Le prestige de Cannes

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Comme chaque automne arrivent sur les écrans les films présentés voire primés en mai au festival de Cannes. Clash (cf. encadré) eut l’honneur d’inaugurer la section officielle Un certain regard. présenté à la Quinzaine des réalisateurs Divines a reçu la prestigieuse caméra d’or du premier film. Quand à Chouf, il fut présenté en sélection officielle. Ces deux films nous parlent encore de la « banlieue », différemment.

Houda Benyamina avait réalisé un coup de maître avec son moyen métrage très prometteur Sur la route du paradis. On attendait donc beaucoup de Divines, son premier long. Le film démarre sur les chapeaux de roues, mêle humour et récit initiatique, comédie et drame, avec des actrices gonflées à bloc qui veulent en découdre avec la vie. il s’égare malheureusement ensuite dans son intention.
« Je revendique un cinéma populaire », dit Houda Benyamina. Son scénario est efficace, avec ses montées en adrénaline soutenues par des musiques puissantes, et des personnages forts en qui s’identifier. Dounia (Oulaya Amamra) est une fille hors-norme, sans concessions. Elle fonce, prends tous les risques et emmène avec elle Maimouna (Deborah lukumuena) dans une dérive sans lendemain, sous l’influence de la dealeuse Rebecca (Jisca Kalvanda). Emportée par son désir d’argent facile, Dounia est fragilisée par sa fascination pour le beau danseur Djigui qui lui propose un chemin plus spirituel. Cette histoire trop bien ficelée ne peut échapper à son message. Ces personnages de femmes déterminées auraient pu faire mouche s’ils n’étaient engoncés dans ce projet.
En recevant son prix à la cérémonie de clôture, Houda Benyamina s’est écriée: « On est là quoi, on est là ! » Effectivement, la Caméra d’or n’est pas rien pour un film issu d’une équipe ancrée dans la diversité. Il y a derrière ce cri de joie la revendication d’une visibilité. humaniser pour détourner les clichés et les stigmatisations en sera le programme. Il n’est pas étonnant qu’après Fatima de Philippe Faucon en 2015, ce soit Divines qui marque la Croisette en 2016, les deux films accentuant sans pancartes, à travers des personnages de femmes fortes, un discours personnel aux prolongements largement politiques, ouvrant à un énoncé collectif. Les maladresses de Divines sont dès lors à situer dans cette volonté d’énonciation.
Ce pourrait être aussi le problème de Chouf de Karim Dridi, présenté en séance spéciale hors compétition, qui clôt sa trilogie marseillaise après Bye Bye et Khomsa. mais Dridi est trop expérimenté pour tomber dans le panneau. Si Chouf joue lui aussi la carte grand public avec un thriller campé dans le milieu des dealers des Quartiers Nord, le jeu de contradictions dans lequel il place son personnage principal conduit à une féconde réflexion. Sofiane est un étudiant bien dans sa peau qui rend visite à sa famille mais son frère dealer se fait flinguer : il va pénétrer le milieu pour préparer une vengeance qui prendra des chemins de traverse. Son personnage ne suit aucun programme si bien que le film reste inattendu jusqu’au bout, se démarquant des passages obligés du genre, et ouvrant à une perception subtile du chaos à l’œuvre dans les quartiers comme au sein des individus.

Clash, de Mohamed Diab
Clash de l’égyptien Mohamed Diab [Les Femmes du bus 678] joue la carte du réalisme. Il fait cependant un choix radical de mise en scène en confinant 25 manifestants dans les 8 m2 d’un fourgon de police. Les partisans de l’armée et les islamistes s’y affrontent. Cette dramatisation fonctionne à plein pour évoquer les différentes dimensions de cet antagonisme mais aussi et surtout pour donner force à la volonté humaniste du film. Tous confrontés à la violence, les personnages de ce film choral sont appelés à s’écouter et se parler. Aucun angélisme pourtant : la brutalité est générale. Une constellation humaine malgré les divergences, emblématique de l’Égypte d’aujourd’hui. Un film fort à ne pas rater.

///Article N° : 13739

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