Nome, de Sana na N’hada

A la recherche de la révolution

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Sélectionné à la section ACID du festival de Cannes 2023, le nouveau film du réalisateur bissau-guinéen sort enfin en salles en France le 13 mars 2024. Un récit puissant et fascinant sur l’Histoire de la Guinée-Bissau, avec le réalisateur mozambicain João Ribeiro à la photographie.

Fait avec des bouts de ficelles, le film profite de cette énergie pour tenter une écriture mosaïque, aussi bien dans le temps que dans la forme. Il raconte en effet, à partir de l’histoire de Nome (qui veut dire homonyme, c’est-à-dire celui qui a le nom de tous), celle de la Guinée-Bissau dans la guerre d’indépendance jusqu’à nos jours. Et cela en mêlant des archives (Sana na N’Hada avait été chargé par Amilcar Cabral d’apprendre le cinéma à Cuba pour pouvoir documenter la guerre de libération), des scènes empreintes de réalisme magique et la présence d’un esprit au visage peint en blanc, à la fois sage et guide qui se désespère devant les choix des humains – à l’image de ce que ressent aujourd’hui le réalisateur (cf. notre entretien avec Sana na N’Hada).

Raci, cet enfant qui nous regarde en début de film, enterre son père, « le meilleur joueur de bombolo« . Télégraphe des temps anciens, compris seulement par les initiés, ce tambour a joué un rôle essentiel de communication durant la guerre. On l’entendra parler durant tout le film, lui conférant une impressionnante force poétique. Raci doit en fabriquer un pour honorer son père et « pour rétablir l’équilibre du village« . Voici donc la politique s’infiltrer dès le départ dans cette histoire familiale alors même que les villages s’engageaient peu à peu dans la guerre de libération, suivant l’appel du bombolo.

Nome, son grand-frère, compte un peu trop les étoiles avec Nambù, une nièce venue aider sa mère veuve. « C’est toujours sur la femme que tombe la honte » : ils risquent d’être bannis en ayant un enfant hors mariage. Nome part à la guerre où il devient « le cauchemar des Portugais » tandis que Nambù et son bébé auront un destin dramatique. A la fin de la guerre, Nome s’installe à Bissau pour « faire des affaires » avec ses compagnons d’armes, au grand dam de l’un d’entre eux et de l’esprit qui constate que « l’espérance et l’utopie se battent chaque jour contre la cupidité et le mal« .

Comment retrouver l’innocence, l’esprit d’enfance nécessaire pour choisir l’utopie ? « Le monde est aveugle, ne te laisse pas aveugler« , souffle l’esprit à Nome. Cette inquiétude traverse tout le film, d’une criante actualité. « On s’appelle tous Nome : nous sommes tous responsables, du succès comme de l’échec« , dit Sana na N’Hada. A la fois épique et fascinant par la richesse de ce qu’il tresse et par ce qu’il ose esthétiquement, fidèle aux incertitudes temporelles et oniriques du réalisme magique lusophone, Nome est l’interrogation essentielle d’un réalisateur de 73 ans qui s’est battu toute sa vie pour que son pays se développe dans le respect de ses valeurs, dans l’esprit de la Révolution.

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