Edito. « Ma religion, mon droit, ma liberté »

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Parler de religion en France devient suspect. Être catholique pour beaucoup, ce serait être contre l’avortement, se refuser au mariage pour tous et excuser les prêtres pédophiles. Être juif pour certains, ce serait être victime d’antisémitisme, s’engager dans le sionisme et défendre l’expansion d’Israël en Palestine. Quant au fait d’être musulman, ce serait forcément synonyme de terroriste, à la botte d’une puissance étrangère prêt pour le djihad. Assumer sa foi comme partie de son identité reviendrait, soit à se revendiquer d’une communauté, soit à menacer autrui, soit à être incapable de penser par soi-même. Autant dire que, de nos jours, ces clichés ont la vie dure… Comment en est-on arrivé à cette essentialisation des questions, à autant de raccourcis et d’exclusions ? À réduire la composante intime d’un être à une menace collective ? Par ignorance, répond Mohamed Bajrafil, imam d’Ivry-sur-Seine (94). Ce linguiste de formation, théologien, à la Une de ce numéro d’Afriscope publie Islam de France, l’an I. Un essai didactique sur l’islam, son fondement laïc, sa relation à la République, mais aussi sur les sources des fanatismes qui le travaillent de l’intérieur. Son credo ? L’enseignement et la connaissance de l’Autre doivent permettre de mieux cerner son semblable, « qui cesse d’être une figure imaginaire, avec le folklore, les stéréotypes et les préjugés qui l’accompagnent ». Savoir et connaissance restent les seuls moyens qui évitent la stigmatisation et le rejet dans cette société française à laquelle cet imam s’adresse : « La laïcité n’est pas réductible à un lardon, à un pinard ou à un bout de tissu ». Une parole libre qui en appelle au consensus républicain, et qui invite son concitoyen musulman à penser par lui-même, en renouvelant son rapport au sacré, dans un espace laïc en proie à l’instrumentalisation politique. à son discours, qui exhorte les musulmans à relire les textes de l’islam, avec les lunettes de leur temps, et en tenant compte de leur espace de vie, résonnent en écho les propos des évêques de France sur la loi régissant la laïcité : « Bien des solutions peuvent être trouvées aux questions nouvelles par des applications ouvertes de cette loi. Notre expérience d’un siècle est là pour témoigner que cela est possible ». Le dialogue, souvent conflictuel, entre l’État français et l’Église a abouti dans les faits à une laïcité prônant l’apaisement avec les religions. Nombre de spécificités et d’amendements au texte premier le prouvent : il y a toujours eu la volonté de construire un terrain d’entente de part et d’autre. La présence, non nouvelle, de l’islam de France ne devrait pas suggérer autre chose. Et si Afriscope s’empare de cette thématique aujourd’hui c’est bien pour accompagner le débat contre l’essentialisation et la réduction des identités singulières.

///Article N° : 13322

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