Contes cruels de la guerre

D'Ibéa Atondi et Karim Miské

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Rendre compte des exactions humaines est un terrain mouvant. Comment éviter le voyeurisme d’une fascination pour la violence sans soutenir le silence souhaité par les chefs de guerre ?
Ibéa Atondi et Karim Miské évitent ici avec brio ces écueils. Tout d’abord en remplaçant les scènes violentes qu’ils auraient pu trouver dans des images d’archives par la prédation des insectes : abeilles, fourmis dépeçant un scarabée, etc évoquent la sombre réalité mieux que la réalité elle-même. De la même façon que Samba Félix Ndiaye a préféré filmer un abattoir que les corps laissés sans sépulture du génocide rwandais. Le symbole et la métaphore écrivent ici la réalité, au sens littéraire du terme.
Ensuite en s’impliquant : « Je l’aimais, je l’aime encore ». Pourtant, Jules, milicien cobra, abattait sans pitié les civils qu’il appelait « infiltrés ».
Enfin, en embrassant la cruauté dans la durée : « C’est comme si j’étais allée refermer les tombes » avoue le commentaire. Les guerriers élèvent aujourd’hui les enfants des femmes qu’ils ont violées.
Le prix de la guerre civile est là : elle n’oppose pas des combattants, elle massacre les civils et meurtrit une société en profondeur. Elle ne vient pas de nulle part : Américains et Français s’opposant sur leurs intérêts pétroliers ont financé les factions qui leur étaient favorables lors des élections de 1997.
Les femmes sont les premières victimes : « Le corps féminin, il faut le conquérir, le vaincre, l’anéantir. Il n’a le droit d’exister que dans la maternité ». La drogue, l’héroïne, l’alcool vaincront les réticences. En situation d’exception, l’homme se fait bête.
Les combattants assassins qui témoignent ici livrent une image terrifiante de l’espèce humaine. Les drames modernes se succèdent, avec leur lot de massacres où le nombre atteint des records. De quoi désespérer de l’homme ? Ou bien plutôt voir en face que c’est comme ça car l’homme est comme ça, qu’il a toujours été comme ça, mais que ce sont les crises qui régulièrement font remonter la cruauté à la surface et que ce sont elles qu’il faut prévenir et non l’homme qu’il faut guérir. C’est à cette vision salutaire car structurante contre le désespoir que nous ouvre ce film. Les repères qu’amènent cette conscience sont essentiels pour prévenir le crime et ce film prouve là toute son importance.

///Article N° : 2738

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