Shaft

De John Singleton

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« C’est la première fois que je voyais à l’écran quelqu’un qui me ressemblait, qui parlait comme moi, qui s’habillait comme j’aurais aimé m’habiller et qui était un héros. » Samuel L. Jackson résume ainsi la fascination qu’ont pu exercer sur les jeunes Noirs américains les premiers films de la blaxploitation des années 70. Après le succès inattendu de Sweet Sweetback’s Baadassss Song de Melvin van Peebles en 1971, Shaft avait sauvé la MGM de la faillite. On retrouve en chair et en os, au détour d’un verre au fameux Lenox Lounge de Harlem, son réalisateur, le photographe Gordon Parks, ainsi que son acteur fétiche, Richard Roundtree, dans cette version 2000 mais ce Shaft beaucoup plus violent est aussi largement aseptisé : John Shaft reste souverainement macho mais tout se passera hors champ avec les femmes, et surtout, il est devenu un flic vertueux alors que le Shaft originel dérangeait tout le monde, tant la police new-yorkaise que les activistes noirs dont il n’avait que faire. On peut se demander dès lors où se situe l’intérêt de ce remake que Singleton (auteur de l’excellent « Boys’n the Hood », 1991) annonçait comme une figure de héros pour les jeunes Africains-Américains d’aujourd’hui. Noyé dans un déferlement de raps plutôt lourdingues, même le vieux thème mythique d’Isaac Hayes fait piètre figure. La composition de Jackson, mais aussi celle de Jeffries Wright (qui fait croire à son personnage de trafiquant de drogue coincé par son destin), restaurent un semblant de tenue à un film qui sombrerait vite dans un peinture newjack plutôt complaisante du milieu new yorkais, mais ne suffisent pas à restaurer la mythologie du héros, au point que cette série de poursuites et de tueries peu haletantes finit par lasser.

PS : Le premier Shaft de Gordon Parks, avant d’être repris dans une série télévisée, avait été suivi de deux autres longs métrages : Les nouveaux exploits de Shaft et Shaft contre les trafiquants d’hommes. Ce dernier, qui porte le titre originel de Shaft in Africa, se déroule en Ethiopie et fait lutter Shaft contre des trafiquants de main d’œuvre immigrée. Ce n’est pas cette problématique sociale, brossée à trop gros traits, qui fait l’intérêt du film mais sa façon d’aligner les clichés sur l’Afrique qui ne démarque pas des poncifs en cours dans les films de l’époque. Il n’en demeure pas moins que le personnage de Shaft, sorte de James Bond noir prêt à tout les risques, Robin des Bois ne perdant quand même jamais de vue son intérêt, avait permis à toute une génération de s’identifier à une figure de rebelle hors-normes qu’on retrouve difficilement dans cette nouvelle version. ///Article N° : 2461

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