Olvis Dabley :  » Coco Bulles est le porte-flambeau qui nous a apporté la reconnaissance internationale « 

Entretien de Christophe Cassiau-Haurie avec Olvis Dabley

Par MSN entre Erstein et Abidjan, décembre 2009.
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Fleuron du 9ème art ouest-africain, la Côte d’Ivoire est le berceau de Gbich !, l’une des rares réussites continentales en matière de revue de BD mais aussi de Coco Bulles, l’un des rares festivals africains organisé par un opérateur local. Olvis Dabley, organisateur de Coco Bulleset  » compagnon de route  » de plusieurs auteurs nationaux de BD est l’un des acteurs majeurs de cette réussite.

Vous dirigez une agence événementielle de conseil en création d’événements. Non spécialisée à l’origine dans le domaine culturel, c’est pourtant elle qui a permis la naissance de Coco Bulles. Comment en êtes-vous venu à organiser ce festival ?
Après avoir exercé comme graphiste freelance, je me suis reconverti en 1995 dans le coaching artistique (arts plastiques, musique et mode) et j’ai lancé le label Olvis Dabley Productions rebaptisé en 1997 Olvis Dabley Agency – spécialisé dans l’organisation d’événements. C’est cette année-là que les activités de l’agence ont réellement décollé avec la mise en œuvre du premier salon international de la médecine en Afrique (Simed-Afrique), puis de la Foire Internationale de Noël à Abidjan. C’est au terme de ces expériences que j’ai véritablement lancé mes propres affaires. Plusieurs projets se sont enchaînés, à la fois sur commande et sur la propre initiative de l’agence. En 2001, sur une idée de l’association « Tache » d’Encre regroupant les dessinateurs de presse et de bande dessinée en Côte d’Ivoire, nous avons lancé le festival Coco Bulles qui devait se tenir tous les deux ans. Ce projet est devenu le porte-flambeau de notre agence. C’est lui qui nous a apporté la reconnaissance internationale dont nous jouissons actuellement.
Quels étaient jusque-là vos liens avec le milieu de la BD ?
J’étais dessinateur à l’origine, ayant été formé dans des collèges et lycées spécialisés dans l’enseignement artistique. J’ai donc évolué très tôt dans le milieu artistique. L’idée de Coco Bulles est venue de mes amis bédéistes Zohoré Lassane, Illary Simplice et Mendozza y Caramba qui m’en ont confié la mise en œuvre mais aussi de l’association « Tache d’Encre » et de l’hebdomadaire Gbich !. Puis les choses sont allées très vite au point d’en faire en définitive un produit de notre agence me permettant de renforcer mes liens avec le milieu de la BD. C’est ma première mission de contacts à Angoulême en 2001 qui m’a véritablement plongé dans le moule de cet art. Depuis lors, par affinités corporatistes, Coco Bulles a jeté un pont entre lui et ses homologues français et suisses d’Angoulême et de Sierre. Ainsi, pendant quelques années lors de ces deux festivals européens, j’ai tenu des stands de promotion des publications africaines tout en recherchant des auteurs à inviter à Coco Bulles. Ces occasions m’ont permis de tisser de nombreuses relations dans le milieu.
La crise ivoirienne a-t-elle eu un impact sur vos activités d’entrepreneur culturel ?
Bien sûr ! Alors même que nous nous attendions à amorcer notre vitesse de croisière, nous avons pris du plomb dans l’aile du fait de la longue crise politico-militaire survenue en 2002 dans notre pays. Nous sommes longtemps restés dans l’expectative, surtout que la plupart de nos projets se planifient sur le long terme et nécessitent beaucoup de fonds qui ont fini par se faire rares !
Quel bilan tirez-vous des trois premières éditions de Coco Bulles ?
Il faut préciser que Coco Bulles a tenu ces trois éditions en sept ans et prépare actuellement sa quatrième, initialement prévue au mois de novembre 2009 et qui a été repoussé sine die. Côté bilan, outre les comptes qui clignotent toujours sur le voyant déficit, le festival a gagné en notoriété et en crédibilité en réussissant à attirer plusieurs délégations en provenance des quatre coins du monde. Notamment de la Suisse et de la Belgique, pays invités d’honneur, respectivement en 2003 et 2007.
Quels étaient les invités ?
Comme auteurs, on peut citer le Québécois Tristan Demers (Gargouille) et le Néerlandais Willem (Charlie Hebdo) en 2001. En 2003, il y a eu Jean-Claude Fournier (Fantasio et Spirou) ; Feu Claude Moliterni (scénariste et membre fondateur du festival d’Angoulême) ; Christophe Berstchy (Nelson) qui figurait au sein de la délégation suisse conduite par l’éditeur Pierre Paquet. En 2007, Danny (Histoires coquines) est venu de Belgique aux côtés des caricaturistes Pierre Kroll et Cécile Bertrand.
Pourquoi avoir déplacé le festival de Grand-Bassam à Abidjan ?
Au terme de la 2ème édition du festival, la crise en Côte d’Ivoire n’en finissait pas et s’est même intensifiée à travers les événements de novembre 2004 qui ont occasionné le rapatriement de huit mille Français et autres expatriés. D’une part, vu le départ de ces populations qui constituaient majoritairement les visiteurs du festival et vu d’autre part le sentiment généralisé d’insécurité dans le pays, Bassam était apparu excentrée. Dans un tel contexte, il était aisé de comprendre les difficultés budgétaires des exposants auxquels on ne pouvait plus demander de rallonge financière eut égard, entre autres, aux charges hôtelières qu’implique leur participation au festival sur Grand-Bassam
Vous avez soutenu l’édition de deux BD ou recueils de dessins : « Cultivons l’amour » et « On va où, là ? » Pourquoi cette initiative ?
Ces publications s’inscrivent dans une démarche citoyenne de promotion de la cohésion sociale et de la paix en Côte d’Ivoire, à l’issue du coup d’état militaire de 1999 et de la guerre du 19 septembre 2002. Le faisant par le truchement de la bande dessinée et du dessin de presse, nous voulions donner leurs lettres de noblesse à ces médias dont l’impact ne saurait être remis en cause dans un environnement ivoirien où l’illettrisme demeure encore un réel problème de développement humain. De plus, nous espérions offrir sur place une opportunité de publication aux jeunes auteurs dont certains peuvent aujourd’hui s’illustrer dans les festivals régionaux et internationaux.
Cultivons l’Amour a été publié avec le concours financier du gouvernement américain pour être distribué gratuitement dans le cadre d’une campagne pour l’unité nationale. Côte d’Ivoire, On va où là ? par contre a été vendu dans le commerce ainsi qu’à l’occasion de certains festivals et je dois dire que l’ouvrage a connu un double succès d’estime et commercial. La première édition est en rupture et nous sommes en réflexion pour la deuxième.
Comment voyez-vous l’évolution de la BD dans votre pays ?
En bond qualitatif depuis l’avènement du journal Gbich ! et de Coco Bulles.
Comment expliquez-vous le succès de Gbich ! ?
Ce succès s’explique par l’originalité de l’idée et de la ligne éditoriale du journal. Celui-ci réussit éloquemment à tourner en dérision, dans un style et un ton local, les faits sociaux et les événements politiques majeurs qui alimentent le quotidien des Ivoiriens. Mais l’autre raison du succès du journal relève surtout du sérieux de son management.
Il nous est parvenu que vous prépariez en Suisse, un événement international autour de la bande dessinée africaine. Qu’en est-il exactement ?
En 2006, au bout de cinq ans de randonnées entre l’Europe et l’Afrique à la faveur de certaines démarches en lien avec l’organisation de Coco Bulles, un fait a attiré mon attention. La plupart des éditeurs occidentaux que je tentais de convaincre de venir au festival en Côte d’Ivoire déclinaient courtoisement mon invitation en me rétorquant qu’il n’y avait pas de marché en Afrique. Ils avaient raison au vu de leurs chiffres. Mais, ce qu’ils perdaient de vue, c’est ce qu’a brillamment réussi le Suisse Pierre Paquet. Cet éditeur a eu le nez creux en jetant son filet dans les eaux africaines au profit du marché en Occident. Il est arrivé à Coco Bullesoù il a été séduit par les travaux de l’auteur Gabonais Pahé dont il publie depuis lors les œuvres. Et cet auteur est aujourd’hui le bédéiste africain résidant en Afrique le plus vendu en Europe. Mais en dehors de ce cas isolé, il faut se réjouir de l’intérêt croissant de la part du public et des éditeurs occidentaux pour les œuvres d’auteurs africains (Abouët, Masioni, Kash, De Villier etc.). Toute chose qui donne le signe d’un marché réel pour les auteurs africains en Europe ; ce qui réduirait ainsi le chômage artistique qu’ils sont amenés très souvent à vivre sur le continent noir. C’est donc, entre autres, en vue de conforter puis de développer ce marché que je projette de mettre en place ce que j’appelle La 9e Case, le Village Africain de la BD avec pour slogan : « La plus grande bulle du Sud en Europe ». C’est la ville de Genève qui est retenue pour abriter la première édition d’ici fin 2010.

Depuis décembre 2009 :
Olvis Dabley a organisé à Abidjan les 22 et 23 octobre 2010 le forum de la satire, Cariture 2010.///Article N° : 10248

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