Deux librairies à Ann Arbor (Michigan, USA)

Fenêtre sur l'Amérique 3

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Borders et Shamman Drum sont les principales librairies de la ville d’Ann Arbor. En pénétrant dans ces librairies, on est frappé par l’abondance des parutions. Et puis, il y a toutes ces publicités d’éditeurs, à l’instar des maisons de disques qui lancent un musicien. De quoi rire lorsqu’on entend souvent les milieux littéraires parisiens se plaindre des rentrées littéraires surabondantes.
La librairie ressemble ici à un lieu où l’on peut manger, boire, discuter. Il est cependant interdit de fumer comme dans la plupart des commerces et bâtiments où il y a de l’affluence. De grands fauteuils courent le long des murs afin de permettre à quiconque de lire…même sans acheter. Et les lecteurs, abusant de cette largesse, jettent les livres partout jusque dans les rayons de disques, à l’étage supérieur…
Dans cette marée de livres américains, sans doute par instinct francophone, je cherche quelques auteurs de langue française. J’ai du mal à me retrouver.
Je me renseigne donc à la caisse. On m’indique un coin à peine éclairé.
Je m’y rends. Il y a quelques exemplaires du Monde Diplomatique par terre. Je les ramasse. Ils datent de trois mois. Les libraires le savent-ils ? Je déniche aussi quelques numéros de Jeune Afrique L’Intelligent. C’est rassurant, même si je sais qu’il n’y a pas beaucoup d’Africains au kilomètre carré dans cette ville. Je ne peux contenir mon bonheur de feuilleter ces journaux, de me dire qu’il y a la France, l’Afrique dans un coin…

Me voici donc devant le rayon des livres écrits dans la langue de Molière.
Je suis curieux de voir les titres qui résistent aux livres américains, toujours façonnés avec exagération. Les éditeurs ont compris que le livre et la patate avaient en commun le statut de marchandise. Une marchandise mal achalandée, mal présentée n’intéresserait personne. Par contre une patate bien présentée s’écoulerait plus vite, quitte à ce que l’acheteur aille découvrir chez lui que l’intérieur est pourri. Aussi, il ne viendrait pas à un éditeur américain l’idée de se contenter d’une couverture de livre sobre comme chez Minuit ou Gallimard (la blanche, je veux dire). Malgré l’aspect très mercantile de la démarche, on réalise très vite que les livres, les bons, comme partout ailleurs, finissent par faire leur chemin. L’autre jour j’ai été étonné de voir une des figures de la littérature africaine-américaine, Maya Angela, présenter son livre dans une espèce d’arène. Le tout était retransmis à la télévision et le public était aussi nombreux que si cette arène avait servi pour une combat de tauromachie…
Oui, en effet, il y a quelques livres en français dans ce rayon. Des livres de poche. Je feuillète Genet, Camus, Proust. Tiens, il y a un jeune auteur : Amélie Nothomb. Hygiène de l’Assassin. Je souris, je lis quelques pages. Des dialogues décapant entre un vieil écrivain prêt à mourir et une jeune journaliste tenace et fine. Je referme le livre…
Une grande pancarte annonce la séance de dédicace d’un écrivain américain que je connais pas. Mais la manière avec laquelle les livres sont disposés me fait croire que l’écrivain en question est connu ici. Bon, on verra ça plus tard, on ne peut pas avoir tout lu dans sa vie. On y consacrerait tout le temps…
Pendant que j’erre toujours dans cette librairie, une question me traverse l’esprit : et la littérature africaine d’expression française ? Oui, où est-elle ? Où se cache-t-elle ? Je me lance donc dans des fouilles quasi archéologiques. Je me dis qu’il faut chercher dans les angles morts du magasin. Après tout, même en France la littérature africaine est toujours logée vers l’arrière boutique. Donc pour acheter un livre de cette littérature, il faut au préalable en avoir entendu parlé, connaître l’auteur etc. Pas de chance pour la joie des découvertes.
La littérature africaine d’expression française ? Elle n’existe pas dans ces rayons. Le libraire a même l’honnêteté de me souligner qu’on trouverait facilement ces livres dans la grande bibliothèque de l’université de Michigan…
En sortant, je me rends compte que je n’ai pas jeté un œil sur la vitrine. Là, divine surprise, deux auteurs français se disputent un coin : Michel Houellebecque et Catherine Millet. Plateforme et La Vie sexuelle de Catherine M.
Je traverse la rue avec un sourire en coin…

///Article N° : 3146

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