Nouveaux films

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Dans chaque numéro d’Africultures, le guide succinct des films sortis en France. On trouvera sur africultures.com les critiques complètes des films ainsi que les interviews avec les réalisateurs et acteurs, à consulter dans la base de données des articles.

Bedwin Hacker, de Nadia El Fani (Tunisie)
Le personnage de Kalt offre aux femmes arabes un caractère féminin positif et valorisant, libre et déterminé, sans souci des conditionnements, parfaitement compétent. Nadia El Fani détourne le film d’espionnage pour inverser le rapport Nord-Sud : et si ceux du Sud allaient conquérir d’eux-mêmes leur libre circulation dans le monde… L’utopie de « Bedwin Hacker » est sympathique, sans prétention, bien rythmée, ludique, réjouissante et, avec des femmes comme Kalt, pas si lointaine que ça ! (sortie le 16 juillet)
Nha fala (Ma voix), de Flora Gomes (Guinée Bissau)
On voit « Nha fala » avec le même bonheur qu’une comédie musicale de Jacques Demy : les chants orchestrés par Manu Dibango sont pleins de vie, les danses donnent envie de se dandiner sur son fauteuil, les couleurs sont vives, même le moindre papier-peint servant de décor. Flora Gomes délaisse ainsi le registre rabattu des appels à l’action pour suggérer sur un mode musical parlant au plus grand nombre qu’il faut dépasser la peur. Servi par la remarquable Fatou Ndiaye, un beau film sans prétentions et bourré de joie de vivre dont la sincérité donne envie d’entrer dans la danse. (sortie le 16 juillet)
La Boîte magique, de Ridha Behi (Tunisie)
Une télévision européenne demande à un réalisateur de faire un film sur ses rapports d’enfant avec le cinéma. Les savoureux moments de son enfance se mêlent à coups de flash-back à l’exposition du délabrement d’une vie de couple minée par le fait qu’il se consacre entièrement à son métier. Les scènes de couple n’ont malheureusement pas la même intensité que les scènes de mémoire, particulièrement réussies et décalées, et empêchent d’adhérer totalement à ce qui reste un beau film, touchant et captivant. (sortie le 25 juin)
Siraba, la grande voie, d’Issa Traoré de Brahima (Burkina Faso)
Pour se venger d’un village qu’il croit avoir assassiné son fils instituteur, un gouverneur fait passer la nouvelle route par le bois sacré du village, où se trouve l’arbre aux fétiches… Magie du cinéma : les personnages apparaissent et disparaissent à souhait, jouant à cache-cache avec les autres acteurs. But affiché du film : inciter à prendre en compte les comportements culturels qui font appel au surnaturel, mais fait de bric et de broc et d’un humour douteux se voulant burlesque, le film est atterrant : on voit ce type de cinéma régresser au lieu d’apprendre de ses aînés. (sortie le 11 juin)
Paris selon Moussa, de Cheik Doukouré (Guinée)
La pompe à eau du village étant à bout de souffle, Moussa (incarné par le réalisateur lui-même) est délégué pour en acheter une neuve à Paris. Il se heurtera à tous les déboires de l’immigré : vol, arnaques, contrôles, petits boulots. Mais il vivra aussi la solidarité des immigrés de même provenance, et surtout trouvera sa communauté avec les sans-papiers en grève de la faim. Le film transmet, de façon parfois un peu volontaire, une série de messages bons à écouter et constitue en définitive un net avertissement aux Africains tentés par l’aventure. Un regard africain de l’intérieur qui ne peut laisser indifférent. (sortie le 11 juin)
Si-Gueriki, la reine-mère, de Idrissou Mora-Kpaï (Bénin)
Idrissou Mora-Kpaï est cinéaste. Il retourne au Bénin, au village, chez les Wassangari, à la recherche du souvenir de son père décédé. Pourtant, ce voyage sera l’occasion de découvrir celle qui toujours ne faisait que servir le père : sa mère. Cela l’amène à enquêter sur l’évolution des mœurs, les relations avant le mariage, l’éducation. Les femmes ont de signifiants silences mais aussi la répartie claire. Elles sont aussi conscientes, sinon davantage, que n’importe quelle citadine européenne. Le système qui les entoure diffère et c’est leur condition que ce beau film cerne sans esthétisme. En cadrant ces femmes dans leur environnement, il les respecte et met en valeur leur grande dignité. (sortie le 4 juin, programme Amours et résignation)
Le Mariage d’Alex, de Jean-Marie Teno (Cameroun)
Voici un triste comédie dramatique : un mariage polygame. Coutume et fausses-apparences concourent à faire considérer cette alliance explosive comme une bonne chose. Teno retrouve ici son regard scrutateur et cette juste distance où il s’implique par son commentaire mais sait se faire spectateur et témoin d’un processus qu’il lui est donné de saisir sans qu’il l’ait organisé. Parti d’une simple invitation à filmer le mariage d’un ami, il construit un véritable réquisitoire contre l’hypocrisie et l’inégalité entre hommes et femmes. D’une simple anecdote en pays bamiléké, son film devient ainsi une passionnante et édifiante initiation. (sortie le 4 juin, programme Amours et résignation)
Royal Bonbon, de Charles Najman (France)
A l’aube des commémorations du bicentenaire de la révolution haïtienne de 1804, voici une importante et éclairante réflexion. Exigeante certes, car rien n’est évident ou donné dans ce film difficile, très parlé, sans action immédiate si ce n’est la mémoire d’une histoire complexe et terrible : celle d’un pays qui a précédé tous les autres et qui ne peut se sortir de sa tragique névrose. Opérant en un montage chaotique un va-et-vient entre passé et réalité, entre le rêve de l’émancipation et la cruauté de la dictature, le Roi Chacha, admirablement interprété par Dominique Batraville, met sa démesure au service d’une thérapie collective. Prix Jean Vigo en 2002, un film exigeant, foisonnant, épuisant, captivant ! (sortie le 7 mai)

///Article N° : 3000

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