Hommage à Rakoto Frah

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Rakoto Frah, flûtiste émérite, est mort le 2 octobre dernier des suites d’une infection pulmonaire à Antananarivo. Il devait se produire en novembre à la Cité de la Musique à Paris.

Il était l’un des artistes les plus connus de Madagascar. Sa popularité était telle… que les billets de 1000 ariary (la monnaie locale) portaient son effigie depuis 1959. Un privilège rare dans une contrée du sud où les artistes se plaignent du mépris des institutions étatiques. Philibert Rabezoza Rakoto, de son vrai nom, est né au tout début des années 20. Auteur, compositeur et interprète de plus de 800 chansons, il avait toujours mené une double carrière de front. La première l’a souvent ramené à une fonction sociale et nécessaire dans la vie spirituelle des Malgaches (cérémonies rituelles, de circoncision ou de « retournement des morts » notamment). La seconde l’a fait voyager sur une scène internationale, avec des rencontres parfois inattendues (il a joué avec Kassav et Manu Dibango). Maître incontesté de la sodina (la flûte en bambou ou en roseau de Madagascar), Rakoto Frah était une figure tutélaire du patrimoine de l’île rouge. Une légende qui aimait à dire : « ma musique est à tous, il ne saurait être question de la vendre ».
Accueilli en fanfare par différents festivals français durant la dernière décennie, il a enregistré quelques albums mythiques, dont « Tsofy rano » et « Soufles de vie », sous la direction respective des guitaristes Eric Manana et Solo Razafindrakoto. Son tout dernier opus, « Chant et danses en imerina », est sorti chez Arion en octobre 2000. Reconnu à l’étranger, il aimait souvent rappeler son parcours autodidacte : « Ma vie n’a pas été simple. Mes parents étaient trop vieux à ma naissance. Ils ne pouvaient plus bien s’occuper de moi. On était une famille nombreuse. A douze ans, j’étais orphelin. Je n’ai pas reçu l’éducation que j’aurais voulu avoir. J’ai toujours travaillé dur ensuite. J’ai été agriculteur, éleveur, aide-boulanger, ferrailleur. Mais je n’ai jamais voulu lâcher la musique ». Saltimbanque frondeur, il croulait aussi sous les anecdotes à raconter, histoire de marquer sa passion « sans tâche » pour la musique. Ainsi, de cette autre histoire : « Un jour, j’ai participé à un concours. Mes adversaires jouaient surtout de l’accordéon et de la guitare. Je les défiais avec ma flûte sodiana. Pour me décourager, au moment de monter sur le podium, des gens m’ont lancé des pierres, sur le pont de Bekiraro, et m’ont blessé aux lèvres. J’ai quand même joué, avec la douleur atroce que j’éprouvais. Et vous savez quoi ? J’ai eu le premier prix ».

///Article N° : 29

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