Des architectes investissent un foyer

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Deuxième phase du projet « Ré-inventer le foyer » initié par Afriscope depuis deux ans [1]. Durant 15 jours, en février dernier, des architectes et paysagistes en herbe [2] ont investi le foyer de travailleurs migrants République à Epinay-Sur-Seine pour y transformer la salle de vie collective et le jardin.

Février 2012 : le grand foyer République situé aux abords d’Epinay-sur-Seine, où vivent plus de 200 hommes chibanis [3], s’anime de façon inhabituelle. Une quinzaine d’étudiants architectes, accompagnés de paysagistes, investissent la salle de vie commune et le jardin de ce foyer géré par l’ADEF sous les regards d’habitants comme Monsieur Tarmoul, ouvrier en bâtiment : « Cela nous apporte du changement. C’est positif pour tout le monde ». Égayée de couleurs, d’éclairages et de mobilier astucieux, la salle commune, jusqu’alors délaissée, se transforme en salle de réunion, salon de thé et bar-café. Quant au jardin, le voilà paré d’un terrain de pétanque, de bancs en bois, d’un mur végétal et d’espaces où pousseront aux beaux jours courges, menthe, tomates.
Dimension politique
Sortis de terre dans les années 1970 pour héberger les travailleurs venus du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, les foyers sont, depuis les années 1990, l’objet de restructurations qui réduisent souvent les espaces communs au profit du logement individuel. Le projet « Ré-inventer le foyer », initié par Afriscope et mené cette année en collaboration avec le gestionnaire ADEF, entend notamment valoriser les lieux de vie collectifs de ces habitats où, comme au foyer République, vivent souvent des hommes seuls, retraités, naviguant entre France et Maghreb. « Le foyer n’est pas seulement un logement autonome, c’est aussi un habitat défini par des espaces collectifs et ouverts » explique Franck Houndégla, scénographe coordonnant le projet. Les revendications des habitants portent notamment sur les conditions d’accès et de partage de ces lieux communs avec la société gestionnaire, « d’où l’intérêt de travailler sur le salon et le jardin comme lieux de passage » ajoute Franck. Brian, étudiant de l’école d’architecture de Paris-La Villette, un des principaux partenaires du projet, souligne sa prise de conscience des enjeux que cristallisent les foyers de travailleurs migrants : « C’est primordial de connaître ces lieux dans toute leur dimension politique pour mieux la prendre en compte. »
Relations humaines
Les étudiants ont donc cherché, en lien avec les acteurs de l’ADEF, à transformer la salle collective et le jardin du foyer République en lieux de convivialité. Pour cela, en amont du chantier, ils ont passé du temps à échanger avec les habitants pour traduire sinon recueillir leurs besoins. Ces derniers sont toutefois restés relativement distants du projet, parce que souvent préoccupés par des problèmes du quotidien d’ordre plus essentiel. Malgré cette première réserve, les habitants donneront-ils vie au salon et au jardin remis à neuf ? Le projet parviendra-t-il à améliorer les relations humaines dans le foyer ? A ce stade, les questions demeurent nombreuses. Mais elles ne ternissent pas l’engagement des professionnels qui pilotent le projet. Fiona Meadows, professeur à l’école supérieure d’architecture de Paris-La Villette, répond sans louvoyer : « C’est une expérimentation, on ne sait pas si le projet décrispera les choses. Mais c’est la première fois qu’une jeune génération d’architectes s’investit dans un foyer pour mener une action concrète ».

Ré-inventer le foyer/le foyer Idéal est le deuxième volet d’un projet pluri-annuel inscrit dans le cadre du programme « Travailleurs migrants, acteurs des dynamiques culturelles et citoyennes » initié par l’association Africultures et son magazine Afriscope. Il associe l’ADEF, l’École nationale supérieure d’architecture Paris La Villette (Unité Maisons et paysages), l’Ecole Nationale de Paysage de Versailles, la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, l’École supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg (Pôle Espaces publics), la Fondation IOSIS et Plaine Commune. Coordination artistique : Franck Houndégla, Équipe pédagogique : Mongi Hammami et Fiona Meadows, Étudiants ENSA Paris La Villette : Tiphanie Timsiline, Clothilde Richard, Augustin Riviere, Tomohiro Ichimanda, Dalila Ghodbane, Alejandro Bernal, Astrid Lenoir, Nicolas Barnavon, Chloe Rouzerol, Clara Grison, Grégoire Guesuraga, Brian Frocrain, Elise Giordano. ENSP Versailles : Camille Fréchou, François Herisset, Damien Roger, Laura Roubinet

[1] Voir article dans le n°20 d’Afriscope.

[2] Étudiants venus de trois établissements (l’École Nationale Supérieure d’Architecture Paris La Villette, l’Ecole supérieure des arts décoratifs de Strasbourg et l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles) ils ont réalisé le chantier du 28 janvier au 5 février 2012.

[3] « Cheveux blancs » en arabe dialectal.///Article N° : 12626

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