Nantes en pointe sur la commémoration de l’esclavage

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Depuis plus de dix ans, la Ville de Nantes ose se confronter à son passé de port négrier et à l’histoire de l’esclavage. Alors qu’elle s’apprête à ouvrir le premier mémorial européen à l’abolition de l’esclavage, une association locale porte un projet très ambitieux : un bateau pédagogique pour raconter ce crime contre l’humanité.

Du 17e au 19e siècle, 1709 expéditions négrières ont quitté le port de Nantes. Elles arrachèrent 450 000 Africains à leur terre pour les réduire en esclavage en Amérique et aux Antilles. Un passé de premier port négrier de France que Nantes a choisi de regarder en face. Dès 1992, l’exposition « Les anneaux de la mémoire » réunit plus de 400 000 visiteurs. En 1998, le 150e anniversaire de l’abolition de l’esclavage est célébré, et se dessine déjà le projet d’un mémorial. C’est à peu près à la même époque que naît une folle idée dans la tête d’un précurseur, Dieudonné Boutrin, président de l’association nantaise Métisse : construire la réplique d’un navire négrier du 18e siècle pour raconter une histoire vivante, en mouvement.
L’ambition du « bateau pédagogique »
Ce projet se décline en trois volets. Tout d’abord, un « chantier pédagogique », qui donnera la possibilité aux jeunes d’apprendre le savoir-faire des métiers techniques de la construction navale. Parallèlement, un « village pédagogique » organisera des ateliers afin de travailler sur la mémoire, l’ouverture à l’autre, la lutte contre l’esclavage moderne et les discriminations. Enfin, un « voyage pédagogique » sera entrepris six mois par an. Un parcours qui, symboliquement, fera en sens inverse celui du tragique commerce triangulaire. « La Fraternité » ira à la rencontre des populations mondiales, les cales pleines des fruits du village pédagogique.
Deux projets complémentaires
Un mémorial et un bateau pédagogique, trop pour une même ville ? « Les projets sont complémentaires, explique Dieudonné Boutrin. Le mémorial est un projet politique et un lieu de méditation. Avec le bateau, notre but est d’aller au choc de l’histoire.  » La Fraternité  » sera un livre d’histoire vivant ». Ce projet dérange : « En 1998, des statues d’esclaves furent profanées sur le quai de la Fosse. Encore maintenant, je reçois des menaces de mort. Il y a des moments très difficiles » explique le président de l’association.
Le soutien politique du maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, a tout de même permis au Bateau pédagogique de se développer et de trouver des mécènes. « C’est avant tout un projet citoyen. On le construit dans les consciences, affirme Dieudonné Boutrin. Il demande 14 millions d’euros. Mais si chacun donne un euro symbolique, on y arrive vite. »
« Plus jamais ça »
Depuis cinq ans, l’association travaille dur pour trouver des partenariats. Le président a bon espoir que le chantier se mette en route d’ici un an : « personne n’est responsable du passé. Mais de l’avenir, oui. Ce qui est important, c’est qu’ensemble, on puisse construire cet avenir axé sur la dignité de l’homme et l’impulser au niveau européen« , poursuit-il.
En 2011, le combat est loin d’être terminé. Selon l’ONU, 10% de la population mondiale reste aujourd’hui réduite à l’esclavage. « On vit dans un système qui a annihilé la dignité humaine, qui a soumis l’Homme à la dictature de l’argent. On doit faire prendre conscience aux jeunes générations que l’esclavage est à nos portes. Faire passerelle entre passé et avenir et dire : plus jamais ça.« 

///Article N° : 10167

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Les images de l'article
Dieudonné Boutrin, (deuxième en partant de la droite), veut construire « la fraternité » selon les plans de « l'aurore », bateau négrier du XVIII siècle, dont la maquette est ici présentée. © Archives ouest France / Frédéric Girou





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