Moi et mon Blanc

De Pierre Yaméogo

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Il y a une sorte d’amertume dans « Moi et mon Blanc » que le traitement du film finit par renforcer par toutes ses limites. Un étudiant africain en France employé dans un parking découvre de la drogue et de l’argent qu’il cache avec la complicité d’un autre employé, mais poursuivis par les dealers, tous deux se réfugient précipitamment à Ouagadougou. Cet argument dévoile vite un programme lourdement explicite : lister dans la partie française les préjugés auxquels est confronté Mamadi et rebondir dans la partie située au Burkina Faso sur les corruptions et compromissions nécessaires pour mettre à profit la thèse brillamment soutenue à la Sorbonne. Cette intention est traitée dans les dialogues sans que la mise en scène atténue leur côté sentencieux. Même si tout est terriblement juste, ces instants énonciatifs sonnent faux, plaqués sur une histoire par ailleurs efficacement menée en utilisant les ficelles du polar et qui sait tenir en haleine.
Les clichés, approximations, généralisations et préjugés sur l’Afrique qui jalonnent le discours occidental devraient ici être des éléments d’humour mais s’apparentent davantage à la succession de drapeaux africains du générique. Cette théâtralité installe une gêne dommageable au récit, d’autant plus qu’aucun caractère ne s’avère véritablement approfondi, et que tous peinent à retrouver le corps qu’ils pouvaient avoir dans les précédents Yaméogo (Laafi, Wendemi, Silmandé). Même le taximan branché surnommé « Sous couvert du Bon Dieu » incarné par Abdoulaye Komboudri est une pâle résurgence sans épaisseur du « Fils de l’homme » de « Wendemi« .
A défaut d’emporter l’adhésion, « Moi et mon Blanc » intéresse par le regard sans concessions qu’il porte sur les deux sociétés. On y retrouve la volonté dénonciatrice de « Silmandé » face aux corruptions à toutes échelles, complétée ici par des références explicites à l’ « affaire » burkinabè : le meurtre commandité mais resté impuni du journaliste Norbert Zongo. Là encore, la manifestation croisée dans la rue arrive dans le récit comme un cheveu sur la soupe. On est loin de la patte d’un Sembène ou d’un Cissé pour aborder la politique qui supporte mal de se voir seulement traitée au détour d’une rue. Reste la sincérité du propos, cette touche propre à Yaméogo d’ancrage dans les problématiques actuelles, attentif aux détails qui marquent et font que « Moi et mon Blanc » laisse des traces et doit être vu.

2003, long métrage, 35 mm, image : Jurg Hassler, musique : Ray Lema, avec : Serge Bayala, Pierre Loup Rajot, Ray Lema, Tom Novembre et… Jean-Claude Crépeau, prod. Dunia Production, 28 rue Lecourbe, 75015 Paris, +33 147 83 67 35.///Article N° : 2808

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