Un lien intime

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Chaque année, l’Association Racines présente une autre image de l’Afrique. En 2002, « l’Afrique et ses religions, regards de cinéastes » est une programmation itinérante, présentée à Paris et en Ile de France, mais aussi dans le cadre de Périplans à Lille, Douai, Dunkerque et dans le cadre du festival Black Movie à Genève, en partenariat avec Africultures.
L’enjeu ? Mieux comprendre l’Islam et les religions telles qu’elles sont vécues et pratiquées en Afrique et dans les communautés immigrées en Europe.
L’occasion de montrer, aussi, un autre visage de l’Islam : l’Islam noir.
Islam, croyances et négritude
L’actualité (11 septembre, guerre en Afghanistan) a provoqué en Occident beaucoup d’interrogations sur l’Islam, sur son rôle et sur son influence dans le monde contemporain. Des interrogations qui prolongent un questionnement plus général sur les religions, les croyances de toutes sortes, les sectes et leur influence en Europe.
Ces questions, les cinéastes africains se les sont posées dès les premières années d’existence des cinémas d’Afrique. Il y reviennent actuellement avec insistance.
De quoi nous permettre de trouver des repères dans un monde déboussolé, car le continent africain n’est-il pas, à cet égard, le laboratoire du monde à venir ?
L’Islam ou le Christianisme, religions importées, s’y sont superposées à d’autres cultes plus anciens, mais toujours vivants, regroupés sous le terme générique d’animisme.
Quelle influence ces diverses religions exercent-elles dans la vie de tous les jours, comment influent-elles sur les destins des peuples, comment s’opère leur fusion ?
Des questions que les cinéastes africains ont mis au cœur de leurs films.
Critique des religions
Mahama Traoré au Sénégal, à travers Njangaan, en 1974, ou Souleymane Cissé au Mali, dans Cinq jours d’une vie en 1973, dénonçaient déjà (sans que leur voix ait été entendue) les dangers de l’utilisation de la religion musulmane par des hommes sans scrupule, le fanatisme religieux ou l’inadéquation de l’éducation religieuse face au monde moderne. A peu près au même moment, Oumarou Ganda au Niger dans Le Wazzou polygame et Saïtane se moquait en 1972 des faux « marabouts » tenants des religions ancestrales et de leurs faiblesses en matière sentimentale et matérielle !
Choc des cultures
Ousmane Sembène a consacré en 1976, un de ses films majeurs au choc des religions : Ceddo se situe au 17ème siècle, à un moment ou christianisme et Islam pénètrent en Afrique de l’Ouest. L’Islam se heurte au refus des Ceddos pour lesquels adhérer à l’Islam signifiait renoncer aux valeurs spirituelles africaines.
De même Jean-Michel Tchissoukou se posait en 1979 dans La Chapelle la question du choc entre christianisme et religions traditionnelles dans les années trente. Thème traité aussi par Roger Gnoan M’Bala, dans Bouka en 1988. Le même réalisateur fustigeait d’ailleurs en 1993 l’influence des sectes sur la société ivoirienne avec Au nom du Christ.
Ce sont des critiques, virulentes, qui portent sur l’utilisation de la religion à des fins mercantiles ou politiques mais non sur la foi ou le sens du sacré en tant que tel.
La notion du sacré
Le sacré en Afrique est vécu intimement, par chacun, dans le moindre acte de la vie quotidienne. Rien d’étonnant à ce que des cinéastes aient voulu explorer les liens profonds des religions avec une terre, un milieu, une société donnée.
Blaise Senghor, dès 1962 évoquait dans Grand Magal à Touba l’Islam noir, porteur de paix et de tolérance, né du syncrétisme entre Islam et négritude, au sein des confréries soufies du Sénégal. Une quête poursuivie par Félix Samba N’Diaye, ou Maguette Diop dans des documentaires consacrés à la confrérie mouride.
Ce lien intime et vital entre les êtres et le monde qui les entoure apparaît comme une évidence dans Kaka Yo (1982) du Congolais Sébastien Kamba, ou dans Yeelen (1987) de Souleymane Cissé, qui évoque l’initiation d’un jeune Bambara dans une famille de féticheurs.
Flora Gomes dans Po di Sangui en 1996 explorait de manière symbolique la spiritualité africaine, à travers la gémellité, moteur de nombreuses cosmogonies africaines, et les arbres aux âmes.
D’autres films, comme Yiri Kan du Burkinabé Issiaka Konaté ou Le Prix du pardon du Sénégalais Mansour Sora Wade, évoquent ce lien intime entre les vivants, les ancêtres et la nature, liens qui peuvent, comme le montrait Ababacar Samb dans Kodou en 1971, sauver les êtres de leur déchirement

///Article N° : 2158

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