Dieudonné Niangouna, du ring à la scène

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Du 11 au 22 novembre 2015, M’appelle Mohamed Ali, texte de Dieudonné Niangouna, mis en scène par Jean Hamado Tiemtoré se joue au Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis (93) avec le comédien Etienne Minoungou.
Ce texte est également rejoué au festival d’Avignon 2016.

« Pour faire du théâtre en Afrique, il faut boxer la situation »
-Dieudonné Niangouna, M’appelle Mohamed Ali, Les Solitaires intempestifs, 2014 –

Joué en Belgique puis repris en Avignon durant le festival 2014 et à Limoges à l’automne, M’appelle Mohamed Ali, cette pièce de Dieudonné Niangouna fait entendre la parole politique du grand Cassius Clay, revenant bien sûr sur le combat avec Foreman et permettant de traverser les prises de position radicales du champion qui ne transigeait pas avec son engagement pour la cause des Noirs en Amérique. Ce n’est pas Ali le boxeur qui occupe le plateau, mais Ali l’homme engagé, têtu, déterminé, mouillant sa chemise pour faire entendre les droits des Noirs. M’appelle Mohamed Ali est un spectacle sans concession qui fait entendre les paroles de Mohamed Ali, mais aussi l’histoire américaine et la question noire avec humour et bousculade. On y parle boxe, mais pas tant que cela. Pour Dieudonné Niangouna, le dramaturge est un boxeur, « il boxe la situation », ne se résigne pas, n’accepte pas les compromissions : « La lourdeur de la bêtise humaine est tellement égoïste que pour faire du théâtre, il faut boxer la situation. Mais bien la boxer et lui crever la gueule ! »(1) C’est sur cette posture que repose toute la dynamique poétique de la pièce. Ali est un détour, une figure rhétorique pour atteindre autre chose, comme l’acteur qui est aux yeux de Dieudonné Niangouna bien plutôt un « média-acteur », un porte voix.
Etre dramaturge c’est boxer la situation. Rien dans les mains, rien dans les poches, c’est le magicien que convoque Dieudonné Niangouna en scène, le spectacle est une cérémonie, un vrai rituel et Etienne Minoungou d’abord dans le public monte en scène comme on monte sur le ring. Mais la dimension sportive n’est pas du côté du geste ou de la mise en scène. L’énergie est dans le jeu, les mots, l’échange avec le public, chaque soir, et cet échange justement est parfois sportif, car les cordes du ring scénique son invisible et les spectateurs se lancent, osent interpeller l’acteur, tandis que celui-ci doit sans cesse recentrer le propos et revenir au texte. Dieudonné Niangouna met l’acteur en situation d’être un boxeur, boxeur de mots et d’émotion, il bouscule, déplace les consciences.
C’est pourquoi la performance d’Etienne Minoungou est une proposition artistique sur le fil du rasoir : le boxeur-acteur se fait funambule jouant avec la ligne de pénétration du spectateur, laissant le public intervenir et recentrant le propos, donnant constamment aux spectateurs l’illusion d’un dialogue. La performance physique est nécessaire et Dieudonné Niangouna s’en explique sans pirouette, en prenant la question à bras le corps. Le théâtre est un combat, impossible d’atteindre le public sans payer de sa personne. Etienne Minoungou sert magistralement ce projet, abordant le plateau avec les mêmes influx qu’un boxeur avec le même type de trac ? Car en effet dans ce spectacle, l’acteur se met en danger, mais offre aussi en sacrifice au spectateur sa pratique artistique, son engagement d’acteur africain. Et il s’agit bien d’en découdre au sens fort du terme, de déconstruire, démembrer, désarticuler la marionnette du théâtre africain, pour laisser voir une autre esthétique, celle d’une bâtardise assumée, une esthétique délibérément monstrueuse.

Festival Avignon 2016 : M’appelle Mohamed Ali les 21, 22, 28 juillet Au COLLÈGE DE LA SALLE, 3, place Louis Pasteur – 84000 Avignon///Article N° : 13296

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