Introduction

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Les photograph(i)es existent. Comme partout ailleurs. Mais la donne n’est pas la même : un photographe doit se battre pour survivre de son art, et faire des concessions, beaucoup plus qu’ailleurs. Les moyens manquent. Les professionnels de l’image ne peuvent bien souvent qu’utiliser du matériel de seconde main. Ils apprennent à fabriquer eux-mêmes leurs outils de travail (comme l’éclairage de studio), faute de pouvoir les faire importer.
La photographie reste un luxe, même si les situations divergent d’un pays à l’autre. Par exemple, il n’y a rien de comparable entre la production photographique du Niger et celle du Nigeria, pays pourtant voisins.
Depuis l’essor de la photographie couleur, au début des années 1980, la profession connaît de profondes mutations. Les photographes ambulants (qui ne sont pas toujours des professionnels) ont envahi le marché et déstabilisé l’ordre érigé au début du XXe siècle. Les photographes de studio, surtout l’ancienne génération, se plaignent que la photographie noir et blanc disparaît, ainsi que tous les savoir-faire inhérents au métier (comme le travail en chambre noire). Par exemple, sur le marché, on ne trouve plus que du papier gradé 2, celui qui sert à tirer les photos d’identité. Le photographe de studio n’a plus qu’à se transformer en photographe reporter, pour travailler sur un pied d’égalité avec les ambulants, et se conformer aux prix cassés par ces derniers (dont le budget n’est alourdi d’aucune charge, contrairement aux sédentaires). Ainsi, beaucoup d’entre eux, ne peuvent relever le défi de la couleur et ferment boutique.
Nous avons conscience des limites géographiques de ce dossier : par commodité et parce que le sujet mériterait à lui seul plusieurs numéros, nous nous contentons d’aborder ici l’Afrique de l’Ouest (le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Mali et la Côte d’Ivoire). Nous espérons en tout cas, dans un dossier ultérieur, pencher notre regard sur les autres photograph(i)es du continent.
Nous avons souhaité donner la parole à tous (photographes, journalistes, chercheurs, critiques, agents d’art…). Les points de vue bien souvent se recoupent, malgré des sensibilités différentes. Autre point important : nous voulons parler de toutes les photographies, de tous les photographes, autant de ceux qui ont une démarche journalistique ou artistique que de ceux qui permettent à tout venant d’accéder à sa propre image, aux images de sa vie, de la vie du pays : les photographes de quartier, sédentaires (en studio) ou ambulants.
Certains ou plutôt certaines regretteront peut-être l’absence de femmes photographes dans ce dossier. S’il y a de plus en plus de femmes photographes de studio, la place réservée aux femmes reporters est encore à prendre. Certaines d’ailleurs rechignent à aller sur le terrain et préfèrent l’espace plus paisible et protégé d’un studio où l’on n’est pas exposé au regard des autres.
Pour Simon Njami, directeur artistique des prochaines Rencontres de Bamako, le souci premier est de « bâtir un discours endogène ». Il résume ainsi les objectifs que toutes celles et tous ceux qui veulent défendre la photographie africaine pourraient reprendre à leur compte : il faut « montrer que cette photo existe et qu’elle est importante. Et au niveau des Etats, construire des structures pour faire en sorte qu’elle soit sauvée et préservée. »

///Article N° : 1924

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