Sentoo : nouvelles perspectives de coproduction Sud-Sud

Une table-ronde et les lauréats au festival de Cannes

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Une table-ronde, animée par l’historien François Durpaire, s’est déroulée au Pavillon des Cinémas d’Afrique organisé par l’Agence Culturelle Africaine dans le cadre du marché du film du festival de Cannes 2019. Cette table-ronde fut notamment centrée sur le projet Sentoo qui a annoncé ses lauréats un peu plus tard au pavillon tunisien.

Le projet Sentoo, dont le premier appel à projets a été lancé au Fespaco de février 2019, est au cœur des collaborations entre les centres nationaux de la cinématographie pour favoriser les coproductions Sud-Sud.

C’est Chiraz Latiri, directrice du Centre national du cinéma et de l’image en Tunisie (CNCI), qui l’a présenté, vu le rôle moteur qu’elle a joué dans cette initiative. Né de rencontres impromptues au festival de Cannes en 2018, elle a parlé d’ « un exemple idoine de la collaboration possible sur le continent africain ». La Tunisie a signé un accord de codéveloppement avec l’Italie, de coproduction avec la France, et bientôt avec le Maroc, mais rien avec l’Afrique sub-saharienne. « On ne se connaît pas ! », a-t-elle lancé. Pourquoi de pas réunir les institutions publiques de soutien du cinéma, les centres nationaux de la cinématographie mais aussi les organisations internationales dans un projet de codéveloppement Sud-Sud de façon à garder « l’identité culturelle du Sud, notre manière de faire du cinéma » ?

C’est ainsi qu’est né le projet Sentoo. Ses homologues de cinq autres pays se sont joints au CNCI tunisien : le Maroc (CCM), le Sénégal (FOPICA), le Mali (CNCM), le Burkina Faso (direction générale du Cinéma et de l’Audiovisuel au ministère de la Culture) et le Niger (CNCN). Il est annoncé que la Côte d’Ivoire, le Rwanda et le Togo vont eux aussi participer. On voit ainsi naître une collaboration longuement espérée et jamais manifestée entre les institutions étatiques africaines, alors que le fonds d’aide à la production qui devait naître sous l’égide de l’Union africaine avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) n’a jamais vu le jour malgré les nombreuses réunions de la commission chargée de le préparer.

De gauche à droite : Aziz Abdul Cissé, directeur du FOPICA, Sénégal, Sarim Fassi Fihri, directeur du Centre national du cinéma marocain (CNCM), Chiraz Latiri, directrice du Centre national du cinéma et de l’image en Tunisie (CNCI), François Durpaire, Hugues Diaz, directeur de la cinématographie sénégalaise, et Mamidou Zoumana Coulibaly-Diakité, président du Comité de gestion du FONSIC, Côte d’Ivoire.

L’OIF est encore présente pour soutenir Sentoo, ainsi que l’UNESCO et Orange. Il est vrai que Sentoo n’est pas un fond en soi, chaque pays étant tenu de soutenir l’auteur de son pays avec une bourse de 5000 € lui permettant d’opérer des repérages, de traduire son dossier, de réaliser un trailer, de financer des consultations juridiques, etc. Sentoo propose à des projets de films un accompagnement solide en partenariat avec des experts du métier : trois résidences d’écriture et de finalisation. La première résidence se déroulera à Dakar en juin, la deuxième à Tunis en octobre et la troisième au Maroc en décembre.

79 projets ont été présentés, 74 ont été retenus comme éligibles : 14 documentaires et 50 fictions. Un tiers des projets est porté par des femmes. Six projets ont été retenus (un par pays), les lauréats ayant été dévoilés un peu plus tard au pavillon tunisien :

TUNISIE : L’Aurore Boréale, de Oubeyd AYARI

MAROC : Boom boom Sonata, de Mohamed Akram NEMMASSI

SENEGAL : Le Mouton de Sada, de Pape Bouname LOPY

BURKINA FASO : Djelia, de Boubacar SANGARE

MALI : Aida, de Hawa Aliou N’DIAYE

NIGER : Ville en mutation, de Bawa KADADE RIBA

C’est au Sénégal le FOPICA qui accueillera les lauréats de Sentoo. L’implication du pays dans le cinéma se renforce avec ce fonds de soutien à l’ensemble de la filière. Hugues Diaz, directeur de la cinématographie sénégalaise, a précisé qu’en voyant qu’en 2013, Alain Gomis a remporté l’Etalon d’Or du Fespaco avec Tey sans que le Sénégal ait financé le film, la présidence s’était concertée avec des cinéastes et fit un geste politique en accordant des fonds importants pour structurer le secteur. « Les films financés par le FOPICA brillent maintenant dans les festivals », a-t-il ajouté.

Interrogé sur la prochaine session du FOPICA, impatiemment attendue par les professionnels maintenant que la phase électorale est passée, Aziz Abdul Cissé, qui en a la charge, a précisé que tout le travail de sélection a été réalisé et qu’il faut seulement attendre la mise en place du comité de gestion, où sont notamment représentés la Présidence, la Primature, les ministères des Finances et de la Culture. Le Comité de gestion est installé pour une année, renouvelable deux fois et était ainsi arrivé au terme de ces trois années de mandat. Le FOPICA attend la mise en place du nouveau comité de gestion pour pouvoir valider les choix du comité de sélection et attribuer les fonds.

Brillamment animée par l’historien François Durpaire, la table-ronde réunissait en outre Sarim Fassi Fihri, directeur du Centre national du cinéma marocain, qui a confirmé l’engagement du Maroc dans le projet Sentoo. Il a précisé que des accords de coproduction étaient signés avec le Sénégal, le Bénin, le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire mais que c’était dans les faits davantage des accords de coopération. Sentoo peut les dynamiser et ouvrir la porte de ces accords à ses lauréats.

Mamidou Zoumana Coulibaly-Diakité, président du Comité de gestion du FONSIC, le fonds ivoirien d’aide au cinéma, a confirmé la disposition de son pays à participer à Sentoo, tout en insistant sur la nécessité de trouver des fonds privés pour soutenir l’industrie du cinéma, l’Etat ne pouvant jouer seul le rôle.

 

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