Lire en été 2 : L’Afrique entre soleil et volcan

Cantate pour un Soleil libre d'Angèle Bassolé-Ouédraogo

Print Friendly, PDF & Email

L’été est souvent l’occasion de prendre davantage le temps de lire. Africultures, jusqu’en aout, vous conseille chaque semaine, quelques oeuvres parues ces derniers mois et de grands entretiens. Belle lecture.

Angèle Bassolé-Ouédraogo vit à Ottawa depuis de nombreuses années. Son nouveau recueil de poèmes, publié aux éditions l’Interligne à Ottawa, comme les précédents, nous renvoie à l’Afrique imaginée ou rêvée, mais aussi à l’Afrique réelle, tragique, en manque de « Porteurs ».

En couverture : une carte de l’Afrique-brasier de tous les maux, peut-être de quelques paroles qui se font encore entendre par – delà le volcan qui ne laisse aucun répit aux femmes et aux hommes de bonne volonté. Car des humains qui chantent, rêvent et pensent vivent là, en ce lieu-monde de la taille d’un continent. Le titre du recueil, Cantate pour un Soleil libre, nous le rappelle. « La poésie et la révolte vont de pair » dit la poète en avant-propos. Car il y a là, sans doute, trace de ce l’on pourrait appeler une poésie « engagée ». La liste des dédicataires est longue, parmi lesquels les « intègres » Thomas Sankara et Norbert Zongo.
L’histoire qui se raconte par fragments tisse en relief des faits quotidiens ou des événements afin de donner libre cours à l’imaginaire du feu – qui brûle et éclaire.
Le continent devient alors un corps aux « yeux-soleils » :

« Je vois, écrit dans tes yeux-soleils
Et dans ces flammes qui dansent le warba,
Le mot rouge sang de la Liberté » (P. 15)

Des images fulgurantes de l’Afrique réelle, avec ses turpitudes et son histoire faite de multiples violences traversent le recueil de part en part- et tous les recueils d’Angèle Bassolé-Ouédraogo depuis Burkina blues (2000). Une Afrique en manque de « porteurs », morts – de mort violente. Des créateurs auraient pu apporter cette vision recherchée, celle d’une Afrique en marche, en harmonie avec elle-même, mais ils manquent aussi à l’appel, trop tôt disparus (p. 36). Restent en poésie des mots-clés : « liberté », espérance », « solitude » et d’autres mots pour dire l’absence de force et de vision d’un continent qui vacille.
Pourtant, la musique et le rythme des mots accompagnent quelques images fortes autour de l’imaginaire et des couleurs du feu. Ainsi, Cantate pour un Soleil libre mène à l’amour rêvé. Le chant prend source dans l’éloignement du pays-continent aimé.

« Je tresse avec mes mots esseulés
Des nattes d’espérance
Pour des peuples à la dérive
Sur un continent en voie de disparition » (p.17)

Mais l’amour n’est-il pas aussi celui de l’être aimé ? Les mots le suggèrent çà et là. La parole poétique mêle en un même mouvement fragmenté l’amour du pays et l’amour de l’aimé, l’Amour tout court.

« Dire l’Amour
En vers de sang
Dire le Désir
Demeuré Désir
Selon les mots
De René Char
Me fait penser aux amants de Vérone » (P. 20)

Cantate pour un Soleil libre chante l’éloignement, la séparation, la solitude, l’amour blessé. Angèle Bassolé-Ouédraogo dit l’essentiel à propos du manque et du désir : voir ses lieux fragmentés, ses piliers disparus. Ne plus avoir que sa voix et ses mots pour le dire.

17 juin 2014///Article N° : 12281

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire