Faure -ainsi que le chant qui s’en dégage – est en quête d’espace. Elle le crée, le silence l’inonde et, résultat, il nous faut de gens pour le peupler. Au cœur de la phrase de Ken Bugul il y a le vide, un vide  » central « , et qui manque quelque peu d’air. Poussons encore plus loin le paradoxe. Au cœur de l’Afrique, il y a la mort. Pire, quelque chose comme un asile psychiatrique. Un univers glaçant. Écoutons Ken Bugul :
 » C’était l’espérance doublée de patience qu’il fallait pour que les instincts suicidaires, les penchants au stress, les faiblesses pour les angoisses, la disponibilité pour les déceptions soient récupérées et transformées en une énergie existentielle. Cette énergie, c’était ce qu’il fallait pour que l’être humain survive à la vie. En réalité, disait le Philosophe de la rue Félix-Faure, nous tous, même ceux qui ne voulaient pas le reconnaître, nous avions envie de crever, plutôt que de vivre certaines vies. Nous ne les vivions même pas, ces vies-là. Ce n’étaient pas de vies, c’étaient des déchets de vie, des résidus de vie, des vies bâtardes, bradées, mises au tapin. Des espèces de vies qui se masturbaient devant la vie, des espèces de vies qui nous soutiraient des raisonnements, des explications, des justifications, des questionnements sans fin « .
Rebaptisons rue Félix-Faure par rue Fuck-Froc. On comprend alors pourquoi un philosophe s’y est établi. En tant que partie intégrante de la machine narrative, sa présence (et celle des apprentis philosophes) rend possible une histoire où se déploie la dénonciation. Ainsi, dans l’espace vide de la phrase, c’est l’attente qui est suscitée. Et, comme toute attente vraie, celle-ci a quelque chose de mystique. Mais à peine. Elle n’est en fait que le lieu où  » la petite fille Espérance  » (Charles Péguy) s’efforce d’y imprimer de l’être. Oui, Ken Bugul ne nous épargne même pas le grand mot des philosophes ! Elle raconte en chantant, chante en racontant sans pouvoir conjurer l’absence – mais, bellement, elle en conjure le péril. Sa phrase, en effet, donne à entendre une solitude où sans cesse vient ricocher un isolement ambigu : à la fois quête et témoignage d’un état dont il est le récit. Jamais une voix ne s’est montrée à ce point solitaire au cœur de la foule.
Il y a de quoi. Dans la paisible rue Félix-Faure, un matin, on découvre le corps en morceaux d’un lépreux, sur lequel a été pratiqué des mutilations sexuelles. La découverte ne s’apparente pas seulement à un meurtre rituel ; elle représente aussi l’état d’une dissection faite dans les règles du crime ou, plutôt, de la performance criminelle considérée comme un des beaux-arts. Le Narrateur ne laisse pas planer le doute à ce sujet : le crime a été commis rue Félix-Faure par des gens qui n’y habitent pas. Mais aux gens qui y vivent, de beaux Cap-Verdiens, Ken Bugul ne cache pas sa tendresse. Pour l’heure, il y a ce crime monstrueux. Deux gros policiers entrent en action. Ils sont réduits à veiller le cadavre (en morceaux), un cadavre éclairé par quatre lampes-tempête. D’ailleurs, celui-ci – du moins ses yeux inquisiteurs, des yeux qui rient – mène l’enquête. Les yeux du macchabée sont vivants. Ils ont gardé au fond de leur rétine (la rétine, une manière de rétention ? Il fallait y penser !), ils ont imprimé l’image du criminel. On comprend alors pourquoi les apprentis philosophes se permettent d’accuser les policiers.
Ken Bugul a écrit un roman  » tordu « , qui n’est ni un polar ni un pamphlet. C’est un roman qui pense, mais qui pense  » tordu « , abordant le réel à rebrousse-poil, avec une liberté dont l’expression effraie tant celle-ci ne respecte ni les croyances, ni les gourous, ni les institutions. Le lecteur est comme poussé au bord du fou rire, mais, au moment d’y céder, une sorte de mélancolie (ou de gravité) le saisit. On peut rire de tout sauf de la vie – la vie qui souffre. Et pourtant… La romancière se livre au sacrilège sans retenue. On ne saurait dire cependant si un tel geste lui procure du plaisir. Une certaine ambiguïté fait que son roman n’est pas le roman de Saint-Louis-du-Sénégal, ni celui d’une Sénégalaise. Rue Félix-Faure se situe au cœur d’une modernité où le terrorisme, Ben-Laden, les contrôles au faciès, l’invasion des sectes et la manipulation des consciences sont la règle. Roman du Tout-Monde, sans que son auteur ait quelque tribut à payer à Édouard Glissant. Ken Bugul creuse son sillon, indifférent aux modes. C’est décapant.
Pour un auteur issu d’une culture musulmane, l’on est surpris de constater que ce n’est pas l’esprit du Coran qui plane sur sa phrase, ni les sourates, ni l’ombre du Prophète. Autant la phrase rythmique de Charles Péguy paraît décrire les nouvelles aventures de l’Évangile dans le monde contemporain, autant celle de Ken Bugul réinvente une mélopée digne d’un nouveau Coran et d’une nouvelle syncope française. Le Coran de l’homme, le Coran d’une vérité faite femme.
Savoir chanter, c’est devoir réenchanter le monde. Telle est la leçon que dispense la phrase de Ken Bugul. Celle-ci s’ouvre et se ferme sur elle-même en une manière de rhapsodie, de mouvement immobile dans ses ressassements, de restauration austère du souffle. Le chant, on l’aura oublié, réunit. C’est un acte de communion, c’est la religion suprême. Ken Bugul ou le nouveau soufisme ? Il se peut bien. Elle-même le note :  » Dieu est l’immanence dans le dérèglement.  » D’ailleurs, les phrases de Rue Félix-Faure mènent l’enquête dans un semblable désordre, mais un désordre splendide. Assurément, aucune révolution littéraire ne s’inaugure sans un soupçon de blasphème.

1. Les attentats du 11 mars 2004 à Madrid surviennent pour ainsi dire le lendemain de la première conférence, comme un rappel funeste du climat de terreur dans lequel nous vivons désormais.Wole Soyinka, Climat de peur, essai traduit de l’anglais (Nigeria) par Étienne Galle, Actes Sud, 2005, 148 pages, 17 €.
Sort en même temps que l’essai, Baabou roi, pièce de théâtre traduite par Christiane Fioupou, Actes Sud-Papiers, 2005, 108 pages, 16,50 €.
Ken Bugul, Rue Félix-Faure, roman, éditions Hoëbeke, coll.  » Étonnants voyageurs « , 2005, 274 pages.///Article N° : 3844

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Ken Bugul © D.R.





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