Nouveautés du disque

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Koffi Olomidé & Quartier Latin, Droit de veto (Sonodisc)
Alors que les murs de l’Olympia résonnent encore de son passage de l’année dernière, l’infatigable Koffi impose son Droit de Veto. Mais, même si l’élégance vocale et la perfection technique ont toujours fait partie de ses principes, cet album de nouvel an a du mal à étonner, comme il a toujours été de mise s’agissant de Koffi Olomidé. A part le titre phare, Droit de Veto, le Grand Mopao semble quelque peu céder à la routine de sa notoriété en enfonçant le clou d’un ndombolo devenu chose publique. Mais patience. La fin de siècle s’annonce explosive car Koffi planche déjà sur Attentat, la bombe qui dans quelques mois devra saluer la venue de l’an 2000.
Tabou Combo, 30 ans jusqu’au Zénith (Sonodisc)
Le 30 novembre 98 Tabou Combo fêtait ses 30 ans d’existence au Zénith. Trente ans pendant lesquels le phénomène Tabou et le Kompa ont constitué les points de repère d’une communauté haïtienne éclatée géographiquement. Pour les aider à souffler les bougies, le groupe avait invité pas mal de copains. On a pu apercevoir des membres de Kassav, et surtout Beethova Obas, celui qui pour beaucoup incarne la relève de la musique haïtienne. Tous les succès ont été passés en revue : de « Zap » à « Tabou Mania » en passant par « Fénomène Tabou« et « New York City« , enrichis par des thèmes venus du rap et du Soukouss. Ce double compact traduit l’ambiance de folie qui a régné ce soir-là. Il paraît que le public a eu du mal à quitter la salle. Ceux qui l’écouteront auront certainement du mal à s’arrêter de danser.
Alioune Kassé, Exsina (Déclic)
Sa véritable carrière musicale débute en 1987 lors d’une des trop nombreuses années blanches qui secouèrent l’histoire de l’éducation nationale du Sénégal. Douze ans plus tard, Alioune Kassé est devenu une star mais il continue à militer à travers un mbalax qui s’élève largement au-dessus de la moyenne nationale. L’évocation du malaise estudiantin (Étudiant), de la tragédie casamançaise (Aline Sitoé), la pourriture du milieu carcéral, qu’il connaît bien pour y avoir donné plusieurs concerts, sont autant de thèmes qui ont fait de lui un personnage à part. Ce premier CD concrétise une présence musicale de plusieurs années.
Lobi Traoré, Duga (Cobalt/Mélodie)
Il est clair que le rythme lancinant de la musique de Lobi Traoré a des allures de blues. Accompagnée de l’harmonica de Vincent Bucher, elle peut évoquer la Louisiane. Mais le blues est une chose et la musique de Lobi Traoré en est une autre. Ce troisième album laisse donc un sentiment paradoxal. Il y a le plaisir d’écouter et de se laisser bercer par la voix du chanteur bambara et par les chœurs « voluptueux » de Tata et de Ramata Diakité. Mais il y a aussi la gêne de le voir s’enfermer ainsi dans un genre, un style, un concept, sur lequel percussions traditionnelles et ngoni, censés enrichir le tout, font figure, malheureusement, d’agrément folklorique.
Pépé Kallé for ever, Hommage (Sonodisc)
Trois titres, pour un hommage au personnage incontournable de la musique congolaise, qui quasiment d’une même voix ont réuni une pléiade d’artistes dont Papa Wemba, Koffi Olomidé Lokua Kanza etc. Dommage que ce single ressemble plus à une prière qu’à une véritable recherche. Mais comme on dit dans ces cas là, c’est surtout le geste qui compte. D’autant plus que les bénéfices du disque iront aider la famille du chanteur décédé l’année dernière.
Zedess, Où allons-nous ? (Lusafrica/ BMG)
Zedess est prof d’anglais mais c’est en français qu’il vilipende depuis 1992 les maux qui rythment l’évolution des grandes capitales africaines et les relations internationales. Le warba et le wiré provenant tout droit du folklore burkinabé qui agrémente son album n’entachent pas le rythme d’un reggae satyrique mais profondément réaliste.
Firmin Viry, Ti Mardé (Indigo Label Bleu)
Le monde connaît mal le Maloya, bien que le groupe Gramoun Lélé, sorti sous le même label, fasse des étincelles. Pourtant… c’est bien le passé esclavagiste de la France dans l’Océan Indien qui donne sa force à ce rythme qui aime à remonter le cours de l’histoire jusqu’aux cérémonies secrètes des ancêtres noirs emmenés de force sur l’île et dépossédés de leur culture d’origine. Des cérémonies qui ont su traverser le temps par bouts entiers et qui se sont lentement reconstituées, en se renouvelant dans les kabaré, sorte de culte dédié aux ancêtres. Des rites secrets qui se déroulaient en deux temps : médecine mystique des guérisseurs et danse. Avec le Maloya : gros tambour rouleur, kayamb, bobre… Un phénomène qui n’était pas très bien vu par l’autorité coloniale française, qui l’interdira en 46. Avant que le parti communiste ne vienne prendre position pour sa reconnaissance dans les années soixante, en enregistrant le premier album de ce vieux Firmin, que les Réunionnais citent tous comme étant l’un des premiers défenseurs de l’identité culturelle de cette île. Sans lui, le Maloya authentique serait mort, dit-on. Danyel Waro le cite volontiers comme un père spirituel. Toujours est-il qu’il a continué, aujourd’hui encore, malgré le peu d’enregistrements qui ont suivi son premier vinyl, à célébrer l’esprit des esclaves coupeurs de cannes d’hier, en racontant sur ce rythme envoûtant en créole pays des complaintes de pays perdu, de liberté soumise, d’amours interminables… Et dans sa propre cour où il invite régulièrement ses camarades à renouer avec le passé pour mieux savoir où ils vont dans une nouvelle forme de réunion festive, qu’ils surnomment désormais là-bas kabars.
Rakoto Frah & Group, Souffles de vie (Musikéla/Scalen)
Cet album, lui, vient saluer le maître de la sodina (la flûte en bambou), le vieux Rakoto Frah, une légende vivante. Un génie populaire qui irrigue l’ensemble de ces  » souffles de vie  » : une suite de pièces admirables, interprétées en solo, duo, trio, quintet ou encore en grande formation, sur laquelle il revisite les traditions de l’île rouge. Né en 1923 dans la banlieue de Tana, Rakoto Frah, auteur-compositeur, a toujours mené une double carrière. La première le ramène à une fonction sociale et nécessaire dans la vie spirituelle des Malgaches (cérémonies rituelles, de  » retournement des morts  » notamment). La seconde l’a fait voyager sur une scène internationale, avec des rencontres parfois inattendues (il a joué avec Kassav et Manu Dibango). Un hommage certain.
Jean Emilien, Miandraza, (Cobalt)
Ce premier album est une sorte de dialogue à quatre… Un kabosy, guitare malgache à qui l’artiste ajoute une corde de basse pour mieux surprendre les habitués. Un harmonica qui a la faculté de marier le rythme et la mélodie sur un même tempo. Un katsa pour le contrepoint percussif sous l’emprise de Jefferson Manambilynaivoson. Des voix qui puisent dans le patrimoine pour faire monter la pression ; celle, nasale et légèrement aiguë, de Jean Emilien. Le classique 6/8 de l’Océan Indien est au rendez-vous. Amour et famille sont les principales thématiques d’un album, qui chante aussi cette solidarité  » si chère au peuple malgache « . Bien que marqué par le rija, un style typique de sa région natale (Fiananrantsoa dans les hauts plateaux), Jean Emilien élargit ses influences à l’ensemble du répertoire malgache et flirte parfois avec un blues venu d’ailleurs.
Baaba Maal, Nomad Soul (Palm Pictures/Virgin)
Baaba Mal est le prince du Yela pop from Sénégal, un rythme d’origine halpulaar à base de claquement des mains et de percussion calebasse. Né à Podor dans le Fouta, à la limite de la frontière mauritanienne, il vient de sortir son dernier album, Nomad Soul, sous la bannière du nouveau label de Chris Blakwell (celui qui a jadis ‘découvert’Marley). Un album qui rend hommage à son âme profondément nomade, un feeling hérité dit-on d’une tradition séculaire revendiquée par son peuple. Un album enregistré entre Dakar, Kingston, Londres et New-York, avec les gracieuses voix des Screaming Orphans (l’Irlande), de Luciano (Jamaïque) ; où l’on surnage entre les mystères du tama noir emprunté au continent noir et le groove dance dit occidental (funk et rap compris). Un album africain à tiroirs… où défilent, à côté de ses fidèles (comme son ami Mansour Seck), des invités prestigieux : Brian Eno, Jon Hassel, Robbie Shakespeare, Howie B… On y trouve même du ney (flûte), version rapportée d’Istanbul. Et puis il y a surtout cette voix qui nous guide le long de l’album, une voix puissante, fougueuse, entraînante, qui contribue tellement au mythe du leader de Daande Lenöl (la voix du peuple, le nom de son groupe).

///Article N° : 2018

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