Nadia Beugré : danseuse en lutte

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En cette rentrée, la danseuse ivoirienne Nadia Beugré ouvre la saison comme elle ouvre ses danses : avec audace et engagement. Levée de rideau sur Quartiers libres et Legacy, deux créations à revoir ou découvrir dans le cadre du Festival d’Automne.

La salle n’est pas encore plongée dans le noir que, déjà, la musique retentit. Puis une voix… celle de Nadia, puissante mais vacillante qui entonne « Malaika », de Myriam Makeba. Sa silhouette apparaît au milieu du public ; vêtue d’une robe de scène et d’un micro dont le long fil entoure son cou. Comme un collier, comme une chaîne ? Elle s’interrompt parfois pour interpeller du regard ou de la voix ceux venus l’applaudir. Quand elle monte finalement sur la scène, son territoire, ce n’est que pour mieux en redescendre. Comme pour brouiller les frontières physiques, sociales qui séparent traditionnellement l’artiste de son public.
Libre ?
Quartiers libres, créée en 2012, questionne ces limites. Furieusement, au rythme des battements psychédéliques des tambours ou des musiques é lectroniques qui l’accompagnent, Nadia Beugré les défie, joue avec elles. Les transgresse parfois. Alors, on la dit provocante. « Sortir des cadres, c’est être provocante ? », confie-t-elle en interview. Et de continuer : « En tant qu’artiste, mais aussi en tant que femme engagée, en tant que musulmane, je me demande souvent jusqu’où je peux me sentir libre, sans pour autant heurter l’autre, sans le piétiner ? » Cette quête de liberté, Nadia la revendique jusque dans sa danse et sa pratique qu’elle refuse de catégoriser. « Je n’aime pas être présentée comme une danseuse africaine. C’est réducteur et simpliste. Je suis une artiste. Point ! » Elle a fait ses premiers pas dans la danse au sein du Dante Théâtre où elle explore les danses traditionnelles de Côte d’Ivoire. Puis elle passe par la formation « Outillages Chorégraphiques » à l’École des Sables de Germaine Acogny au Sénégal avant d’intégrer, en 2009, la formation Ex.e.r.ce « Danse et Image » au Centre Chorégraphique de Montpellier. Elle se nourrit alors de toutes ces expériences, ces rencontres entre les cultures traditionnelles et contemporaines, africaines et occidentales, mais aussi des événements qui soulèvent son âme de militante.
Combattante(s)
« Pour Legacy, ma toute nouvelle création, je me suis inspirée de la Marche de Bassam de 1949, durant laquelle mes compatriotes ivoiriennes furent passées à tabac alors qu’elles protestaient pacifiquement afin d’obtenir la libération de leurs maris emprisonnés pour des raisons politiques. » Nadia puise également dans la détermination de la reine ghanéenne Pokou qui, selon la légende, sacrifia son fils pour permettre la fuite de son peuple forcé à l’exode au XVIIIe siècle. Une oeuvre féministe ? « Je ne me suis pas posée la question, j’aborde ces luttes parce qu’elles me touchent et qu’elles me rappellent ces combattantes qui m’inspirent tant : Myriam Makeba, Nina Simone,… » Une oeuvre militante ? Oui, résolument ! Une oeuvre qui interroge la position que les femmes occupent dans nos sociétés. Non pas celle qu’on leur cède, mais celle qu’elles conquièrent avec force et détermination. « Ne pas être assigné au rôle qu’on leur a réservé : c’est cela qui m’intéresse dans ces destins de femmes et c’est cela qui m’anime en tant qu’artiste. Pour créer, pour avancer, j’essaye toujours de m’affranchir du regard des autres. » Mais cette fois-ci, Nadia Beugré ne réussira pas à s’affranchir du regard de son public qui, sans nul doute, viendra nombreux applaudir Quartiers libres et Legacy.

Au festival d’Automne
Legacy, les 28 et 29 septembre et les 1er et 2 octobre 2015 au Théâtre de la Cité Internationale, 21 Boulevard Jourdan, Paris 14e, 01 45 80 91 90
Quartiers libres, du 14 au 17 octobre 2015 au Tarmac, 159 Avenue Gambetta, Paris 20e,
01 40 31 20 96///Article N° : 13189

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