Le Panthéon de la joie, de Jean Odoutan

Quatre garçons dans le vent

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En sortie dans les salles françaises le 3 mai 2023, le nouveau film de Jean Odoutan était également en sélection dans la section Panorama au Fespaco de février 2023. Il communique de bonnes vibrations !

Vous appréciez le cinéma de Jean Odoutan ? Alors courez voir son dernier opus, un des plus réussis. Comme à son habitude, il est partout aux manettes : il l’a écrit, réalisé, produit, chorégraphié, mis en scène et en musique ! Car Le Panthéon de la joie ratisse large : une comédie musicale qui se veut aussi sociale, regard caustique sur la société béninoise et les problématiques nord-sud. Elle est tournée à Ouidah, historiquement départ d’esclaves dont Odoutan est originaire et où il a établi en 2003 son festival Quintessence, dans le quartier d’Agbanou renommé par nécessité poétique « Panthéon de la joie ». Agbanou veut dire « abattoir » : construit par les colons, il ferma après l’Indépendance, ce qui entraîna le dépérissement de ce quartier commerçant.

Ne restent que la précarité et la débrouille. C’est la vie de cette bande de quatre garçons de 12 à 14 ans qui ne cessent de faire les 400 coups et de chanter ensemble en swinguant férocement. Elysée, Concorde, Placide et Aimé sont les quatre pieds nickelés de cette comédie enjouée : impertinents, roublards et champions du système D. Ils se livrent sans arrêt à un concours de verve gouailleuse et de chansons aux formules percutantes qu’ils accompagnent vaillamment de percussions corporelles et d’un peu de guitare. Du Jean Odoutan en somme.

Habiles à piquer des tomates aux marchands ou à quêter des piécettes devant le ciné Vog, ils rêvent de se « conter leur histoire de porc-épic » à l’Olympia de Paris pour « amasser des francs CFA » ! Mais comment traverseraient-ils la mer, ces « enfants-lumière sans électricité » ? Partir n’est pas la solution : ce sont eux-mêmes qui finissent par l’affirmer, sous le regard de leur jeune amie qui apporte un heureux contrepoint à leurs tendances machistes.

Ils se persuadent que l’Afrique de demain, c’est eux, mais sans laisser tomber leurs rêves de réussite, ce qui leur vaut d’être traités de « p’tits Macron » : « Je veux devenir Grand quelqu’un, comme grand frère Tambour Tam-tam, mais pas p’tit machin, façon balais-poubelle-macadam ». Tambour Tam-tam, c’est celui qui est revenu d’Europe, l’oncle Gabriel, la voix de Jean Odoutan dans le film : « Si vous vous envolez tous, qui va construire le pays ? ». Il sera le égun-gun des gamins, le revenant protecteur qui assure le pont entre morts et vivants.

Cela donne au film une dimension mystique car si le rire, l’autodérision et la joie dominent à travers les chansons et la vitalité des gamins, la nostalgie et le doute prennent parfois le dessus face aux réalités du monde : la mauvaise gouvernance (« la répétition du mensonge ne le transforme pas en vérité »), l’impasse éducative, les femmes laissées seules par les migrants, les ouvriers impayés, la violence de rue, le terrorisme djihadiste, la guerre. « Les adultes me font peur », lâche Concorde…

Vous l’aurez compris : Le Panthéon de la joie foisonne d’humour et de vie tout en vibrant au diapason du vécu africain. Il vaut le voyage pour essayer de rattraper le prolixe Odoutan qui ne lâche rien et fait feu de tout bois entre films, livre[1] et chansons. Pour notre grand plaisir.

[1] Le Réalisateur Nègre, Ed. 45rdlc, où il détaille son enfance au Bénin, ses galères en France et ses débuts au cinéma.

 

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