Little Senegal

De Rachid Bouchareb

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Un portrait inhabituel pour ne pas dire dérangeant des rapports très complexes entre la diaspora noire des Etats-Unis et la communauté africaine qui y élit domicile. Le film explore non seulement l’héritage du peuple africain-américain mais aussi comment les gens opprimés par la société dominante peuvent à leur tour reproduire les mêmes schémas de domination en opprimant leurs prochains.
Le voyage aux Etats-Unis entrepris par Alioune, guide à la fameuse Maison des Esclaves de l’Ile de Gorée, afin de tracer la généalogie de ses ancêtres déportés – une quête qui l’emmène des anciennes plantations du Sud jusqu’à Harlem – permet à Bouchareb de mettre à nu toute l’ambiguïté de ces rapports intercommunautaires. Méfiance mutuelle qui tourne parfois au racisme pur, on est loin des premières images du film des Africaines-Américaines vêtues de boubous à Gorée qui pleurent le sort de leurs ancêtres africains.
En effet, les rapports que découvre Alioune aux Etats-Unis sont dénués de toute fraternité. Ce n’est pas simplement que les Africains-Américains ignorent pour la plupart ce passé, mais surtout qu’ils s’en fichent lorsqu’ils ne portent pas le même regard raciste sur les Africains qu’ils subissent eux-mêmes de la part des Blancs. Car la vie américaine que Bouchareb dépeint ici avec le vécu ardu de ses personnages dans des paysages new-yorkais loin de tout rêve est ponctuée sans cesse par des flashs infos rappelant inlassablement la violence quotidienne fait aux Noirs dans un pays qui n’a toujours pas réglé ses comptes avec son passé esclavagiste.
Alioune, qui, en espèce de porteur de ‘la sagesse africaine’, refuse d’accepter la division que l’Histoire a imposée au peuple noir, essaye de réunir sa lointaine famille africaine-américaine éclatée et sa famille sénégalaise désabusée de là-bas, même si la fin du film laisse planer l’amère conclusion que c’est loin d’être aussi simple…
Mais au-delà de la richesse du sujet du film, Little Senegal émeut aussi par les rapports entre les différents personnages dont le jeu est généralement très fort. Le réalisateur de Cheb réussit admirablement à filmer un New York que l’on reconnaît à peine. Si le début du film est quelque peu long et figé, il finit par trouver son élan en portant un regard tout à fait original qui fait réellement réfléchir…

2001, 1 h 38, image : Youcef Sahraoui, Benoît Cahmaillard, musique : Salif Boutella, Prod. : 3B Prod., avec Sotigui Kouyaté, Sharon Hope, Roschdy Zem, Distr. Tadrart Films. Sortie France le 18 avril.///Article N° : 2003

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