Lettre ouverte à Marc Ravalomanana

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Le 20 juin 2002, dans le vif des opérations de pacification, l’écrivain Jean-Luc Raharimanana diffuse largement cette lettre ouverte par courrier électronique et en demande publication.

Votre expression  » Le développement rapide  » est dans toutes les bouches. Fahamarinana ! Fahamasinana ! Vous voulez montrer à toute la communauté internationale que votre Gouvernement est légal et légitime, éloigné des pratiques dictatoriales de l’ancien régime. Il prône tantôt la réconciliation nationale, tantôt la réconciliation politique, car la nation était-elle effectivement en conflit, conflit ethnique s’entend ? La tentation est forte en effet de la part de certains d’assimiler les exactions des bras armés Ratsirakistes aux populations locales. Raison de plus alors de jouer la politique de la main tendue :  » vous étiez brebis galeuse, je vous tends la main au nom du Fihavanana afin de réintégrer la maison familiale « . Quelle grandeur d’esprit n’est-ce pas ?
Vous avez pourtant utilisé le terme de Hazalambo ( » chasse au sanglier  » ou  » hallali « , le sanglier étant l’animal impur par excellence dans la société malgache). Terme terrible qui pourrait libérer les instincts de vengeance et de rancune accumulés pendant toutes ces années de frustrations et de misère. On ne peut s’étonner alors de quelques dérapages constatés ici ou là, genre OPK (Opération Karana, pillages des commerces  » indo-pakistanais « ), genre lynchage public. Les partisans de l’ancien AREMA se terrent ainsi, craignant pour leur vie. Méritent-ils vraiment cette terreur ? Etaient-ils tous aux  » barrages  » ? Etaient-ils tous des criminels et des terroristes ? Leurs idées les condamnent-ils à n’être plus que des sous-hommes à chasser et à maltraiter ?  » Les temps sont troubles  » me dit un ami, mais un homme de votre envergure, j’en suis sûr, est capable de dépasser ces parts d’obscurité et de bouillonnement. Vous en avez même le DEVOIR.
Mais comment expliquer ces rumeurs persistantes concernant des arrestations sommaires, des tortures exercées dans les locaux même du DGID ou du ministère de la Défense, comment expliquer que des maisons brûlent sous le regard de vos militaires ? Comment expliquer l’arrogance de vos troupes qui pénètrent dans les villes  » libérées  » ? Comment expliquer qu’une liste de  » racistes  » et de  » traîtres à la Nation  » soit diffusée dans les journaux télévisés ? Que fait-on de la  » présomption d’innocence  » ? Si tant est que des  » racistes  » et des  » traîtres à la Nation  » existent, c’est à la Justice de s’en occuper.
Aussi, je clos cette lettre ouverte pour vous demander de vous pencher sur ce problème, de mettre la lumière sur ces rumeurs afin que le spectre du conflit ethnique s’éloigne et que l’on sorte définitivement des années Ratsiraka…

Auteur de « Nour, 1947 », Editions du Serpent à plumes. 20 juin 2002///Article N° : 2947

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