chui Charlot ou candidat pour le devenir

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« on n’a qu’à rassembler sur la tombe d’un homme de génie les pierres qu’on lui a jetées de son vivant, et il aura une pyramide qui dépassera celle de Kéops. »
Alexandre Dumas, fils

chui docteur en bluffs ou médecin de l’ennui selon l’ami ‒ français ou étranger selon le papier ‒ dans les dettes ou la boisson selon l’humeur ‒ de Gauche ou d’Extrême gauche selon mon RSA ‒ dans la luxure ou la solitude selon ma go ‒ un nanti raté ou un anti-héros selon la rumeur ‒ dans la dérision ou la provocation selon le lazzi ‒ dans l’absurde ou l’humanité selon le point de vue. n’ai foi qu’au sens critique et à cette insolente faconde qui m’aide à railler le monde pour le rallier.

pas confiance en ceux qui pavanent leur réussite et puis je plaide coupable quand on me traite de fumiste léger. les poches passoires de précarité, je ne crache pas sur les pièces égouttées par de rares bons samaritains dans ma main quémandeuse. m’en tamponne de la méritocratie, on ne part jamais des mêmes starting-blocks donc chacun fait comme il peut. me moque des cases-étiquettes et qu’importe la cellule de redressement où la bienséance m’envoie, je ne dessaoule pas mais vomis ma boulimie de grisailles devant des officiers de dégrisement ébahis par mon sourire Joker. je ne ressens pas de honte, je l’humilie.
‘ai l’adolescence éternelle et la gouaille qui taquine. je m’amuse pour rire des épreuves écrasantes. c’est moi l’escargot que les roues d’automobiles à pollution diesel transforment en tapis gluant. je n’avais qu’à être plus rapide persifle mon second degré. au moins chui biodégradant ajoute ma conscience valet.
fidèle adultérin, chui parvenu à convertir un preux religieux au volage pour tous. il me bénit à chaque sermon depuis ce baptême au lascif.

mon décompte en banque m’impose de me résoudre à l’évidence ; je ne serai jamais un bon parent alors pourquoi essayer ? regarde-moi fils, quand tu piailles papa, débrouille-toi pour qu’un émir ou un apparatchik se retourne. chasse de bonnes têtes, rehausse ton existence, va au Parc des Princes et fais-toi adopter parce que ce n’est pas mon legs de néant qui t’épanouira. exceptées des bolées de rigolades trompe-misères, je ne t’offrirai rien. si tu recherches un cadre Françoise Dolto ‒ désolé de te le dire en ricanant mais barre-toi !
mon opinion m’ordonne de sans cesse la remettre en cause alors reste si tu veux. c’est dans la perte de repères que naît l’allégresse. déséquilibré discontinu, je me mouche des moments d’embarras en les transformant en farces. mes malheurs m’inspirent soit des répliques de grands éclats de rire, soit des blagues si merdiques que même en glousser irrite la glotte : j’ai parfois du Desproges dans le verbe et parfois des hémorroïdes dans la gorge.

je me perçois comme le bouffon d’un peuple avide-tristesse. à tous les repas de toutes les semaines de tous les mois de toutes les saisons, le menu m’impose des pâtes. je me souhaite bon appétit pour m’insuffler un smile al dente.
des préfets un tantinet harceleurs sexuels qui nous gouvernent, beaucoup ne connaissent pas le prix d’une baguette mais disposent de quatre assistantes pour envoyer des mails expliquant que les caisses de l’État sont vides. quelle bande de bâtards comiques, des génies, les enfants croisés du potache et du cynisme. de très fins esprits qui arrivent à vivre ainsi de leurs meilleurs sketches et canulars. la quintessence de l’élite, la moelle de la crème, la trace de pneu sur PQ.

je fais quoi de mon inertie ? comment déjouer le rien ? j’ai appelé mon répondeur pour savoir mais il manque de répondant. avaler des séries, m’affaler près de ma console, je ne peux plus, j’ai tout vendu parce que chui un sans-hôtel-fixe. en outre ma ménagère de plus de 30 ans me prête encore sa chair pour signifier qu’elle croit en moi. étonnant. alors je cherche un travail que je ne trouve pas, faute d’irrémédiablement finir par bafouer le recruteur d’une insolence désinvolte. alors je galère. alors je ris à l’indécence.
et si je prenais un crayon ? et si je débarquais en tenue d’Ève à l’ancien Hara-Kiri ? je suppose que ce sont des kamikazes de l’impudence qu’il recrute. moi je meurs au quotidien de mes pitreries effrontées donc je corresponds, j’ai le profil, chui Charlot.

j’ai passé l’entretien. j’ai dénombré près de 4 millions de postulants comme moi, des désœuvrées au rire résilient, des ambulanciers de la nuance, des créateurs de cocasses, des dégustateurs d’humour noir, et qu’ils soient analphabètes, RG, altermondialistes, onanistes de l’ultra-libéral, complotistes, fatalistes, patriotards, xénophiles, bisexuels, puritains, juvéniles, séniles, en chaises roulantes, en conditionnelle, poètes ou connards, ils se sont confondus.
des gens imparfaits, fragiles et bizarres ont prétendu à ton poste de chevalier d’irrévérence. et moi chui ce saligaud capable d’en rigoler parce qu’au fond c’est ton cadavre qui croque aujourd’hui le dessin du rassemblement.
drôle non pour un trublion accusé jadis, il y a peu, de diviser les Français ?
un coup de maître, Charlot.

Ce texte a été initialement publié sur le site internet de l’auteur ( ici)
Et reproduit sur africultures.com avec son autorisation.///Article N° : 12697

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