Nimbaya! Encore une Première en Guinée

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Dans le domaine de la musique et de la danse, trois grandes « Premières » sont à mettre au crédit de la Guinée : Le Ballet national de Keita Fodeba ou Les Ballets africains, Les Amazones de l’orchestre féminin de la gendarmerie nationale et Nimbaya! The Women’s Drum & Dance Company of Guinea.

Ces trois compagnies sont originaires de Guinée, en Afrique de l’Ouest. Le Ballet de Guinée ou Les Ballets africains a été la première troupe de danse africaine à se produire aux États-Unis, en 1959. Comme nous le savons, la musique et de la danse sont issues de la tradition orale qui imprègne tout le continent. Ces danses, généralement créées dans un village, ne se déplacent pas hors des limites de celui-ci car elles ne seraient pas comprises d’un pays voisin, les paroles des chants étant dans la langue locale. Le grand nombre des langues parlées sur le continent entrave la circulation de la musique et de la danse hors des frontières nationales.

Transmises oralement d’une génération à l’autre en l’absence d’autre système de transcription, ces différentes musiques et danses restent donc liées aux circonstances de leur création. Or, toute société qui dépend uniquement de la communication orale pour la transmission de sa culture d’une génération à l’autre est vouée à disparaître en raison de la défaillance de la mémoire humaine au fil du temps
À la fin des années quarante et tout au début des années cinquante, de nombreux Africains francophones ont poursuivi leurs études supérieures en France, à défaut de pouvoir le faire dans leurs propres pays. Keita Fodeba, un écrivain et compositeur malinké est arrivé en France à cette période. Il était à la recherche de Maurice Sonar Senghor, neveu du futur président du Sénégal. Tous deux étudiaient le théâtre. Sonar Senghor et son groupe Les Siccos se produisaient à la discothèque Rose Rouge Café. Les deux hommes, devenus très bons amis avaient réalisé que tout acte théâtral, fondé sur la langue véhiculaire locale n’atteindrait aucune envergure internationale. De leur collaboration est née une compagnie de danse en 1952. Ils pressentaient qu’il n’était pas nécessaire de comprendre une langue pour apprécier une chorégraphie et les pulsations des tambours sur une scène de théâtre. D’où l’idée d’une compagnie de danse nationale. Après un travail acharné, le succès survint en 1953 lorsque le Ballet national de Keita Fodeba fit ses débuts au théâtre de l’Étoile, dans le même spectacle qu’Yves Montand, un homme de spectacle français très populaire.

Le deuxième groupe créé par Keita Fodeba fut composé uniquement de femmes, Les Amazones de l’orchestre féminin de la gendarmerie nationale. C’était un orchestre de jazz. Les Amazones fut le premier orchestre féminin de la Guinée. Je crois que ce groupe s’est produit à New York dans les années soixante-dix. Il s’agissait alors d’introduire un nouvel élément de culture africaine dans un monde occidental avide d’exotisme. Les troupes de danse et de musique africaines semblaient être le moyen le plus simple d’y parvenir. Malheureusement, bien qu’elles soient d’excellentes musiciennes, les Amazones ne correspondaient plus aux aspirations du public qui réclamait désormais non plus du jazz mais de la musique et de la danse traditionnelles africaines. C’était dans les années soixante-dix et le public avait découvert le Ballet national du Sénégal, la compagnie qui avait révolutionné la pratique et l’enseignement de la danse africaine. Il a servi de modèle à toutes les autres troupes africaines. La Compagnie nationale de danse du Sénégal a ainsi occupé tout le terrain dans les années soixante-dix et quatre-vingt.

Nimbaya, ensemble exclusivement féminin de danse et de musique est la troisième grande Première au Guinée. Ce groupe comprend des femmes jouant du djembé, un instrument essentiellement pratiqué par les hommes. Dans toute l’Afrique, le rôle des femmes a été principalement de danser et très peu de femmes sont percussionnistes. Seules semblent être répertoriées les épouses oba au Nigéria, les femmes senoufos représentées dans des illustrations pratiquant sur des tambours de trois pieds de haut et les femmes du Niger qui jouent du tindé (un mortier en bois sur lequel est tendue une peau de chèvre).
La compagnie est composée de quinze femmes mais elles sont rarement plus de onze sur scène. Nimbaya tient son nom du nimba ou d’mba, masque du peuple baga de Guinée.
Le masque représente la mère de la fécondité, protectrice des femmes enceintes. Il est utilisé dans toutes les cérémonies agraires. Le masque nimba est porté sur les épaules d’un homme revêtu d’un long costume en raphia. Il est à noter que les tambours djembé ne sont pas utilisés dans les danses des masques nimba.

Nimbaya a été créé en 1998 par Mamodou Condé, issu des Ballets africains, qui a profité de la popularité acquise par le djembé depuis 1971 quand ce dernier a pris le pas sur les tambours du Congo. La pratique des percussions, et tout particulièrement les fûts de trois pieds de haut, est dominée par les hommes. Les femmes sont cantonnées à danser sur les rythmes inspirés des tambourinaires masculins. En tant qu’aînée ayant évolué dans le milieu des percussions africaines depuis maintenant plus de cinquante ans, je peux confirmer que de nombreuses femmes étaient dans l’obligation d’apprendre à jouer par une écoute répétée des rythmes, à défaut de pouvoir pratiquer puisqu’en aucune circonstance, une femme ne pouvait jouer du djembé.
La première apparition de Nimbaya à New York s’est déroulée sur deux jours au Symphony Space, les 23 et 24 mars 2012.
Le spectacle présenté par Nimbaya a pour double objectif de divertir et d’informer sur les dangers des mutilations génitales. subies par les femmes. Une grande partie de l’Afrique est concernée par ce grave problème. Nimbaya débute donc la représentation par Ato Ayendimina, (Stop, vous me faites du mal !) une mise en scène du sort réservé aux jeunes filles. Les initiées sont amenées sur le lieu de la mutilation, pratiquée parfois par leur propre grand-mère, mère ou tante. Au fur et à mesure de la progression de la pièce, le public réalise que ces jeunes filles sont réticentes, que le couteau utilisé est rouillé et entaché du sang de toutes celles qui ont été mutilées. Les spectateurs apprennent que l’opération est effectuée dans des conditions sanitaires inexistantes, provoque de graves cicatrices et conduit parfois à la mort. Dans une des scènes, l’une des initiées tombe malade et un médecin est appelé pour la sauver. Bien que les mutilations soient désormais interdites dans de nombreux pays, elles sont encore couramment pratiquées dans les villages. Selon la tradition, l’excision et autres mutilations sauvegarderait la virginité des jeunes filles avant leur mariage. À la fin de la pièce, l’aînée promet de ne plus pratiquer de mutilations.
Le numéro suivant, Bambo, est un solo de balafon. En malinké, le mot « balafon » signifie littéralement « joueur de bois » et se décompose en fon « jouer » et bala « le bois ». La diaspora appelle cet instrument xylophone. Il est présent partout en Afrique sous des noms différents, avec des formes et des dimensions diverses. Le son est produit par un jeu de lamelles de bois plus ou moins longues et larges, sa caisse de résonance est constituée de calebasses de tailles diverses.
Bambo fait référence à celle qui m’a porté sur son dos. En fait, cette chanson est en hommage à toutes les femmes qui traditionnellement porte leur enfant sur leur dos. Son effet relaxant est renforcé par les instruments en bois dont la tonalité rappelle presque celle des berceuses.
Plusieurs rythmes appréciés des Guinéens se sont succédé au cours du spectacle : ainsi le gine fare, familier au public car joué pendant les récoltes pour soutenir l’énergie des paysans ou encore le sofa le doudounba. Outre le djembé, le groupe joue des tambours dioun-dioun et sangban. Un numéro de trois balafons rencontre un beau succès auprès du public. Quelques sketches comiques apportent des moments de gaîté.
Par moments, certaines percussionnistes abandonnent momentanément leur instrument pour exercer quelques pas de danse ou quelques acrobaties. Avec seulement onze femmes sur scène, il est difficile d’assurer simultanément la danse.
La représentation se termine dans un crescendo symbolisant le battement de cœur de l’Afrique.

///Article N° : 10721

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Les images de l'article
le groupe Nimbaya! © Nathalie Roy
Le goupe Nimbaya! © Nathalie Roy





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