La rencontre du jazz et de l’Afrique

Entretien de Marième O. Daff avec Gino Sitson

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Jeune musicien camerounais, Gino Sitson est venu tenter sa chance sur la scène new yorkaise, il y a un an. Chantant dans son Medumba natal, il marie des rythmes traditionnels africains à une tendance jazz. Il y ajoute également de nombreux jeux polyphoniques réalisés avec sa propre voix, qui sont un peu son signe particulier. Riche d’une longue expérience en France, où il avait débuté sa carrière, il explique ici ce que New York lui a apporté.

Votre carrière a en fait décollé en France, où vous avez d’ailleurs sorti deux albums, Vocal Deliria et Song Zin’ – qu’est-ce qui vous a poussé à venir vous installer aux Etats-Unis ?
En France, les choses n’avancent pas. J’en avais assez de tourner en rond et de me heurter aux limites de l’industrie musicale. On cherche toujours à te faire chanter comme un tel ou tel autre. Je me souviens d’un agent qui m’a dit un jour : « C’est bien ce que tu fais, c’est vraiment bien. Mais il faudrait faire plus dans le style Mory Kanté. » Les Français veulent t’apprendre ta propre musique. Aux Etats-Unis, il y a plus d’espace pour l’expression personnelle – les gens sont ouverts et curieux de connaître. Je me suis fait plus de contacts ici en quelques mois qu’à Paris en dix ans. Mon bilan avec la France : une perte de temps.
Ici, on vous présente publiquement comme « musicien camerounais », malgré le fait que vous ayez passé une grande partie de votre vie en France. Votre accent toulousain vous trahit d’ailleurs ! Quelle identité revendiquez-vous ?
Je suis Africain et c’est tout. Ici, c’est la première chose qu’on voit – il n’y pas tout ce scénario autour de la notion « d’origine ». On n’a qu’une identité – la mienne est africaine. Et je veux que ma musique représente ce que je suis.
Effectivement, vos morceaux sont presque tous exclusivement en Medumba – qu’est-ce que ça représente pour vous de chanter dans votre langue natale ?
Ça a été un long processus de maturation. A mes débuts, je composais beaucoup en anglais. J’étais largement influencé par le jazz américain, et je ne dissociais pas bien la langue de la musique. Mais quelque part, dans un coin de ma tête, je nourrissais le projet de pouvoir un jour chanter dans ma langue. Ça n’était pas vraiment conscient, je pense – jusqu’au jour où ça m’a frappé et où je me suis lancé. Les réactions autour de moi étaient très réservées. J’ai eu des remarques du style, « c’est quoi ces sons, ces onomatopées – t’es pas sérieux ? »
Un style d’abord qualifié de « primitif », mais qui a pourtant remporté un succès extraordinaire – c’est de la musique africaine, mais indéniablement marquée par une influence jazz. Sous quelle catégorie musicale voulez-vous être placé ?
Je ne veux pas qu’on me catégorise : qu’on me mette partout. C’est un problème que j’ai constamment avec les disquaires : on me confine à la section « jazz » ou « musique du monde » et ça m’irrite. D’ailleurs je déteste ce label « musique du monde ». Ça veut dire quoi ? Pour moi, ça fait vraiment fourre-tout – en somme, poubelle. Je fais de la musique noire – ici on dira « afro-jazz », mais c’est tout de même avant tout de la musique.
Et une musique qui résonne si bien dans ce New York multi-culturel – des ressources à puiser ?
New York est une ville unique au monde. L’énergie des gars ici est exceptionnelle – et bien-sûr, j’ai des projets plein la tête. Il y a de grand musiciens que j’admire ici, et que ce soit en terme d’influence ou de collaboration, il y a énormément à tirer. Je sens que je peux élargir mes horizons et créer de nouvelles opportunités. Pour le moment, le bilan est très positif.

Vocal Deliria – Song Zin’
www.ginositson.com///Article N° : 103

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