« Nos créations sont des laboratoires »

Entretien de Sylvie Chalaye avec Irène Tassembedo

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D’origine burkinabé, la belle et plantureuse chorégraphe Irène Tassembedo vit en France depuis plusieurs années où elle mène avec pétulance une recherche artistique originale revisitant la chorégraphie contemporaine en puisant aux sources telluriques de la danse africaine, mais aussi des pouvoirs du théâtre qui influence beaucoup son approche de la danse depuis sa rencontre et ses nombreuses collaborations avec le metteur en scène allemand Matthias Langhoff.
Elle fonde sa compagnie en 1988 et a depuis enchaîné les créations. On lui doit plusieurs spectacles marquants. Après Fusion, puis Diminoïda en 1989, elle participe à la caravane d’Afrique au Sommet de la francophonie de Chaillot en 1991. À Paris en 1992, puis au MASA à Abidjan en 1993, elle crée Yenenga qui remporte un grand succès et fera une tournée internationale : Afrique, Asie, Europe et États-Unis. Suivront Wakatti en mars 1996, présenté en Europe et en Afrique , et Trouble créé à Atlanta en juillet 1996 pour le Festival Olympique des Arts. En 1997, elle présente une nouvelle création, Mousso Kassi, qui fera une tournée en Europe et en Océanie avant de partir en Afrique. Créée à Rennes en 1998, Kobendé avait embrasé le grand théâtre de Limoges en ouverture du 16e Festival des Francophonies, et plus récemment on se souvient du flamboyant Mousso Ka Miriya que l’on a pu voir au TILF au printemps 2002. Souffles, présenté aussi au TILF ce printemps 2003 a été un événement inattendu. Irène Tassembedo a ouvert et fermé le bal de la Suite africaine avec le plus grand brio.

Votre travail chorégraphique est très théâtral.
C’est l’influence de mon  » maître « , Mathias Langhoff avec qui je travaille depuis des années, le théâtre m’aide beaucoup. On pourrait même dire que c’est le théâtre qui m’a ramenée à la danse. Depuis que je collabore avec Matthias, cela a changé ma façon de chorégraphier. Je travaille la danse comme si c’était du théâtre.
Votre approche chorégraphique est aussi étonnante de diversité.
J’accueille des danseurs de tous horizons car mon travail est avant tout ouvert, ouvert à toutes les formes, toutes les musiques. Or mon travail ne part pas de la danse traditionnelle, je conçois plutôt le travail comme une recherche, nos créations sont un peu des laboratoires. Les danseurs qui viennent dans la compagnie le font parce qu’ils s’y retrouvent, parce que ma démarche de recherche correspond à leur attente.
Quelle est la spécificité de l’expression africaine pour une créatrice contemporaine comme vous ?
Je suis une Africaine de la ville, j’ai beaucoup voyagé et je pense sans doute différemment. Il y a des choses que ma mère ne dirait pas, moi je vais les dire. Mais dans le fond, on est pareilles, j’appartiens simplement à une autre génération. Et je suis convaincue qu’il y a des moments où il faut dire les choses pour que ça bouge. D’ailleurs, je ne suis pas celle qui a la plus grande gueule, la création africaine contemporaine est partout aujourd’hui et redouble de dynamisme.
Vous défendez aussi la danse traditionnelle, puisque vous êtes à l’origine de la création du Ballet national du Burkina Faso.
C’est un projet que j’ai porté pendant huit ans. Il y avait partout en Afrique des ballets nationaux, au Sénégal, en Guinée, en Côte d’Ivoire… et rien au Burkina, alors que les expressions artistiques traditionnelles y sont très riches.
Mais vous vous êtes surtout battue pour que les danseurs soient reconnus, qu’ils aient un statut.
Créer un ballet national ne pouvait se faire qu’à la condition que tous les danseurs soient salariés, qu’ils n’aient plus le souci de nourrir leur famille. Ils sont aujourd’hui quarante danseurs et musiciens, tous salariés et j’espère que cela va durer.

///Article N° : 2995

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Les images de l'article
Souffles, d'Irène Tassembendo © DR





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