Étonner les Dieux

De Ben Okri

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Après le monumental La Route de la faim, publié en 1991 et qui lui avait valu le Booker Prize, le Nigerian Ben Okri nous offre un texte tenant de la fable et du fantastique. Avec l’histoire de cet homme qui, petit, rêvait déjà de partir un jour en quête de l’invisible. Après un voyage qui dura sept années où il apprit tant de choses et vécu tant d’expériences, il atteint la cité de l’invisible qu’un guide d’une infinie patience et d’une extraordinaire sagesse aida à visiter et à comprendre. Il lui expliqua que les choses les plus importantes sont celles qu’on ne voit pas. Et là, on entre avec Ben Okri dans la critique de ce monde contemporain qui fait la part belle au matériel, à la consommation outrancière, et qui néglige superbement les qualités profondes et impalpables : l’amour, la passion, la créativité, la pensée. L’auteur nous suggère aussi combien dans nos sociétés contemporaines nous avons tendance à ne pas vivre à fond les expériences et à nous voir ainsi condamnés à refaire les mêmes erreurs :  » Un des fondements de notre civilisation, affirme le guide à l’homme à la recherche de l’invisible, c’est de vivre complètement nos souffrances quant elles avaient lieu afin qu’elles restent si profondément ancrées dans notre mémoire et dans notre désir d’une vie supérieure que nous ne voudrions plus jamais connaître de nouveau cette souffrance… » Dans la société invisible du monde fabuleux de Ben Okri, l’expérience nazie aurait dû, par exemple, éviter aux hommes les guerres coloniales ; la Bosnie aurait dû écarter la détresse algérienne ou l’abîme rwandais. L’homme, nous dit en outre Ben Okri, a toujours tendance à confondre le grandiose et le clinquant avec le vrai, le juste et l’utile. Étonner les dieux est un plaidoyer pour l’humilité, la sagesse des hommes et pour l’honneur de l’humanité. En quelque sorte, Ben Okri n’est pas loin de croire que l’homme est infiniment bon, mais que ce trésor de bonté est souvent caché au fond d’un océan de douleur qui le rend invisible à l’oeil nu et qui nécessite souvent de patientes et longues recherches. En ces temps troubles et dangereux, l’existence d’un tel texte est une salutaire bouffée d’oxygène.

Étonner les Dieux, de Ben Okri, traduit de l’anglais par Jean Guiloineau, Christian Bourgois, 192 p., 95 F///Article N° : 197

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