Rencontre professionnelle « Scénarios du Sud » (AIF et CNC)

Mercredi 19 mai, festival de Cannes
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Bilan de l’action menée depuis 8 ans et débat-perspectives sur la question du développement du scénario, souvent identifiée comme une faiblesse des films du Sud.

David Kessler, directeur du CNC : Cannes est avant tout un lieu de débat et c’est essentiel qu’il ait pu avoir lieu. Nous avons besoin d’aller vers une coopération plus grande vers les partenaires du Sud. Le CNC a pris l’initiative de réunir quelques pays pour étudier les mécanismes existants afin de les améliorer. L’aide à l’écriture et au développement demande que l’on conjugue ses efforts.
Xavier Merlin, directeur des affaires européennes et internationales au CNC : nous nous sommes rendus compte que les mécanismes d’aide étaient méconnus. Nous voulons aussi rendre plus cohérents ces mécanismes et plus transparentes les conditions d’accès.
Jean-Claude Crépeau, directeur du cinéma et des médias à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie : il est important d’écouter bénéficiaires et responsables des ateliers d’écriture et aides.
Dora Bouchoucha (Sud Ecritures) : début en 1996. Dès 1992 aux JCC de Carthage, il apparaissait que le scénario était le parent pauvre de nos cinématographies. Appui du CNC et de l’AIF : dès 1997, deux ateliers par an. Le 10ème atelier démarrera le 30 juin 2004. Nous essayons de sélectionner les scénarios porteurs de nouveauté, susceptibles de gagner l’intérêt des producteurs et des spectateurs car ils développent des perspectives universelles.
Les séquelles de la guerre civile sur les jeunes générations sont la base de la plupart des scénarios libanais. Le sida, les enfants des rues sont souvent le sujet de base de scénarios venant d’Afrique noire. Les histoires sont un reflet de la réalité de leur pays mais ne suscitent pas souvent un grand intérêt dans les commissions d’aide.
Une quinzaine de films ont déjà été tournés et une quinzaine d’autres sont à chercher à boucler leur financement. Nous croyons beaucoup au brassage maghrébin, africain et moyen-oriental.
Charles Mensah, directeur général du Centre du cinéma au Gabon : un atelier Sud-Ecritures a été organisé au Gabon. J’avais vu le travail réalisé avec Imunga Ivanga qui avait participé à un atelier sur « L’Ombre de Liberty ». Opération tout à fait positive. Les deux projets gabonais qui ont été en résidence : celui d’Imunga est en cours de bouclage de financement, quant au deuxième, le travail d’écriture se poursuit il devrait être proposé aux financements très prochainement. L’atelier a permis une structure plus solide.
Jean-Pierre Garcia et Thierry Lenouvel (Fonds d’aide au développement du scénario du festival d’Amiens) : Bassek Ba Kobhio nous avait conseillé de créer une revue et une bourse d’aide au scénario. Au bout de huit années depuis 1996, le bilan est pertinent. Ce fonds est sollicité pour des jumelages dans d’autres pays en Afrique du Sud et en Inde. Les projets sélectionnés sont en cours de développement : traitement ou continuité dialoguée, venant des pays « Fonds Sud ». Le fonds a aidé 28 projets avec 7850 euros (50 000 F). Le jury professionnel est compétent et utile. Un panel de producteurs susceptibles d’être intéressés sont également invités.
Jean-François Bourgeot, directeur du Festival méditerranéen de Montpellier (bourse d’aide au développement) : on est persuadé que la confrontation franco-américaine n’est pas suffisante pour défendre un cinéma différent. Un festival est un lieu de rencontre. C’est Thierry Lenouvel qui l’a créé à Montpellier lorsqu’il faisait partie de l’équipe du festival. On reçoit entre 60 et 70 dossier par an, avec des sujets liés à des problématiques méditerranéennes. Rien que d’être sélectionné est important pour beaucoup d’artistes. Les bourses du CNC ne sont pas énormes mais représentent une reconnaissance à un moment où le projet est encore fragile. Le festival a 25 ans : on est content quand les cinéastes reviennent avec un long métrage. Atef Hetata a eu la bourse en 1994 pour « Les Portes fermées » et a remporté au festival l’Antigone d’or et le prix du public.
Regina Fanta Nacro, réalisatrice burkinabè : j’ai bénéficié du fonds d’Amiens pour « La Nuit de la vérité », ce qui nous a permis avec mon co-scénariste d’écrire une première mouture que nous avons retravaillé à Tunis à l’atelier Sud-Ecritures. La structure avait beaucoup de défauts au départ et cela m’a permis de mieux préciser mes intentions et recentrer le sujet. Un des participants a pu faire un stage de réalisation sur le film.
Hassan Benjelloun, réalisateur marocain : J’ai bénéficié de Sud-Ecritures. Cela m’a permis de recevoir le fonds marocain. Les ateliers Sud-Ecritures sont un investissement total de tous : on y travaille parfois jusqu’à la fin de la nuit. On en sort avec les idées claires et un progrès énorme sur le scénario. Je voudrais demander qu’on ajoute une autre session (la troisième !) pour prolonger les deux sessions existantes : on arrive presque au bout et on a pas le temps de tout faire. On continue à travailler par fax ou mail et à se suivre dans nos projets. Il faudrait par contre une coordination entre les festivals qui aident le développement : ce sont souvent les mêmes scénarios qui passent et qui sont choisis – il faudrait une chance pour tous les scénarios.
Bassek Ba Kobhio, réalisateur et producteur camerounais : J’ai bénéficié du fonds d’Amiens pour « Le Silence de la forêt ». Je devais seulement le produire au départ, et il n’était qu’un projet modeste à tourner en numérique. Le fonds d’Amiens a aidé à gonfler le projet, ce qui a entraîné une co-réalisation. Il nous faut structurer le Sud. Sembène, quand il faisait « Le Mandat », avait discuté avec Malraux qui lui avait donné la somme demandée (40 millions). Cette époque est révolue. Parce que c’est l’Afrique, on mêle tout. Les phases doivent être différenciées. Il faut des structures de détection locales, de présélection locale avant d’arriver à un niveau plus continental. La continuité est essentielle : il faudrait que chaque année dans chaque pays, des moyens permettent de détecter les bons projets. Il faudrait aussi un bilan de l’argent dépensé et des résultats. Un seul encadreur signifie un seul regard. Pour la critique, c’est la même chose. Il faut multiplier les regards.
Hou Quang Minh, réalisateur vietnamien : J’ai bénéficié d’une aide à la réécriture du Fonds Sud alors que j’étais déjà en pré-production, profitant d’une aide vietnamienne. Je pouvais ficeler quelque chose à la vietnamienne mais nous avons décidé de retarder la production pour faire les démarches auprès des guichets de financement. Le cinéma vietnamien est encore assez étatique : les bénéficiaires ont une aide de l’Etat, ce qui signifie des contraintes. J’avais reçu une très belle fiche de lecture qui m’a été très utile sur la suite. Je voulais travailler avec un co-scénariste du Nord. L’aide est réelle mais n’est pas assez conséquente vu les problèmes de logistique pour travailler avec le Nord, si bien que j’ai retravaillé avec mon co-scénariste vietnamien. Pour les pays qui ont une expérience réduite du Fonds Sud, un suivi serait essentiel.
Danielle Arbid, réalisatrice libanaise : Cela fait 17 ans que j’habite en France et j’ai fait des films en France qui n’ont aucun rapport avec le Liban. J’ai eu la bourse du festival de Montpellier : elle a accéléré un peu l’écriture mais n’a pas bouleversé la production, par contre elle l’a cautionnée. C’était important aussi d’avoir une aide en tant qu’auteur car c’est de ça qu’on vit aussi.
Myriam Martou (directrice du Moulin d’Andé, résidences d’écriture) : Le Moulin d’Andé est en Normandie, sur 10 hectares, un très beau lieu. Depuis 1998, le centre des écritures cinématographiques a ouvert le lieu au cinéma. Deux sélections par an : de 14 à 20 résidents à l’année : deux mois de résidence qui sont fractionnables car nous ne donnons pas de bourse. C’est ouvert aux non-Français aussi. Nous faisons partie des Centres culturels de rencontre du ministère de la Culture (programme Odyssée : une bourse pour les étrangers et deux voyages par an). Le résident a droit à un tuteur et la formule est très souple, ouverte 365 jours par an.
Débat
Nadia Attia, directrice des arts audiovisuels au ministère de la Culture tunisien et directrice des Journées cinématographiques de Carthage : je voudrais me faire le porte-parole de ceux qui dans mon pays n’ont pas la connaissance de toutes ces possibilités. Les subventions tunisiennes sont à fonds perdus et d’un montant conséquent mais ce n’est pas pour ça que le film peut se faire. Il nous faudrait améliorer l’efficacité de toutes ces aides. En Tunisie, nous pouvons mettre toute une logistique à disposition. Problème de donner les bourses aux mêmes. La transparence est importante, pour que chacun ait les mêmes chances.
Souleymane Cissé, réalisateur malien : des bourses sont-elles prévues pour étudier à la Femis ? Il faut que des étudiants fassent des études de cinéma. Il faut que nos enfants apprennent à étudier, sinon les solutions partielles ne résoudront pas les problèmes. Une génération doit pouvoir se battre et être au niveau. Les structures nationales doivent elles aussi être aidées : ce sont elles qui doivent être en mesure de soutenir et former. Nous essayons de créer un réseau de circulation des films et demandons à l’Agence et au CNC de nous soutenir pour cela
Ben Diogaye Beye, réalisateur sénégalais : J’ai bénéficié d’une aide à la réécriture. J’ai suivi les conseils qui étaient très pertinents, mais il faudrait intégrer des écrivains africains dans les ateliers.
Olivier Barlet, Africultures : La qualité des scénarios dépend aussi de la culture cinématographique des auteurs. Cela rejoint la question du soutien à la cinéphilie dans les pays du Sud et donc de l’écriture sur le cinéma, critique et historique. Plus que jamais, des ateliers de confrontation critique organisés avec les journalistes culturels au Sud qui écrivent sur le cinéma sont essentiels pour soutenir une cinématographie que chacun voudrait de qualité.
Ferid Boughedir, réalisateur tunisien : j’ai appris le cinéma en autodidacte, par la cinéphilie, c’est ce qui m’a aidé à avoir une vision universelle. Nombre de cinéastes sont ainsi à se former sur le tas. Il serait essentiel qu’ils puissent voir un grand nombre de films : comment les mettre à leur disposition ?
Jacques Fresci, scénariste, intervenant sur les formations Sud-Ecritures : Il est important lors des ateliers d’entrer dans la nécessité du film. Les grilles scénariques classiques valables pour du cinéma de récit ne sont pas toujours valides pour les films du Sud. On travaille aussi sur le désir de cinéma, pour l’aider à se raffermir. C’est un travail passionnant : on entre dans la chair des scènes, dans les mots du dialogue. Cela m’a beaucoup apporté d’écouter les gens du Sud. Bien sûr, on manque toujours de temps : une troisième session serait bien, si les moyens le permettaient.
Conclusion de Jean-Michel Crépeau : Nous allons réfléchir à des procédures répondant aux besoins exprimés.

///Article N° : 3420

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Les images de l'article
La salle au 4ème étage du Palais des festivals © OB





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