Vertières » : la partition commune des Révolutions française et haïtienne

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Saint-Domingue, la plus riche colonie des Amériques [1], 18 novembre 1803, bataille de Vertières. D’un côté, le camp des « blancs », un promontoire fortifié ; de l’autre, le camp des « noirs », une vaste plaine où l’on devine encore le quadrillage des anciennes plantations esclavagistes. De part et d’autre, la « guerre des couleurs » fait rage, dont l’enjeu dépasse le cadre de la seule colonie de Saint-Domingue : triomphe de l’idéologie esclavagiste ou triomphe d’un idéal de liberté « réellement » universel ?

D’emblée Jean-Pierre Le Glaunec, l’auteur du livre L’armée indigène, souligne un paradoxe : d’une ligne de combat à l’autre, résonne une même ligne de chant : la Marseillaise. Alors où sont les Français ? Qui sont les véritables héritiers des Lumières ? Les soldats de Napoléon venus rétablir l’esclavage ou ceux de l' »armée indigène » attachés à défendre les principes de la République ? Il se pourrait bien que les « Jacobins noirs  » aient redonné une actualité à des chants révolutionnaires français depuis longtemps bafoués par la « démence coloniale » de Napoléon. La bataille de Vertières se soldera finalement par la naissance d’une nouvelle nation, Haïti, qui proclamera à la face du monde l’égale humanité de tous les hommes, au-delà de la ligne de couleur. « Vertières » est le nom de la première défaite napoléonienne d’envergure (50 000 morts), de la première révolte d’esclaves victorieuse, de la première République noire… ; et pourtant, c’est comme si cette bataille n’avait jamais eu lieu. Dans son livre, Le Glaunec enquête sur l’énigme de la disparition du nom « Vertières » de notre récit national. Par là même, il montre l’urgence d’intégrer dans ce récit les territoires issus de notre ancien empire colonial. La révolution française et, plus largement, l’histoire française ne sauraient être racontées et définies uniquement à partir de l’Hexagone. Vertières, blessure narcissique refoulée par notre pays, n’est une défaite que pour la France impériale, mais une victoire commune pour les deux Républiques d’Haïti et de France. Alors, qu’attendons-nous pour la célébrer !?…

[1] Elle représente à elle seule 40% du commerce extérieur français au moment de la prise de la Bastille.///Article N° : 12769

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