Un potager pour rester

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En plantant fruits et légumes sur les terres en friches de Montreuil (93), l’association Ecodrom permet à 12 familles roumaines précarisées de s’installer pour un temps. Reportage.

Aux abords de la rue de Rosny, à la lisière de l’autoroute au nord-est de la ville de Montreuil ; des baraquements. Ces habitations de fortune sont logées entre les murs à pêches dont les fruits étaient au 17e siècle consommés à la Cour de France. à l’entrée, des enfants chahutent sur leurs vélos. Lorsqu’ils nous aperçoivent, ils s’approchent en criant, « Colette, Colette ! ». Ils connaissent bien cette rouquine d’une soixantaine d’années qui s’adresse à eux en romani. Elle a cofondé en 2010 l’association Ecodrom. L’objectif affiché ? « Ruraliser la ville » en développant des jardins sur des terrains à l’abandon. C’est donc un grand potager que je découvre après une traversée rapide du campement, emportée par l’enthousiasme de mes guides.
Échapper à l’expulsion
En réalité, sous couvert de cultiver des légumes, Colette Lepage permet à plusieurs familles roumaines d’échapper à l’expulsion. Tout commence en 2008, alors que Colette travaille dans son propre jardin. Elle se lie d’amitié avec Eva, qui vit dans une baraque de l’autre côté de la route. « Lorsque j’ai vu que ces familles venant de la campagne s’y connaissaient, je me suis dit qu’elles pourraient habiter sur des terrains à l’abandon si elles les cultivaient », lâche Colette. Avant qu’elle n’y mette son grain de sel, les familles de la rue de Rosny faisaient l’objet d’une Obligation préfectorale de quitter le territoire (voir encadré) et d’une assignation à quitter le terrain de la part de la municipalité. « Nous avons gagné en justice face à l’État et la Mairie », se félicite Thérèse Leprêtre, avocate et cofondatrice d’Ecodrom. Et de poursuivre : « Après cette victoire en janvier 2011, l’association a pu passer des conventions d’occupation précaires avec la mairie pour cultiver les terres inutilisées ». Ces accords reconnaissent un droit de jouissance moyennant une faible, voire aucune, contrepartie financière. C’est ainsi que les familles entretiennent les terres rue de Rosny. « Nous savons qu’elles y vivent aussi. Mais leur présence ne nous pose aucun problème car cela se passe très bien », explique-t-on du côté de la Mairie.
Une solution temporaire
à partir du 1er janvier 2014, les travaux du tramway pourraient forcer les familles à se déplacer. Car il suffit d’un préavis de deux mois à la municipalité pour récupérer les parcelles. Il en va de même pour les familles installées non loin de là, dans de petites maisons impasse Marseuil. Ces dernières pourront y vivre encore deux ou trois ans avant que ne débute la construction d’un éco quartier. Ce qui laisse le temps de travailler sur « l’insertion des familles » et de trouver une solution durable, estimet- on à la Mairie. La levée des restrictions d’accès au marché de l’emploi pour les Roumains et les Bulgares devrait faciliter cette insertion. Au final, la solution initiée par Ecodrom ne coûte rien et aurait de quoi inspirer de nombreuses communes.

La législation

Pour travailler en France, les Roumains et les Bulgares doivent posséder un permis de travail. Ils ne sont autorisés à rester sur le territoire qu’à condition de disposer de ressources suffisantes. Ces restrictions prendront fin au 1er janvier 2014.///Article N° : 12452

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